Trente-sept ans après le premier S.O.S. Fantômes, le long métrage de 1984 écrit par Dan Aykroyd et Harold Ramis et réalisé par Ivan Reitman, le fils de ce dernier reprend le flambeau. Jason Reitman a écrit, aux côtés de Gil Kenan, et réalisé un nouveau chapitre de la franchise. Véritable hommage au premier opus, cette chasse aux fantômes inédite donne encore une fois l’occasion à des incompris qui se pensent laissés pour compte de se distinguer en sauvant le monde. S.O.S. Fantômes : L’héritage sort en salles ce 1er décembre.

1 – L’histoire

Expulsés de leur appartement de Chicago, une mère célibataire, Callie Spengler, son fils de 15 ans Trevor et sa fille de 12 ans Phoebe s’installent dans une ferme décrépite du fin fond de l’Oklahoma. Cette ruine appartenait au père de Callie, mort depuis longtemps et dont elle n’a que peu de souvenirs. Ce dernier n’était autre que le chasseur de fantômes Egon Spengler. Il avait déménagé loin de Manhattan pour une mystérieuse raison et choisi de vivre près de Summerville en Oklahoma. Cette petite ville repose sur un magma surnaturel sous pression qui ne demande qu’à exploser. En 2021, si plus personne ne se souvient des événements survenus à New York en 1984, le retour des fantômes ne sera pour certains qu’une demi-surprise.

Ivan Reitman, Carrie Coon, Mckenna Grace, Finn Wolfhard et Jason Reitman,

2 – La genèse

Jason Reitman, réalisateur, entre autres, de Juno (2007) et de In the Air (2009), est le fils d’Ivan Reitman, metteur en scène du S.O.S. Fantômes de 1984. Alors qu’il avait six ans, son père l’a emmené sur le plateau de tournage. Il s’est retrouvé assis au-dessus de l’appartement de Dana Barrett (Sigourney Weaver). Il a alors vu un cascadeur se faire bombarder de crème à raser alors qu’un Bibendum Chamallow géant explosait. Le jeune garçon est rentré chez lui avec un morceau du Bibendum en souvenir. C’est ce film qui lui a donné envie de devenir cinéaste.

Il y a 10 ans, il a eu la vision d’une fille de 12 ans qui trouvait un lance-proton dans une étable. L’image lui est restée. Quand Harold Ramis, l’interprète d’Egon Spengler dans l’opus de 1984, est décédé en 2014, Jason Reitman a tout de suite compris que cette gamine était la petite fille du chasseur de fantômes. L’histoire serait celle d’une jeune ado qui trouve un lance-proton et réalise qui elle est, d’où elle vient, quelle est sa mission et la raison pour laquelle elle est spéciale.

En réalisant une suite, Jason Reitman voulait rendre hommage à la franchise. IL souhaitait également faire un film qui parlerait autant à sa fille qu’à son père. Enfin, il désirait évoquer la quête identitaire et trans-générationnelle d’une mère célibataire et de ses enfants qui se croient ordinaires et découvrent qu’ils sont en fait très spéciaux.

3 – Une vieille recette de famille

Jason Reitman entendait réaliser une aventure nostalgique. Il espérait que les spectateurs retrouvent les sensations du premier film de 1984. Son équipe a donc utilisé les mêmes techniques que son père à l’époque.

Ils ont essayé de faire un maximum d’effets spéciaux en prise directe devant la caméra. « Plus vous filmez des effets en direct, plus vous permettez à toute l’équipe de réagir, explique le directeur de la photographie Eric Steelberg, ASC. Ensuite, on gonfle le tout en numérique. Mais que la base soit la plus réelle possible est toujours plus motivant pour tous. » « Ce qui est bien avec les effets en prise directe à la caméra, ce sont les accidents, les ratés, tout ce qu’on n’a pas prévu qui en fait va être encore mieux que ce à quoi on a pu penser, ajoute le créateur des monstres et des effets maquillages Arjen Tuiten. Cela permet aux acteurs de rebondir, de rester inventifs. Et il y a un savoir-faire artisanal qui est pratiquement impossible à reproduire numériquement. »

Quand les effets spéciaux ne pouvaient éviter les technologies numériques, le travail des spécialistes de ces effets consistait à faire en sorte que leurs effets numériques ressemblent aux techniques de 1984, à savoir celles des loupes, des optiques et de l’animation manuelle.

