Lee Cronin, réalisateur remarqué avec son premier long-métrage The Hole in the Ground (2019), s’attaque à un nouveau chapitre de la franchise créé par Sam Raimi en 1981. Pour Evil Dead Rise, il a choisi ses victimes et celles des Deadites du Livre des morts avec un bonheur maléfique non dissimulé : une mère et ses enfants. Et il assume. Evil Dead Rise sort en salles ce 19 avril. [SPOILERS]
Lee Cronin
A l’âge de 8 ou 9 ans, Lee Cronin regardait déjà des films d’horreur, encouragé par ses aînés. Bien que terrifié, ils voyaient comment les gens réagissaient au genre. C’est ainsi qu’il a découvert l’influence du cinéma. Son chemin vers la réalisation était alors tout tracé. Il a suivi les cours de l’Ecole nationale du cinéma en Irlande mais c’est à l’extérieur qu’il a commencé à exprimer son indépendance par sa voix et sa vision, à nouer des relations avec les bonnes personnes et à tourner ses courts-métrages comme Through the Night et Ghost Train. Lee Cronin a ensuite eu l’occasion de réaliser des longs-métrages. Il estimait cependant à chaque fois que ce n’était pas la bonne opportunité pour lui. Le jeune réalisateur cherchait un projet qui lui convienne, qui lui permette d’exercer ses talents de conteur tout en étant réalisable avec un budget raisonnable. Il l’a trouvé avec The Hole in the Ground, un petit film d’horreur irlandais indépendant. Sam Raimi l’a remarqué et lui a alors proposé d’écrire et de mettre en scène Evil Dead Rise. Dans quasiment toutes ses réalisations, il y a une famille et surtout des enfants. Et ce qu’il leur fait vivre est plus qu’audacieux. Le nouveau chapitre d’Evil Dead n’y échappe pas. Loin de là.
Vos courts et longs métrages ont tous un point commun : vous privilégiez les personnages et le concept au gore.
Lee Cronin : Les personnages sont si importants. Je sais que c’est une évidence mais si vous voulez raconter une bonne histoire d’horreur, ou n’importe quelle bonne histoire, vous devez avoir des personnages qui respirent la réalité auxquels les spectateurs peuvent s’identifier et dans des circonstances que les spectateurs peuvent connaître. Je suis toujours attiré par l’horreur domestique car derrière les portes closes se produisent des choses effrayantes. Nous avons tous vécu des traumatismes liés à des relations, des décès, des histoires d’amour… Et toutes ces choses se passent dans notre foyer. Tout le monde comprend ce concept, les mécanismes d’interaction entre les gens et comment ils fonctionnent. Il y a quelques temps, j’ai eu cette pensée qui m’a réconforté et également terrifié : serais-je un jour capable de raconter une histoire qui ne soit pas celle d’une famille ? J’en doute car en ce moment, je travaille sur un scénario qui parle d’une famille dans des situations terrifiantes. Le contexte est très différent mais encore une fois, il s’agit d’une famille. Je pense que si je veux effrayer les spectateurs, je dois bouleverser une famille.
Dans Evil Dead Rise, vous êtes sans pitié pour les enfants.
(Il rit.)
Vous êtes-vous fixé des limites les concernant?
Pas vraiment. Et à partir du moment où j’ai pris la décision de mettre des enfants dans un Evil Dead, il n’y avait aucune chance de retenue de ma part. Ou alors, je n’aurais pas fait un Evil Dead. Il n’y avait donc plus aucune possibilité de revenir en arrière. Cependant, c’est la dure réalité. Des choses horribles arrivent aux enfants tous les jours. Et aux gens en général. Je ne fais donc pas de discrimination en fonction de l’âge. Et, puis, je suis un fan d’Evil Dead et je voulais faire un Evil Dead, avec ma propre vision et ma propre voix. Je ne voulais pas refuser le projet. Très tôt; j’ai su que cet opus devait être différent des précédents. Je savais qu’il fallait parler de la famille, qu’il y ait des enfants et des parents ou en tout cas des personnes en position d’autorité. C’était peut-être irresponsable de ma part, mais cela ne m’a jamais traversé l’esprit de me modérer. Jamais.
