Hokusai retrace le parcours personnel, créatif et spirituel du peintre japonais, célèbre notamment pour La Grande Vague de Kanagawa. Nous plongeant dans l’autoritarisme de l’ère Edo qui a impacté de plein fouet les artistes, la réalisateur Hajime Hashimoto compare la vie d’Hokusai au cycle des quatre saisons de la nature et le montre au printemps, à l’été, à l’automne et à l’hiver de son existence. Hokusai sort en salles ce 26 avril.

Yuya Yagira incarne Hokusai jeune

Yûya Yagira (Hokusai jeune)

Qui était Hokusai ?

Hokusai était surnommé le “fou de dessin”. Il jugeait qu’il n’avait rien produit de bon avant l’âge de 60 ans et se réjouissait, à 75 ans, des progrès qui l’attendaient encore. Ainsi, il était convaincu qu’avec la vieillesse venait la véritable vision.

Il est probablement né le 31 octobre 1760, année du Dragon, dans le quartier populaire de Honjô, à l’est d’Edo – l’actuelle Tokyo. Il aurait été adopté enfant sous le nom de Tokitarô. A 14 ans, il est entré dans un atelier de xylographie, une technique de gravure sur bois utilisée pour fabriquer les estampes. Il a rejoint puis quitté plusieurs écoles avant de publier ses premier recueil. Après s’être fait appelé d’une dizaine, voire d’une centaine, de noms différents comme Tetsuzô, Shunrô ou encore Sôri II, en 1798, il prend le pseudonyme d’Hokusai, soit “atelier de l’étoile polaire”, en hommage à la divinité bouddhique Myôken, et fonde sa propre iinstitution.

En 1815, il édite le premier des 15 volumes des Hokusai Manga, des recueils de dessins représentant des paysages, la faune, la flore mais aussi des caricatures, des figures populaires, des créatures fantastiques… Des témoignages précieux, parfois ironiques, sur la société japonaise de l’ère Edo (1603–1868). Le manga prendra le sens de bande dessinée au cours du XXe siècle.

Hokusai signe son chef-d’œuvre en 1830 : les Trente-six vues du mont Fuji, une série d’estampes de paysages née de ses nombreux voyages à travers le Japon. On y retrouve le plus emblématiques de ses travaux : La Grande Vague de Kanagawa.

Il est mort en 1849, à 89 ans. L’artiste a laissé derrière lui plus de 30 000 dessins.

Yûya Yagira (Hokusai jeune)

Hokusai vu par Hajime Hashimoto

“Dans le film, Hokusai n’est pas décrit comme une personnalité qui serait au-dessus du commun des mortels, mais comme un être humain pétri d’émotions,” explique le réalisateur Hajime Hashimoto. “Je voulais à tout prix éviter d’en faire le biopic d’un homme hors du commun. C’était quelqu’un de remarquable, mais il n’était pas inaccessible. Il a dû faire des efforts et a connu des difficultés. J’ai pris la liberté d’imaginer que la jalousie et l’esprit de compétition avaient peut-être été le moteur de sa créativité.”

“Hokusai était libre et indépendant. Il ne vivait que pour son art. Il était réellement convaincu que le dessin pouvait changer le monde. Le fait que, jusqu’au bout, je n’ai pas tout à fait réussi à saisir qui était Hokusai a également dû contribuer à rendre le personnage changeant et insaisissable.”

Hiroshi Abe (l’imprimeur Tsutaya Juzaburo) et Yûya Yagira (Hokusai jeune)

Le pouvoir autoritaire sous l’ère Edo

Le shogunat Tokugawa a dirigé le Japon de 1603 à 1868. Cette dynastie a lancé une série de réformes conservatrices destinées à restaurer l’ordre moral sur l’île. Le pouvoir impérial imposait alors son cachet sur toutes les œuvres qui circulaient et a interdit les estampes érotiques – extrêmement populaires et souvent nécessaires à la survie des artistes. Hokusai s’est alors progressivement tourné vers le paysage et sera d’ailleurs le premier à utiliser ce sujet pour des estampes.

“Durant l’époque d’Edo, des règles très strictes étaient appliquées et la mort attendait quiconque les violait,” remarque Hajime Hashimoto. “La créativité était une question de vie ou de mort.”

L’influence européenne

Durant l’ère Edo, le Japon est sous politique isolationniste. Cependant, les produits culturels étrangers parviennent à entrer sur le territoire. Hokusai a ainsi étudié la peinture occidentale et reçu des commandes d’œuvres de Hollandais en visite sur l’île.

La Grande Vague de Kanagawa de Hokusai

La Grande Vague de Kanagawa

Par ailleurs, dans La Grande Vague de Kanagawa, on retrouve l’intensité et la profondeur du bleu de Prusse, pigment importé des Pays-Bas. Cette teinte était très peu utilisée par les peintres japonais, jusqu’à ce qu’Hokusai contribue à sa popularité.

En outre, Hokusai a emprunté aux artistes européens un nouveau regard sur l’espace, les distances et la perspective afin de renforcer ses effets. Dans La Grande Vague de Kanagawa, le mon Fuji est tout petit, en arrière-plan de la vague outrageusement monumentale.

En retour, les œuvres d’Hokusai circulaient en Europe par les Pays-Bas. Elles ont inspiré les peintres à l’origine du mouvement impressionniste. Quant aux estampes japonaises, elles ont rencontré l’engouement des collectionneurs européens du XIXe siècle qui ont favorisé leur conservation et leur passage à la postérité.

Un souci de réalisme exacerbé

Min Tanaka incarne Hokusai vieux

Min Tanaka (Hokusai vieux)

“Le processus de production des peintures japonaises traditionnelles n’implique pas beaucoup de mouvements,” souligne Hajime Hashimoto. “Plutôt que de recourir à des artifices de mise en scène pour le rendre spectaculaire, j’ai essayé de montrer la particularité de chaque peintre à travers la façon dont ils tiennent leurs pinceaux, par exemple. Le film a été supervisé par Daisuke Mukai, de l’Université des Arts de Tokyo. Il a enseigné aux acteurs comment tenir leur pinceau. Il était également chargé de signaler toute éventuelle incohérence ou manque de naturel dans le long métrage. Pour peindre ses estampes, Kitagawa Utamaro  (1753-1806), interprété par Hiroshi Tamaki, se sert d’un long pinceau qu’il bouge en mobilisant son poignet. Toshusai Sharaku (1770-1825), incarné par Seishû Uragami, avait une mauvaise vue et peignait comme s’il se collait à la feuille.”

“Les scènes de fabrication d’estampes étaient essentielles afin d’illustrer l’influence des œuvres d’Hokusai. La plupart des gens connaissent probablement ses peintures. Cependant, peu ont conscience qu’il s’agissait de gravures sur bois qui étaient sérigraphies et diffusées en grande quantité. Pour ces scènes, nous avons fait appel à des artisans contemporains et nous avons laissé  la caméra tourner pendant toutes les étapes. Pour nous, c’était passionnant de voir le processus de fabrication se dérouler sous nos yeux. J’ai été impressionné de voir que les techniques ancestrales de production des estampes ont été fidèlement transmises jusqu’à nos jours. Ainsi, nous avons pu utiliser des tirages réalisés de la même manière qu’à l’époque d’Edo.”

Crédit photos : © 2020 Hokusai Movie / Art House Films