4 – Les fantômes

Mâchefer

Cette vapeur flottante à six bras est un glouton qui raffole du métal. Il vit dans une fonderie désaffectée, se bâfrant des restes d’épaves. Sa création a demandé pratiquement une année de travail.

« Pour faire une bonne créature digne de S.O.S. Fantômes, il faut se rappeler que les moyens techniques étaient plus limités à l’époque et qu’ils étaient donc bien plus créatifs, confie Brynn Metheney, la créatrice du monstre avec la DNEG, la compagnie d’effets spéciaux. Il suffit de rester emblématique, archétypique et de se concentrer sur ce qui fait l’essence du personnage. Dans le cas de Mâchefer, c’est son visage qui retient l’attention. Jason le voulait paresseux et léthargique, une sorte de petit Gremlin grognon obsédé par le métal. On en a fait un fantôme grassouillet avec un air ronchon. Nous savions qu’il lui fallait une grande bouche et des petits membres. Sa bouche devait remonter à son estomac le transformant en grosse panse à deux bras. Quand la spécialiste des effets spéciaux numériques Sheena Duval a apporté des images de tardigrades, nous avons trouvé sa forme finale. »

Le directeur des effets spéciaux Elia Popov lui a ensuite donné son existence matérielle : un résidu ectoplasmique. « Nous sommes restés fidèles à la bonne vieille recette de base, précise-t-il. Nous avons utilisé du Methocel – un dérivé chimique de la cellulose – mélangé à de l’eau distillée. Le vrai défi a été de reproduire la couleur exacte du Slime de l’époque. C’est là que vous êtes content d’avoir Ivan Reitman [producteur de S.O.S. Fantômes : L’héritage] dans les parages !!! »

Paul Rudd et Carrie Coon

Les chiens de l’enfer

Ces créatures infernales et lubriques gardaient déjà le royaume de Gozer dans le premier S.O.S Fantômes. Cette fois, ils ont été envisagés de manière plus biologique. Brynn Metheney est retournée à leur ossature pour redéfinir la manière dont ils se déplacent. Elle a calculé les proportions et le pourcentage osseux et musculaire afin qu’ils puissent marauder comme des lions et charger comme des taureaux. Elle a reconstitué les connexions musculaires et déterminé leur comportement, de la manière de se mettre en chasse jusqu’à la façon dont leurs crocs claquent quand ils mordent la poussière.

Arjen Tuiten a animé ces monstres en direct sur le plateau. Il était ainsi possible de jouer avec, ce qui rendait les prises plus convaincantes. Ces marionnettes modélisées de près de 300 kg pouvaient bouger, grogner et effectuer certains mouvements. Leurs yeux pouvaient briller et leurs gueules baver du Slime. L’équipe de 1984 s’était déjà servi à l’époque de ce genre de marionnettes mécanisées, contrôlées par des câbles et des servomoteurs, pour les gros et moyens plans.

Les Mini-Mallows

Jason Reitman avoue qu’il ne connaît aucune sensation aussi paradoxalement dérangeante et réconfortante que de voir un Bibendum Chamallow géant déambuler dans les rues de Manhattan. C’est ainsi qu’il a eu l’idée de faire déferler des tonnes de Mini-Mallows ravageant tout sur leur passage. Pour les concevoir, Brynn Metheney s’est fait livrer tout un assortiment de Chamallows et de cure-dents. Le prototype a été réalisé à partir d’un vrai petit Chamallow, pour en saisir la taille et la texture.

« Un petit gros corps massif, des petits membres, une petite tête, énumère-t-elle. Trois gros volumes. C’était super simple de le transformer en un Chibi joufflu. Chibi est un mot japonais qui décrit un petit personnage très mignon, et c’est exactement ce que j’en ai fait. Il ne fallait surtout pas que ces Mini-Mallows fassent peur, afin que leur mignonnerie contraste affreusement avec les atrocités auxquelles ils se livrent. » Ces Mini-Mallows aiment notamment jouer avec le feu.