Dans tous vos films, à l’exception de Through the night, vous travaillez toujours avec des enfants.
Oui. Je ne sais pas pourquoi. Je sais que je suis très attaché à la famille, même si je n’ai pas d’enfants. J’ai beaucoup de nièces et de neveux. Et il y a un peu de mon caractère dans celui de Beth : la peur d’avoir des enfants et comment cela pourrait limiter votre vie ou vous changer ou affecter votre identité d’une manière ou d’une autre. Je pense donc que je réfléchis souvent à ce qu’avoir une famille signifie. Si vous voulez raconter des histoires sur la famille, vous devez intégrer des enfants.
Un casting de talents et de personnalités
Comment travaillez-vous avec eux ? Je pense notamment à la plus jeune, Nell Fisher, et à tout ce que son personnage vit.
Lorsque nous avons tourné Evil Dead Rise, Morgan Davies, qui joue Danny, avait 19 ans. Gabrielle Echols, qui interprète Bridget, avait 16 ans. Et Nell, qui incarne Kassie, avait 9 ans. Nell pouvait donner des leçons à n’importe qui sur le plateau en matière d’émotions et d’intelligence. Lorsqu’on fait passer un casting à un enfant, on s’intéresse à ses aptitudes à l’écran, mais aussi à sa capacité à communiquer et à sa façon de se comporter. Le processus d’audition va au-delà de ce qu’un enfant peut faire devant une caméra, il tient aussi compte de ce qu’il est. Quand un jeune entre dans la pièce pour une audition, je laisse des distractions dans la pièce. Il peut jouer avec des objets et interagir avec d’autres personnes. En général, je m’éclipse avant qu’il entre, pour le voir avec ses parents. J’auditionne d’ailleurs également les parents et leur niveau de confort.
Je travaille de la même façon avec tous les enfants : je suis direct et honnête avec eux sur ce qui se passe et je les protège massivement du sous-texte réel, des conséquences et de l’expérience de ce qui se passera à l’écran. J’ai intégré Nell dans mon club en lui disant: “On va tester des effets avec le sang aujourd’hui. Tu veux appuyer sur le bouton ?” Je l’ai impliquée dans le processus et lui ai donné l’impression d’en faire partie, et non de vivre quelque chose de terrifiant. Ainsi, lorsqu’elle est sur le plateau et que quelque chose de fou se produit, elle est vraiment professionnelle. Elle vous fait part de toutes ses émotions, mais quand vous coupez, elle lance : “Waow, t’as vu ce qui vient de se passer !”. Vous amenez cette jeune personne à comprendre comment on fabrique ces choses et ensuite, ce n’est plus aussi terrifiant pour elle lorsque vous faites tourner la caméra.
Pourquoi avez-vous choisi Alyssa Sutherland et Lily Sullivan pour jouer respectivement la mère des enfants, Ellie, et sa sœur Beth ?
Les gens me demandent souvent si j’ai pensé à quelqu’un en particulier quand j’écris un personnage. Je ne travaille pas comme ça. J’essaie juste de trouver qui sont ces gens sur la page. Ensuite, je vais à la pêche, je cherche quelqu’un qui me montrera une version encore meilleure de ce que j’ai réussi à écrire. Aucun mot n’est jamais aussi bon que lorsque quelqu’un lui donne vie. Et je sais la personne que je veux quand je la vois. C’est aussi simple que cela. Quand j’ai vu la vidéo d’audition d’Alyssa, j’ai arrêté de chercher. Pareil pour Lily. Elles ont interprété ce que j’avais en tête et que je ne pouvais pas mettre sur le papier.
