Après Le grand jeu (2015) et Alice et le maire (2019), Nicolas Pariser signe une comédie d’espionnage qu’il aurait pu titrer “Tintin en Hitchcockie”. S’inspirant des univers de Hergé et d’Alfred Hitchcock, il plonge Vincent Lacoste et Sandrine Kiberlain dans une dimension propre à la bande dessinée et au cinéma de divertissement où ses deux héros traquent un meurtrier et une mystérieuse organisation criminelle. Le parfum vert avec sort en salles ce 21 décembre.
L’histoire
En pleine représentation, un comédien de la Comédie-Française meurt empoisonné. L’acteur Martin Rémi (Vincent Lacoste) est le témoin direct de cet assassinat. Il est bientôt soupçonné par la police et pourchassé par l’organisation qui a commandité le meurtre. Dans sa quête pour prouver son innocence, il est aidé par Claire Mayer (Sandrine Kiberlain), une dessinatrice de bandes dessinées.
La genèse du Parfum vert
Nicolas Pariser a lu les albums de Tintin de Hergé à plusieurs périodes importantes de sa vie. La dernière fois qu’il s’est replongé dans ces bandes dessinées, il a arrêté d’envisager les “Tintin” comme un corpus uniforme pour les voir comme une suite de livres inégaux avec certains qu’il aimait énormément, d’autres qui l’indifféraient et quelques-uns qu’il détestait franchement. “J’ai réalisé que ceux qui me touchaient le plus étaient les Tintin des années 30,” confie le scénariste et metteur en scène. “Ils ont pour particularité d’avoir une veine comique avec un fond politique, voire géopolitique, qui se nourrit de l’actualité de ces années-là. Surtout, en relisant Le Sceptre d’Ottokar (1939), j’ai beaucoup pensé à Une femme disparaît (1938, Alfred Hitchcock). Ce sont deux œuvres qui révèlent une véritable inquiétude quant à la marche du monde, une angoisse liée aux événements européens. Je me suis alors demandé si Hergé connaissait Hitchcock. Renseignements pris, j’ai cru comprendre que oui, mais l’inverse n’était sans doute pas possible. A l’époque, Tintin était un phénomène belgo-belge.”
L’image de Vincent Lacoste en Tintin
Pendant des mois, Nicolas Pariser a étudié la structure des films anglais de Hitchcock. Il a imaginé un projet qui en aurait été un pastiche. Il avait déjà Vincent Lacoste à l’esprit pour le rôle principal. L’histoire se passait en Angleterre en juin 1939. Cependant, le réalisateur n’est pas parvenu à trouver une nécessité à cet exercice de style. Et puis, le film s’avérait atrocement cher à tourner. “J’ai donc abandonné ce projet mais une idée graphique persistait,” continue le cinéaste. “Celle de Vincent Lacoste en Michael Redgrave dans Une femme disparaît ou en Derrick de Marney dans Jeune et innocent (1937). J’avais du mal à me défaire de cette image de Vincent Lacoste en tweed, pantalon golf, et courant dans la campagne anglaise. En fait, dans Le parfum vert, il est un peu habillé comme Tintin. Et Sandrine Kiberlain comme Corto Maltese, avec une pointe de Capitaine Haddock.”
Le point commun entre Hergé et Hitchcock
“Dans les années 30, les œuvres de Hergé et de Hitchcock parlent de la montée du fascisme et du nationalisme mais sans jamais évoquer la question de l’antisémitisme,” explique Nicolas Pariser. “Ce sont deux artistes catholiques qui pressentent la déflagration future en ne voyant simplement pas ce problème. En fait, pour Hergé c’est un peu inexact et surtout très accablant. Il y a des Juifs dans ses albums mais ce sont presque toujours des caricatures antisémites. Chez Hitchcock, à ma connaissance, il n’y a pas de Juifs du tout.”
“Après avoir identifié ce point aveugle, j’ai pensé mettre des personnages juifs au milieu d’un récit d’espionnage de type “hitchcockohergéen”,” poursuit le réalisateur. “Le projet trouvait sa nécessité avec cette idée : plonger deux personnages juifs dans l’Europe tourmentée du XXIème siècle. Je voulais essayer de filmer l’Europe comme un territoire qui, historiquement et politiquement, existe et qui n’est pas juste une lubie de néo-libéraux post-démocratiques. Entremêler Hitchcock et Hergé m’offrait un point de départ : la comédie d’espionnage. Et cela m’intéressait de “mettre le paquet” sur ces codes-là. Puis, au fur et à mesure que le récit se déploie, il fallait m’en éloigner, que ces références ne soient plus du tout le moteur de la fiction. Il fallait dévier vers le motif central, qui est l’angoisse physique des Juifs en Europe, encore présente aujourd’hui. Filmer l’Europe, c’est filmer un territoire plus que jamais hanté par le fascisme et l’antisémitisme.”
[SPOILER] Une fin qui appellerait une suite…
Le dernier plan du Parfum vert appelle à un deuxième long métrage, comme un second album des aventures de Martin et Claire. “Le dernier plan dit que la menace est endormie mais reste présente,” confirme Nicolas Pariser. “J’essaie de traiter l’Anthracite comme la valise d’En quatrième vitesse (1955, Robert Aldrich). C’est un objet radioactif. Je ne voulais pas que ça se termine bien, car ce n’est vraiment pas le moment. Et en même temps, les comédies d’espionnage ne finissent jamais mal. Mais comme j’ai de plus en plus de mal avec les séries télévisées, je ne vais pas m’empresser de réaliser cette suite.”
Crédit photos : ©Bizibi – Diaphana Distribution