5 – Le nouveau QG de S.O.S. Fantômes

En quittant Manhattan pour Summerville, Egon Spengler a emménagé dans une ferme. Le créateur des décors François Audouy et son décorateur en chef Bruce Brownstein ont tout d’abord cherché cette bâtisse, le premier décor naturel en extérieur et le toit sous lequel allait par la suite se retrouver les descendants Spengler. Après des mois sans succès, ils ont compris qu’ils ne trouveraient jamais ce qu’ils voulaient exactement et qu’il fallait la reconstituer.

« Trouver un élément ne suffit jamais, un décor c’est un ensemble qui est pratiquement impossible à trouver tel quel, admet François Audouy. Par exemple, nous avons trouvé la grange qui correspondait le mieux à la ferme que nous avions imaginée, avec cette espèce de toit en forme en pigeonnier. Mais elle n’était pas du tout au bon endroit et il était impossible d’y installer une équipe. C’était une grange dont le toit s’était écroulé sous le poids de la neige. On l’a achetée, on l’a démantelée, et on l’a reconstruite sur le lieu de tournage. »

Pendant ce temps, François Audouy a attaqué la construction de la maison. Un défi dans la mesure où le genre de bâtisse que la production avait en tête ne se trouve pratiquement pas aux États-Unis, encore moins à Alberta, au Canada, où ils tournaient. Jason Reitman pensait à une sorte de maison hantée qui aurait un petit quelque chose typique du Midwest. L’équipe décor a réalisé une maquette en 3D de l’intérieur et de l’extérieur du bâtiment qui a pris des airs de maison hantée de l’époque Victorienne, mais avec un petit côté Midwest assez authentique. Elle l’a construite en studio, puis démantelée comme un puzzle et envoyée sur le lieu du tournage.

Finn Wolfhard, Mckenna Grace et Logan Kim

Cette bâtisse de 280 m2 n’était pas une coquille vide. La production a aussi reconstitué ses pièces afin de pouvoir y filmer et y circuler. La maison était finalement autonome, en état de marche, prête à l’habitation. Ces pièces ont ensuite été reconstruites à l’identique en studio afin de filmer les plans avec toute la batterie des effets spéciaux nécessaires ainsi que les scènes de nuit que les plus jeunes acteurs ne pouvaient faire qu’en journée.

C’est dans une des dépendances de la maison que Phoebe trouve le laboratoire de son grand-père. Ce labo a été un des premiers décors à voir le jour. Toute l’équipe a pris du plaisir à y retrouver l’esprit du personnage. Elle l’a truffé d’anecdotes et de références aux premières aventures après s’être repassé les films en boucle afin de repérer les accessoires emblématiques puis de les reproduire à l’identique.

6 – Le pack à protons

Cet accélérateur de particules portable utilise les ions positifs afin de créer un jet de plasma capable d’affaiblir et d’emprisonner les entités ectoplasmiques. Inventé par Egon Spengler et Ray Stantz en 1984, le prototype de 2021 a été amélioré par Egon pour parer aux attaques paranormales plus modernes.

Logan Kim et Mckenna Grace

« C’est l’exacte réplique de la version de 1984, confirme le créateur des accessoires Ben Eadie. Nous avons passé un temps fou, afin de nous assurer que tout soit conforme à la version de l’époque. Le fusil-proton d’alors possédait un genre de harnais bien spécifique que nous avons eu bien du mal à retrouver. Et nous avons ajouté les innovations apportées au système lumineux. Sur le pack originel, des lumières tournent en boucle. Ni Jason ni moi n’avions jamais remarqué que des lumières clignotaient de partout sur les packs. C’est le Cyclotron. »

De son côté, le directeur des effets visuels Alessandro Ongaro a recrée l’exacte coloration des rayons protoniques en utilisant la même technique qu’à l’époque : dessinés à la main, image par image. De nos jours l’ordinateur s’en charge, mais la base des rayons du nouveau film est celle utilisée en 1984, avec un petit traitement supplémentaire afin de les rendre plus spectaculaires. Ce qui parait logique puisqu’en l’espace de 37 ans, Egon a largement eu le temps d’améliorer ses outils, en les modernisant, ce qui aurait naturellement pu impacter la couleur des rayons.