Alyssa a aussi très vite compris la nécessité de faire preuve de roublardise et d’humour au cœur de la méchanceté. Ainsi, lorsqu’elle interprétait ses scènes, elle savait que la force maléfique s’amusait et jouait avec les innocents. Une entité aussi puissante ou possessive pourrait simplement venir et anéantir tout le monde, mais non, elle, elle s’amuse, elle mène une guerre psychologique. Alyssa a su incarner une mère avec des instincts maternels, du pouvoir et du contrôle, puis la pire version de cette mère. Quant à Lily, elle a insufflé cette vie nécessaire à Beth, un personnage bouleversé intérieurement et qui n’a que ça à l’esprit. Quand je l’ai rencontrée, j’ai découvert quelqu’un d’un peu rock and roll, avec un côté dure à cuire. C’était juste dans son ADN. Je me suis dit que sa propre personnalité s’ajoutait logiquement à celle de Beth. Chacun des acteurs représente un peu les protagonistes que j’ai écrits. C’est en partie ce que je veux dire lorsque je précise chercher les mêmes vulnérabilités ou les mêmes forces chez une personne. Elle peut ainsi les apporter assez facilement au personnage.
Du sang, encore du sang et toujours du sang
Avez-vous reçu des remarques de Sam Raimi, un des producteurs du film, pendant l’écriture de votre scénario ?
Oui, on ne fait jamais un film sans notes. En fait, ce n’était pas des notes. Pour être juste envers les producteurs, tout au long du processus de réalisation de ce film, j’ai très rarement eu l’impression de recevoir ce qu’on appelle une note dans le sens où les gens l’entendent. Ce que je recevais, c’était parfois des questions, des idées potentielles ou des développements de certains passages. Nous avons pris la première version que j’avais écrite et nous l’avons lue ensemble au cours d’une série de séances par Zoom, COVID oblige. On pouvait échanger nos idées et en discuter. Ce qui est drôle, c’est que j’ai parcouru rapidement la première version du scénario il y a quelques jours, et elle est proche à 90% du film final.
Quels sont les incontournables dans un Evil Dead ?
Vous devez avoir le Livre des morts et des Deadites. (Rires) Les histoires doivent être divertissantes et impitoyables. Elles doivent avoir de l’énergie. Le film doit être inventif. Et sanglant ! Nous avons utilisé 6 500 litres de sang. Du vrai sang de cinéma pas de l’eau avec du colorant alimentaire. Il était collant et s’accrochait à la peau au point qu’on en perdait ses poils en le retirant.
Comment les acteurs ont-ils réagi lorsqu’ils ont su qu’ils seraient constamment couverts de sang ?
Au début, ils trouvaient ça très excitant mais à la fin, beaucoup moins. Le tournage a été assez éprouvant et très physique pour toutes les personnes impliquées. Comme un camp d’entraînement. Avec du sang. Mais je ne me souviens pas que quelqu’un se soit plaint. Lily avait pourtant les scènes les plus physiques car elle se battait tout le temps. Elle avait probablement cinq nouveaux bleus par jour parce qu’elle voulait que ça paraisse réel. Je lui ai dit de les photographier tous pour en faire un album. La scène où Alyssa vomit de façon très importante est un effet spécial mécanique. Il s’agit d’un appareil installé dans sa bouche, ce qui est très inconfortable. Je sais que c’est une scène qu’elle a trouvée vraiment très difficile, mais cela ne l’a pas empêchée de la faire parce qu’elle savait que tout le monde adhérait à ce que nous essayions de faire et qu’avec un peu de chance, nous y arriverions.
Beaucoup d’effets concrets et très peu de numérique
La scène du sang dans l’ascenseur fait penser à The Shining.
