Olivier Marchal laisse sa zone de confort du polar et s’attaque à une série d’anticipation pour laquelle il cite Soleil vert, Mad Max ou encore Les Fils de l’homme comme références. Section Zéro arrive sur Canal+ le 4 avril.

Ola Rapace (Sirius Becker)

« Je ne vais quand même pas crever sur cette série ! » Le réalisateur Olivier Marchal se laisse tomber sur sa chaise plus qu’il ne s’assoit. Il tourne depuis six mois sa série, Section Zéro, dans les environs de Sofia, en Bulgarie. A trois jours de la fin du tournage de sept des huit épisodes, il en a assez. Il cite en vrac tout ce qui a raison de lui : le climat, l’éloignement de sa famille, ses ennuis de santé, la mafia locale, les blessures des acteurs, ses journées de 17h à tourner, réécrire et monter… Il attend les deux mois d’été avec impatience pour non seulement se refaire une santé mais aussi écrire son huitième épisode. Son premier assistant lui apporte une bouteille d’eau et le laisse ronchonner pendant une minute avant de le bombarder de questions : « Combien de figurants pour demain ? Des enfants ? Le plan devant la tombe, tu veux le tourner quand ? Et les plans qui manquent ? Il faut les caser d’ici samedi soir. » On est mercredi après-midi et les prochains jours sont déjà bien remplis.

Des flics résistants

Olivier Marchal, à droite

Olivier Marchal (à droite)

L’action de Section Zéro se passe en 2024, en Europe. Les pays sont désormais gouvernés par des multinationales, dont Prométhée. Afin d’asseoir son pouvoir, elle a remplacé la police par une milice privée, la Black Squad. Pour s’y opposer, un homme, Varnove (Tcheky Karyo), crée la Section Zéro, un groupe d’élite mené par Sirius (Ola Rapace), un flic idéaliste à la recherche de sa famille dont la disparition est liée aux activités de Prométhée. « La violence me choque de plus en plus et le malaise constant de la police m’obsède, reconnaît Olivier Marchal, à l’origine de ce projet de plus de 16 M€. Aujourd’hui, les flics sont considérés comme des rebuts de la société et je me demandais comment cela évoluerait dans 20 ans. Pour moi, le monde de demain est sans espoir et je voulais parler d’un groupe de flics qui endigue le mal de façon souterraine, qui fait régner la justice à sa façon. Je ne voulais pas faire une série pro flics fachos et réacs mais montrer un monde fascisant où ces flics sont les résistants. »

Le décor du jour est à Bankya, dans l’ancienne résidence présidentielle devenue un country club. Dans la bâtisse, laissée à l’abandon depuis des années, une pièce a été transformée en arsenal de la Section Zéro. Ils sont cinq à se préparer pour l’assaut du Bloc 13, là où deux membres de la Section sont retenus prisonniers au côté de pauvres raflés par Prométhée afin de leur prélever la DMT de leur cerveau. Cette dernière sert à créer une drogue dont raffolent les riches. Olivier Marchal ajoute deux caméras à son traveling pour des plans serrés sur ses acteurs. « Sans ces plans serrés, cela fait trop Le Club des Cinq se prépare, » plaisante-t-il. Deux minutes plus tard, il s’énerve car la mise en place du plan s’éternise. Il désamorce aussitôt la situation en taquinant ses acteurs : « Ne fumez pas près des munitions ! Un clope au bec, cela ne le fait pas. On essaye d’être crédible ! Moins haut ta crosse, on dirait que tu tiens un manche à balai ! » Et il éclate de rire.

5 760 balles, 25 kg de douilles

Ola Rapace (Sirius Becker)

Ola Rapace alias Sirius Becker

Le plan est muet. Seuls des bruits se font entendre : le chargement des magasins dans les fusils d’assaut, le cliquetis de l’armement, le froissement de vêtements, le claquement de portes de casier… Olivier Marchal avoue détester tourner ce genre de scènes sans dialogues ni jeu d’acteurs. Paradoxalement, il déteste aussi tourner les scènes d’action. Elles le stressent. Il a toujours peur que quelqu’un se blesse ou que le résultat soit ridicule. Le fameux assaut du Bloc 13 est prévu le lendemain. Les armuriers s’attendent à battre leur record de 5 760 balles tirées dans une scène précédente. Ce jour-là, ils ont ramassé 25 kg de douilles.

Pour l’heure, Olivier Marchal a mis en boîte son plan, enfin satisfait. Avec un grand sourire, il lance à son équipe : « Vous voyez quand vous voulez. Merci tout le monde. Plan suivant. » C’est encore un plan muet. La Section Zéro sort de son QG et s’engouffre dans des voitures qui démarrent en trombe. Encore un plan qu’Olivier Marchal va détester réaliser. Mais encore un qu’il va tourner jusqu’à ce qu’il en soit satisfait.

Article paru dans Studio Ciné Live – N°75 – Décembre 2015/Janvier 2016

Crédit photos ©EuropaCorp/Canal+