L’Atelier des Lumières fait honneur au célèbre reporter à la houppette avec l’exposition Tintin, l’aventure immersive, du 21 octobre au 20 novembre 2022. Cette relecture singulière de l’œuvre de Hergé promet de retrouver Tintin en pleine action aux côtés du capitaine Haddock, des Dupondt ou encore du professeur Tournesol mais aussi des méchants emblématiques de l’univers fictionnel de l’un des plus grands auteurs de BD du XXe siècle. L’occasion de revenir sur le destin de Hergé et de Tintin. L’un ne va pas sans l’autre, pour le meilleur et pour le pire. Le dessinateur a créé un héros devenu immortel et universel, un monument du 9è art qui était autant son double que son contraire et qu’il a adoré et détesté. 

Autoportrait de Hergé avec Tintin

Enfant, Georges Prosper Remi est insupportable. La seule façon de le calmer est de lui donner du papier et des crayons. Né le 22 mai 1907, en Belgique, il est élevé dans un  environnement ultracatholique. Le scoutisme et ses dessins lui permettent de s’évader – son nom totem est Renard curieux – et de mettre de la couleur dans son enfance qu’il juge grise. A 17 ans, il publie des histoires en amateur dans la revue Le Boy-scout belge, qu’il signe déjà Hergé (ses initiales G et R inversées). Son héros s’appelle Totor, un scout, chef de patrouille des Hannetons, et il préfigure Tintin. 

Hergé, père de Tintin et de la BD moderne

Tintin et Milou

Tintin est né le 10 janvier 1929 dans Le Petit Vingtième, supplément pour la jeunesse du quotidien catholique Le Vingtième Siècle. Hergé modifie Totor, le rebaptise Tintin, le fait reporter et lui donne un fidèle compagnon, le fox-terrier Milou. L’auteur voit ça comme une farce sans lendemain et s’amuse avec son personnage. Au fil des histoires et des albums, il invente la BD moderne avec son style de dessin – la ligne claire -, ses scénarios efficaces, son sens du cadrage, du rythme et du mouvement qu’il emprunte au cinéma muet de Charlot, ses cliffhangers qui donnent envie de tourner la page… Il crée un nouveau langage propre à la BD qui inspirera de nombreux artistes.

Tintin au pays de la politique

Tintin et Tchang

L’abbé Wallez, directeur du Vingtième Siècle, fan de Mussolini et anti-communiste, utilise Tintin, personnage auquel les enfants sont censés s’identifier, à des fins politiques. Il demande à Hergé d’envoyer son reporter fictif en URSS afin de dénoncer les crimes qui y sont perpétrés, puis au Congo (belge à l’époque) pour, entre autres, glorifier le travail des missionnaires. Pour ces premières aventures, le dessinateur de 22 ans est influencé par le milieu rétrograde dans lequel il évolue. Il n’a aucun recul, se documente peu  et livre des histoires pleines de préjugés. Sa rencontre en 1934 avec Tchang Tchong-Jen, un Chinois, étudiant en beaux-arts à Bruxelles, lui ouvrira les yeux sur son étroitesse d’esprit. Le jeune homme raconte à Hergé la réalité de la Chine pour Le lotus bleu, loin des clichés des bigots qui entourent l’auteur. Ce dernier effectue des recherches désormais pointues pour ses futurs récits qui gagnent en authenticité et en crédibilité. Après guerre, il révisera certaines aventures devenues embarrassantes pour l’époque.

Un succès international

La “famille Tintin”

Si Hergé se sert des grands événements de son temps comme toile de fond des pérégrinations de Tintin, il joue aussi sur la fiction et l’évasion pures. Il aborde l’onirisme et l’étrange, le mystère et l’exotisme, l’irrationnel et le paranormal, la science-fiction. Il ajoute des personnages et invente une “famille Tintin”. Chaque nouveau protagoniste emprunte un de ses traits de caractère : la colère du capitaine Haddock, la bêtise des Dupondt, la distraction du professeur Tournesol. Ses histoires et ses héros parlent à tout le monde. La création du journal Tintin en 1946 et sa déclinaison française en 1948 ainsi que les traductions des albums lui ouvrent une audience internationale. Le succès est considérable et ne se démentira jamais. 

Un auteur tourmenté

“Tintin c’est moi. Ce sont mes yeux, mes poumons, mes sens, mes tripes !”, insistait Hergé. Et pourtant, autant il dote son héros d’une image lisse, autant lui-même apparaît torturé. Il a consacré sa vie entière au petit reporter, avec des hauts et des bas. Devant fournir 700 dessins par album, il est surmené et épuisé, bien qu’entouré désormais d’une équipe de collaborateurs. La dépression le frappe par intermittence, le doute le submerge régulièrement. Hergé a le sentiment d’être passé à côté de sa vie. Il avoue à la fois s’amuser et souffrir avec Tintin. Il en vient par moments à détester l’emprise que son personnage exerce sur lui et se sent condamné à poursuivre ses aventures pour un public toujours plus exigeant. Le dessinateur se caricature en marionnette manipulée par Tintin ou en bagnard penché sur sa table de travail avec à ses côtés Tintin muni d’un fouet. Il ne peut cependant s’en détacher. Protecteur de son jeune héros, il estime que personne d’autre ne pourra lui rendre justice et refuse que quiconque le dessine à part lui. Son œuvre s’arrête donc avec lui, quand il meurt le 25 février 1983. Mais Tintin, bien qu’orphelin, reste immortel.

Crédit photos :  © Hergé