Oui, je suis un grand fan du film. La différence avec The Shining, c’est qu’on ne voit jamais ce qui se passe derrière les portes de l’ascenseur, alors que dans Evil Dead Rise, on est en plein dedans. C’était une scène très difficile à tourner. On ne peut pas réellement remplir un ascenseur de sang et mettre des gens à l’intérieur. Nous avons donc dû faire preuve d’ingéniosité et construire différents types d’ascenseurs, des réservoirs spéciaux et trouver des astuces de tournage pour créer cette sensation de claustrophobie, avoir cette quantité de sang et générer cet impact. On voit les personnages emportés par une vague de sang qui est complètement réelle. Cette scène est un bon exemple de ce que l’on fait en matière d’effets spéciaux mécaniques. Toute cette séquence dans l’ascenseur, depuis le moment où les protagonistes y entrent jusqu’à celui où ils en ressortent, est 100% réelle. Il n’y a pas d’effets numériques. Ni sang numérique, ni corps numérique. Pour ceux qui l’ont vécu, c’est assez fou.
Vous avez donc préféré les effets spéciaux réels et mécaniques aux effets visuels numériques.
Pour la majorité d’Evil Dead Rise, oui, ce qui le rend vraiment difficile à tourner. J’aborde les deux de la même manière mais je n’ai jamais fait un plan dans un film qui soit entièrement généré par ordinateur. Si je veux que quelqu’un vole à travers la pièce, je veux qu’il vole réellement à travers la pièce. Je vais l’attacher à des câbles qui seront supprimés numériquement. Si je veux donner une personnalité différente à un bâtiment, par exemple en modifiant un peu son architecture parce que je ne l’aime plus tel qu’il est, j’utilise des effets numériques pour cela.
Comment avez-vous conçu l’apparence de vos Deadites ? Ce que j’aime, c’est qu’on peut toujours voir le visage des acteurs et leurs expressions derrière leur maquillage.
C’est bien observé. J’ai l’impression que c’est plus effrayant quand vous pouvez encore voir quelque chose de la personne. C’est comme lorsqu’on regarde un cadavre, ce qui est toujours très traumatisant. Vous voyez que c’est la même personne et pourtant, elle est différente. C’est très primitif, en termes d’impact. Je voulais donner à ces acteurs la possibilité de jouer à travers le maquillage, sans être définis ou freinés par lui. Et en fait, cela crée un spectacle plus terrifiant. Parce qu’on peut en même temps voir l’humanité qui se cache derrière la possession. C’était donc une décision simple, d’une certaine manière. Dès le début, j’ai travaillé avec mes concepteurs et j’ai transmis ces idées aux maquilleurs. Dès le début, je me suis dit qu’il fallait laisser les personnalités subverties, sombres et possédées s’exprimer et ne pas les cacher derrière des masques.
Avez-vous été préoccupé par la ressemblance entre le sourire qu’Ellie arbore dans le film et que l’on voit sur l’affiche d’Evil Dead Rise, et celui du film Smile ?
Non. J’étais en Nouvelle-Zélande en train de filmer Evil Dead Rise et je n’avais aucune idée de l’existence d’un film qui s’appelait Smile. Si vous le voulez bien, je ne me prononcerai pas sur cette question. Je la laisse aux spécialistes du marketing.
La réalité terrifiante de ce que peut être une famille
Pour la première fois, il y a un vrai monstre dans un Evil Dead, avec le Deadite à trois têtes. Pourquoi avoir inventé cette créature ?
