Canal+ diffuse la minisérie The Crash à partir de ce 10 avril, à 21h00. A travers une enquête journalistique captivante mêlant fiction et réalité, les cinq épisodes racontent la catastrophe aérienne qui a frappé les Pays-Bas le 4 octobre 1992 et ses conséquences pour les survivants. [SPOILERS]

Les faits

Le 4 octobre 1992, peu après son décollage, un avion cargo de la compagnie aérienne israélienne El Al s’écrase dans une barre d’immeubles dans le quartier de Bijlmermeer, à Amsterdam. Le bilan fait état de 43 morts et 26 blessés. C’est la catastrophe aérienne la plus meurtrière survenue aux Pays-Bas.

Les journalistes Vincent Dekker (interprété par Thomas Höppener dans la série) du Trouw et Pierre Heijboer (Yorick van Wageningen) du Volkskrant n’ont jamais cru à la version officielle du crash. Tous deux ont donc mené une enquête approfondie. Ils ont rapidement été rejoints par Joost Oranje et Rob de Lange de l’émission d’actualité télévisée néerlandaise NOVA. Leur collaboration est restée longtemps secrète. Les quatre reporters se sont souvent heurtés à l’opposition des membres du gouvernement et de l’aviation civile. A l’époque, Vincent Dekker a été considéré comme un théoricien du complot. Il a même été traité de parano parce qu’il pensait être suivi par les services secrets israéliens.

Pendant plus de six ans, des civils, des secouristes, des policiers et des médecins de Bijlmer ont collaboré avec les journalistes afin de découvrir la vérité. Dans The Crash, le personnage d’Asha Willems (Joy Delima) est basé sur cette expérience partagée.

Joy Delima dans The Crash

Joy Delima

Dans les airs

Le vol El Al 1862 était un avion de fret israélien voyageant de New York à Tel Aviv avec une escale à Amsterdam pour faire le plein de carburant, charger une cargaison, changer d’équipage et prendre une passagère.

Le Boeing 747 a décollé de Schiphol, l’aéroport néerlandais, à 18h22. Cinq minutes plus tard, le pilote a lancé un premier appel de détresse à la tour de contrôle. Il a signalé un problème de moteur. Son appareil avait alors perdu ses deux moteurs droits, arrachant une partie de l’aile. Les débris sont tombés dans le lac Gooimeer d’Amsterdam. Deux plaisanciers – dont un policier – ont entendu le bruit et ont aussitôt prévenu les garde-côtes. Le bureau néerlandais de la sécurité aérienne a conclu que les quatre ferrures d’attaches du moteur n°3 ont cédé, suite à une fatigue du métal. Le moteur s’est décroché. Dans sa chute, il a emporté le moteur n°4 et endommagé l’aile droite, rendant le système hydraulique antiroulis inopérant.

Le commandant de bord a demandé un atterrissage d’urgence. L’avion a effectué des cercles au-dessus d’Amsterdam afin de baisser son altitude avant son approche finale. Le pilote a ensuite indiqué un problème de volets. Quand il a réduit la vitesse, la portance de l’aile endommagée est alors devenue trop faible. Il ne pouvait plus contrôlé le Boeing 747 qui s’est incliné vers la droite. Un dernier appel à la tour de contrôle a indiqué que l’avion tombait. Il était 18h35 quand il s’est écrasé sur le quartier de Bijlmermeer.

Thomas Höppener et Yorick van Wageningen dans The Crash

Thomas Höppener et Yorick van Wageningen

Au sol

L’appareil s’est encastré à la jonction de deux barres d’habitation et a explosé. Les immeubles se sont partiellement effondrés, détruisant des dizaines d’appartements. Le feu s’est propagé rapidement, consumant les dix étages des bâtiments sur une largeur de 120 m. Les pompiers sont intervenus en quelques minutes.

Le bilan fait état de 43 morts – les quatre occupants à bord et 39 personnes au sol – et 26 blessés dont onze sérieusement. Le nombre exact de victimes a toujours été contesté. Le complexe abritait un grand nombre de résidents illégaux, en particulier venant du Ghana et du Suriname, deux anciennes colonies néerlandaises. La communauté ghanéenne a déclaré que de nombreux sans papiers n’avaient pas été comptabilisés parmi les victimes. Des personnes auraient été complètement brûlées dans le brasier et des parties de corps retrouvées n’ont pu être reliées aux personnes officiellement disparues.