7 – L’Ecto-1

Abandonnée depuis des années, la carcasse de l’Ecto-1 est retrouvée, sous une bâche dans la grange. C’est une vieille ambulance de marque Cadillac. La production l’a patinée pour montrer le temps qu’elle a passé à rouiller. Elle a également désolidarisé certaines parties afin qu’elles se détachent facilement et tombent en morceaux.

Comme pour le reste, le véhicule a été customisé depuis la version de 1984. Un siège d’artilleur a été installé pour pivoter sur le flanc de la voiture avec un pack à protons intégré, afin de traquer les fantômes de manière plus efficace. À l’arrière de l’Ecto-1, une rampe à PMF (piège mobile à fantômes) se déploie depuis le plancher du véhicule pour déposer ou récupérer les pièges à ectoplasmes pendant les poursuites paranormales.

Le créateur des cascades Guy Bews a notamment réglé une scène dans un champ de blé où l’Ecto-1 décolle littéralement du sol. «Le vrai véhicule était impossible à faire décoller, avoue-t-il. Nous nous sommes servi d’un semi sans sa remorque que nous avons ensuite transformé en Ecto-1 en numérique. Nous avons choisi un véhicule avec la même structure de cadre que la Cadillac et y avons ajouté les mêmes pneus. J’ai engagé Jeff Sanca qui est un ami et surtout un cascadeur spécialisé dans le saut de voiture. Ensemble, nous avons construit une rampe qui sortait du champ de blé, après avoir bien calculé la distance pour atterrir sur la route, puis repartir plein pot aussi sec. On a poussé le camion jusqu’à 180 km/h sans aucune anicroche. »

Pour cette scène, ils ont utilisé cinq caméras et fait le saut deux fois. Ensuite, ils ont confié la scène aux effets spéciaux afin qu’ils transforment le camion en Ecto-1.

8 – Les OGBs ou Original Ghostbusters

Harold Ramis, Dan Aykroyd, Bill Murray et Ernie Hudson

Afin que le film fonctionne comme un véritable passage de relais, les cinéastes ont réuni l’ancienne équipe des Ghostbusters. Bill Murray (Peter Venkman), Dan Aykroyd (Ray Stantz) et Ernie Hudson (Winston Zeddemore) ont répondu à l’appel. Bien qu’Harold Ramis, alias Egon Spengler, soit décédé, sa présence se fait sentir tout au long du film. Le personnage de Phoebe lui ressemble d’ailleurs beaucoup avec sa coiffure, ses lunettes et son blouson.

Sigourney Weaver qui interprétait Dana Barrett fait également partie de la distribution. Tout comme Annie Potts qui jouait la secrétaire de S.O.S Fantômes Janine Melnitz .

Ivan Reitman souligne qu’ils sont restés en contact pendant toutes ces années. Il n’a jamais abandonné l’espoir de travailler de nouveau avec eux. « Jamais nous n’aurions pensé il y a 37 ans que nos uniformes iraient à des ados, admet-il. Mais je dois avouer que la première fois que j’ai vu mes comédiens en uniforme de S.O.S Fantômes marcher sur Madison Avenue, j’en avais eu la chair de poule tellement il y avait là une évidence. Je me souviens m’être dit : ‘Ça va marcher’. C’était donc fantastique de les retrouver sur ce tournage avec ces mêmes uniformes et leurs packs à protons. Il a quand même fallu un peu de temps pour qu’ils puissent se mettre à jouer. L’émotion de se revoir et de porter ces costumes était si intense. Ils étaient tous remontés comme des coucous comme si les uniformes leur avaient rendu l’énergie de leur jeunesse. »

Crédit photos : © Columbia Pictures