Il jouait déjà à Tintin quand il avait 8 ans. A 25 ans, il incarne le reporter belge pour Steven Spielberg. Et il n’en revient toujours pas.

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On sait très peu de chose du Tintin d’Hergé. Avez-vous inventé un passé à votre propre Tintin ?

Jamie Bell : Non. Quand vous lisez Tintin pour la première fois, vous pensez le connaître mais en creusant un peu vous réalisez que c’est loin d’être le cas. Qui est-il ? Pourquoi a-t-il un chien comme seul ami ? Où sont ses parents ? Pourquoi ne lit-on jamais ses articles dans les journaux alors qu’il est journaliste ? Je crois qu’Hergé l’a fait volontairement. En ne disant rien de son personnage, il m’a permis à 8 ans, quand je l’ai découvert, de remplir les blancs avec tout ce que je voulais que Tintin soit et avec tout ce que je voulais être. Ce n’est pas à nous, acteurs ou réalisateurs, de remplir ces blancs. Nous avons pris le meilleur de Tintin : son côté volontaire, ambitieux, courageux, héroïque, loyal. C’est un gagneur, il va résoudre le mystère, trouver le trésor, réparer les torts. Le Capitaine Haddock est au contraire le perdant, il rate tout et détruit tout ce que Tintin entreprend. Mais les opposés s’attirent et ces deux là ont besoin l’un de l’autre.

Votre Tintin a l’air de l’homme parfait.

Non, il a des défauts. Il est égoïste. Tout tourne autour de lui, de sa quête de réponses, de son addiction à l’aventure. Mais c’est aussi ce qui le définit. Si vous lui retirez tout ça, il n’est plus rien. C’est ce qui rend sa relation avec Haddock intéressante car quand Tintin pense que tout est perdu, Haddock lui prouve qu’il reste son ami.

Diriez-vous que c’est le personnage le moins torturé que vous avez incarné ?

On peut le voir comme ça ou au contraire comme le plus torturé. Est-il vraiment tourmenté, seul, solitaire, asexué, bizarre ? Ou est-il vraiment bien dans sa peau avec ses aventures, son chien et son Capitaine Haddock ? A chacun de voir ce qu’il veut. (Sourire)

Jamie+Bell_1Que pensez-vous de la capture de mouvement ?

J’étais très sceptique au début puis j’ai réalisé qu’il n’y avait aucune différence dans la façon de jouer. La mocap n’est qu’un outil de plus pour enregistrer le jeu d’un acteur. Mais le résultat final est bizarre. C’est comme voir son âme dans un autre corps. (Rires)

Comment compareriez-vous Steven Spielberg et Peter Jackson ?

Ils appartiennent à la même école de cinéma, au même monde visuel mais ils restent différents. Peter est un linguiste. Il aime les mots, la satire, l’ironie. Steven est plus visuel. Il aime le mouvement, l’énergie. C’est un mélange parfait car c’est exactement ce qu’est Tintin : des mots et des images. Ils se sont trouvés à mi-chemin. On pourrait penser que leur ego les aurait amenés à se prendre la tête et à se battre pour la paternité de telle ou telle idée mais ils n’ont pas arrêté de se faire rire l’un l’autre. Et pour moi, avoir Peter en iChat qui répondait à toutes mes questions sur Tintin et avoir Steven en personne qui me disait quoi faire, c’était intimidant mais génial. Et dingue !

Article paru dans Studio Ciné Live – N°30 – Octobre 2011