Les centaines de survivants, désormais sans abri, ont été transportés en bus vers des centres d’hébergement d’urgence.

Les problèmes de santé

Joy Delima

Le gouvernement a immédiatement organisé un suivi psychologique pour les survivants de la catastrophe mais aussi pour les secouristes. Cependant, il n’a pas pris en compte les problèmes physiques apparus ultérieurement : insomnie, problèmes respiratoires, troubles du système immunitaire, maladies de la peau, fausses couches… Certains patients auraient souffert des mêmes symptômes que les anciens combattants de la guerre du Golfe, exposés à des agents neurotoxiques pendant le conflit.

Le gouvernement a toujours affirmé que la cargaison du vol 1862 ne présentait aucun risque pour la santé. En octobre 1993, la fondation Laka, spécialisée dans la recherche sur l’énergie nucléaire, a révélé que la queue de l’avion contenait 282 kg d’uranium appauvri en guide de contrepoids, comme tous les Boeing 747 à l’époque. Seuls 130 kg ont été récupérés. 152 kg ont donc disparu. La combustion de l’uranium appauvri libère des particules toxiques. Le bureau néerlandais de la sécurité aérienne a toutefois conclu en 1994 qu’il n’y avait aucun lien entre la mauvaise santé des survivants et l’accident. En 1998, les études menées par l’Academisch Medisch Centrum sur les survivants a également déterminé que, bien que des produits dangereux avaient été libérés au moment de l’accident, les risques d’empoissonnement à l’uranium étaient minimes.

Thomas Höppener

Le chargement de l’avion a été mis en cause. Officiellement, l’appareil ne transportait que des fleurs, des parfums et des composants informatiques. En 1998, le porte-parole d’El Al, Nachman Klieman, a révélé que le Boeing 747 contenait 190 litres de méthylphosphonate de diméthyle (DMMP). Ce produit est notamment utilisé dans la fabrication de gaz neurotoxiques comme le Sarin. Il est nocif si inhalé, avalé ou absorbé par la peau et s’avère potentiellement mutagène et carcinogène.

Le complot

L’enregistreur de données de vol a été récupéré dans les débris de l’avion. Cependant, il montrait une route suivie par l’avion qui ne correspondait pas à la trajectoire de vol donnée par le radar de l’aéroport de Schiphol ni à celle observée par des témoins. L’enregistreur vocal du cockpit est, quant à lui, resté introuvable, alors qu’ils sont côté-à-côte dans un Boeing 747. Il aurait permis de déterminer si le commandant de bord avait contacté quelqu’un d’autre que la tour de contrôle avant le crash.

Des témoins – résidents, pompiers, policiers – affirment avoir vu des hommes vêtus de combinaisons blanches arpenter les ruines encore fumantes et évacuant des débris le soir de la catastrophe. Ils auraient également repéré sur place des personnes “suspectes” – que certains ont supposé être des agents secrets du Mossad.

Des pompiers affirment avoir vu des munitions dans les décombres. Des documents découverts parfois des années plus tard indiquent que du matériel militaire était à bord. Les différents bordereaux d’expédition concernant la cargaison contenaient des données contradictoires – 34 tonnes du chargement n’ont jamais été identifiées -, impliquant que certains d’entre eux auraient été falsifiés.

Yorick van Wageningen

Pendant la commission d’enquête parlementaire lancée en 1998, l’enregistrement d’une conversation téléphonique entre un employé d’El Al et un contrôleur aérien néerlandais a été dévoilé. Il révélait que le Boeing 747 transportait en fait des explosifs, des matériaux hautement inflammables et des gaz toxiques. L’employé a ensuite affirmé qu’il avait mal lu les documents à l’époque.

La majorité des archives liées à l’enquête parlementaire resteront scellées jusqu’en 2062. Au plus tôt.

Quant aux symptômes découverts chez les survivants et les secouristes, des médecins ont parlé de l’effet nocebo (“je nuirai” en latin). La seule peur psychologique d’avoir été exposé à des substances toxiques suffirait à déclencher des maladies.

Le mémorial

Les survivants et les proches de la catastrophe ont fait ériger un mémorial avec les noms des morts autour de “l’arbre qui a tout vu”. Cet arbre situé sur le site de la catastrophe a survécu à l’accident et à l’incendie. Chaque année, une commémoration est organisée. Aucun avion ne survole alors la zone pendant une heure par respect pour les victimes.

Crédit photos : © KRONRCV