Ce n’était pas accidentel. Je savais que je voulais qu’il y ait quelque chose qui augmente les enjeux vers la fin du film, quelque chose de vraiment spectaculaire. Je me suis penché sur les métaphores de l’histoire, sur les activités maternelles et sur ce que peut être la famille. J’ai vu l’opportunité de créer, encore une fois, cette subversion, cette impression vraiment horrible de ce que la famille peut être en réalité. Il ne s’agissait pas simplement de savoir si ce serait cool. Je ne pense pas de cette manière. Je l’ai plutôt envisagé du point de vue d’Ellie, une femme avec des enfants. C’est une mère et elle est forte. Beth est une personne qui se demande si elle a ce qu’il faut pour être maman et qui manque d’assurance. A la fin du film, elle est confrontée à la version la plus hideuse de sa famille, ce qui m’a semblé très puissant et frappant. Et puis, parfois les gens regardent leurs enfants et se disent : “Quand je serai plus vieux, ils s’occuperont de moi. Quand je ne pourrai plus marcher, ils m’aideront à marcher”. Et c’est exactement ce que font les enfants d’Ellie, même lorsqu’elle est possédée. Quand elle perd un bras et une jambe, ils l’aident à se déplacer. Cette aide est juste horrifique et perturbante. Mon processus de réflexion n’a donc jamais été de me demander si ce serait effrayant ou cool. C’était plutôt : “C’est un monstre parce qu’il dit quelque chose sur les idées qui sont dans l’histoire”.
Mais quand vous avez l’idée du monstre, comment décidez-vous de la façon dont vous allez le montrer, du moment où il apparaîtra ?
De mon point de vue, c’était très simple : le moins possible, jusqu’à ce que je doive en montrer plus. Et encore une fois, je suis conscient de ce qu’est un Evil Dead, et je veux être fidèle au canon d’une certaine manière. Il était important que vous ayez une impression complète de ce qu’est cette créature lorsque tout est dit et fait à la fin du film. Mais au début, on est frappé par l’aspect viscéral de ce qui se passe. On s’interroge sur ce qui se déroule sous nos yeux, puis on a quelques minuscules indices de ce qu’est cette chose, jusqu’à ce qu’elle soit révélée. Elle est dissimulée par la fumée ou par des angles de mur ou par une portière… Ou elle n’existe que par les bruits qu’elle fait. Mais au moment de l’affrontement final, tout est là. Vous la voyez entièrement. Je suis très à l’aise à cet instant-là, car, à ce stade, je pense avoir gagné la confiance du public. Les spectateurs ont posé des questions et je leur donne maintenant la réponse.
Une grande partie de ce processus passe donc par le story-board, le montage, la planification et la discussion sur la meilleure façon de mettre en œuvre le projet. Je l’appelle affectueusement le “Maraudeur”. On l’a créé en associant des effets physiques et pratiques. Les trois acteurs, ainsi que des cascadeurs, ont participé à la création de ce monstre très réel et viscéral, qui est une vision cauchemardesque du pire aspect d’une famille qui étouffe ses enfants. Lorsque cette chose court dans le film, elle était réelle sur le plateau. Quand elle courait droit sur la caméra, l’équipe a eu très peur ! Comme pour tout ce qui concerne ce film, nous l’avons fait de la manière la plus concrète possible pour que l’impact à l’écran soit viscéral et terrifiant.
Travailler à l’instinct
Comment avez-vous construit la tension et le rythme de votre film ?
C’est toujours un défi. Mais je pense que je comprends vraiment le rythme et la tension de manière instinctive. Je crois que cela est lié à mes expériences dans l’enfance en termes d’observation et de réaction de mes frères et sœurs et de ma famille. En fait, je ne me rendais pas compte que j’apprenais et que c’était devenu une sorte d’évidence. Je fais donc confiance à mon instinct, vraiment. Je fais confiance au timing, à mon métronome interne afin de déterminer la durée d’un plan. Pour m’aider sur Evil Dead Rise, j’avais une baguette et je m’en servais pour dicter le rythme des gens qui entraient dans les pièces, par exemple, pour leur indiquer d’aller plus vite ou de ralentir. (Il tapote en rythme sur la table). Cela rendait les gens fous. La baguette a été baptisé “l’ajusteur d’attitude”. (Rires) Quelqu’un l’a volée à la fin du tournage parce qu’il en avait assez.
Comment avez-vous créé l’atmosphère et le ton d’Evil Dead Rise ? Dans l’histoire, il y a une panne d’électricité et les trois quarts du long-métrage sont éclairés à la bougie et avec des torches.
Je pense que ce sont des choix comme celui-là qui créent l’atmosphère. Ou le fait qu’il pleuve pendant tout le film. Je voulais surprendre les personnages un peu plus pour aider à la tension, à l’atmosphère. Et puis éteindre les lumières était aussi une chose évidente. Je pense que l’atmosphère est parfois le fruit des circonstances. Si vous peignez un mur en noir, il ne sera pas effrayant pour autant. Mais si vous placez quelqu’un dans les bonnes circonstances devant ce mur noir, vous obtenez un contexte. C’est presque un tour de magie et je ne veux pas me poser trop de questions au cas où j’analyserais trop les choses au point de ne plus faire confiance à mon instinct.
Un film pour les fans et pour séduire de nouveaux spectateurs
Parlez-moi de votre nouveau Livre des morts. C’est une œuvre d’art.
Ce livre est différent. C’est l’une des premières réunions que j’ai eues avec Sam Raimi. Je lui ai dit que dans Evil Dead III : l’armée des ténèbres, Ash avait trouvé trois livres. Sam en avait utilisé un livre, Fede Alvarez en a utilisé un second dans son Evil Dead de 2013. Le troisième livre était donc pour moi. J’ai voulu qu’il soit redessiné pour qu’il possède sa propre identité. Cette refonte donne l’impression qu’il est vivant, qu’il ne s’agit pas simplement d’un objet inerte. L’idée qu’il absorbe le sang, l’idée des dents qui permettent son ouverture, tout cela nous donne le sentiment d’une pulsation très, très lointaine et sombre à l’intérieur de quelque chose qui ne peut jamais être détruit. Et puis, à l’intérieur de ce livre, on se demandait jusqu’où on pouvait aller dans la folie, comment on pouvait exprimer le mal.
J’ai utilisé le livre un peu comme un guide dans le film : lorsque les choses maléfiques se produisent, nous revisitons le livre. Il nous emmène à ces moments-là. Si vous regardez bien, vous avez un indice du Maraudeur de la fin du film dans le livre. La conception du livre a été un processus très, très long et très détaillé qui a commencé dès le premier jour de la préparation du film. Nous avions des artistes fantastiques, tout est dessiné à la main. Il existe plusieurs versions du livre : une d’un bloc pour si quelqu’un le prend rapidement afin d’éviter que les pages s’envolent; une composée d’une seule partie du livre pour l’ouverture des dents; une avec des pages plus légères que des techniciens hors caméra font bouger avec des souffleurs…
Comment est née la séquence d’ouverture d’Evil Dead Rise ?
C’est la première chose que j’ai écrite. Je voulais donner au public un petit avant-goût de ce qui allait suivre. Les prévenir que tout allait bien se passer et que j’allais les terrifier !
Vouliez-vous une séquence avec une cabane dans les bois parce que vous saviez qu’il n’y aurait pas de cabane dans les bois dans l’intrigue principale ?
C’est tout à fait vrai. Je voulais aller dans les bois et avoir une cabane dans mon Evil Dead. Je me suis assis et j’ai écrit cette séquence et je me suis dit que je pouvais ensuite raconter l’histoire. Ce film contient beaucoup de choses pour les fans, mais il peut aussi amener un nouveau public. Mais c’est aussi un moyen de montrer que le mal ne peut pas être détruit. Car évidemment, quand on regarde le film, la première chose que l’on voit est en fait la dernière dans la chronologie de l’histoire.
Prévoyez-vous une suite ?
Il est difficile de le savoir tant que l’on ne connaît pas la réaction du public, mais j’ai trois ou quatre pistes pour d’autres histoires liées à ces personnages et à cette partie de l’univers.
Crédit photos : © Warner Bros.
Article paru dans L’Ecran fantastique reboot – N°25 – Avril 2023