La ruse raconte la création et l’exécution par les Alliés de l’Opération Mincemeat pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce brillant stratagème avait pour but de tromper les Allemands sur le lieu d’un débarquement dans le sud de l’Europe en 1943. Aussi étonnant que soit ce subterfuge, il est basé sur une histoire vraie qui dépasse de loin la fiction. La ruse de John Madden sort en salles ce 27 avril. [SPOILERS]

Johnny Flynn, Penelope Wilton, Matthew Macfadyen, Colin Firth, Kelly Macdonald et Jason Isaacs

L’histoire

1943. Les Alliés organisent un débarquement en Sicile. Afin de tromper les Allemands et leur faire croire que cette opération se déroulera en Grèce, deux officiers du renseignement britannique inventent un ingénieux stratagème dont l’élément clé est un cadavre.

L’Opération Mincemeat

En 1943, les Alliés s’apprêtent à débarquer en Sicile. L’espionnage étant si développé lors de la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques étaient persuadés que leur plan serait éventé. Les Allemands déploieraient alors leurs troupes dans le sud de l’Italie et massacreraient leurs soldats. Les services secrets anglais ont donc mis au point l’Opération Mincemeat (Viande hachée) afin de faire croire à Adolf Hitler que le débarquement se déroulerait en Grèce. 

Ce stratagème consistait à trouver un cadavre et à lui attribuer une fausse identité. Puis, il s’agissait de l’habiller en uniforme militaire et de faire comme si l’homme était une estafette ayant sombré en Méditerranée lorsque son avion a été abattu. Il aurait un porte-documents contenant des documents indiquant que l’ensemble des troupes alliées s’apprêtaient à débarquer en Europe par la Grèce et non par l’Italie. Le corps serait en fait acheminé jusqu’aux côtes espagnoles – pays neutre –, et repêché sur place par les espions nazis. Ces derniers relaieraient ensuite les – fausses – informations récupérées sur le cadavre directement à Berlin, entraînant l’ennemi sur une fausse piste.

Le vrai cadavre d’un faux soldat

Le subterfuge s’est révélé extrêmement complexe à mettre en œuvre par le Twenty Commitee du Renseignement naval. Cette organisation ultra secrète était dirigée par Ewen Montagu (Colin Firth) et Charles Cholmondeley (Matthew Macfadyen). La première difficulté a été de trouver le cadavre adéquat. Il devait donner l’impression d’être tombé d’un avion abattu, puis d’avoir séjourné dans la mer. Ensuite, il a fallu imaginer un soldat qui n’avait jamais existé. Et être précis quant à sa vie intime et militaire. Les instigateurs ont dû inventer et réunir des affaires lui appartenant, appelées “les déchets du portefeuille”. Ce sont des choses qu’il aurait pu garder dans ses poches ou son portefeuille comme un reçu de pressing, une facture pour une bague, une lettre d’amour ou un courrier de son banquier lui signalant un découvert. C’est cette accumulation méticuleuse de détails qui a permis de construire le personnage et de le rendre authentique. 

Matthew Macfadyen, Colin Firth et Johnny Flynn

Un film sur la force de la fiction

L’Opération Mincemeat et La ruse sont un hommage aux écrivains et puisent leurs racines dans la littérature. Le long métrage s’inspire déjà du roman de Ben Macintyre. La communauté qu’évoque son best seller et le film – le Twenty Committee – est aussi constamment au contact d’écrivains. Quasiment tous écrivent des romans dans leur temps libre.

Le plus célèbre de tous les protagonistes de l’opération n’est autre que Ian Fleming (Johnny Flynn), devenu par la suite l’auteur de James Bond. Il joue un rôle décisif dans toute cette histoire. Il est le premier instigateur du plan, issu de la fiction et, plus précisément, d’un roman d’un certain Basil Thompson. A l’époque, Ian Fleming est l’assistant de l’amiral John Henry Godfrey, chef du renseignement naval pendant la guerre. Ce dernier a inspiré M dans les romans de James Bond. Ian Fleming a suggéré l’idée de tromper Hitler en se servant d’un cadavre muni de papiers d’identité à l’amiral via son “Trout Memo” (Mémo Truite). La supercherie est donc presque entièrement née d’un roman.

“Ceux qui ont eu l’idée du stratagème sont, fondamentalement, des écrivains,” souligne le réalisateur John Madden. “Certains d’entre eux étaient des romanciers, dont les livres étaient publiés, et qui parlaient de criminels trompant la police sans laisser de trace derrière eux. Du coup, ils étaient parfaitement à l’aise avec l’idée de ce plan inattendu.” 

Kelly Macdonald

L’armée des ombres

La ruse s’attache également aux héros de l’ombre. Bien que désireux de se battre sur le front, ces hommes savaient que leur devoir était de rester en retrait et de défendre le monde libre d’une autre manière. Ils travaillaient dans le secret pour un intérêt supérieur, et non pour des médailles ou le prestige.

“Ils se disaient ‘je n’ai pas besoin de faire la Une des journaux, je peux jouer mon rôle en coulisses’,” remarque Michelle Ashford, la scénariste de La ruse. “C’est tout aussi digne, sinon plus digne encore, que de faire la Une des journaux. On vit aujourd’hui dans un monde obsédé par la célébrité. Mais ce qui est formidable dans cette histoire, c’est de pouvoir saluer les efforts de ceux qui ont combattu dans l’ombre. Le film parle de ceux qui n’ont pas cherché la gloire, mais qui ont fait bouger les lignes. C’est important qu’on braque les projecteurs sur eux.”

Une authenticité brute

L’écrivain Ben Macintyre explique qu’une des forces du film La ruse est d’être ancré dans la réalité. “Ce n’est que lorsque le MI5 a commencé à déclassifier ses dossiers qu’on a pu découvrir des histoires véridiques sur un sujet qui a longtemps été l’objet de fantasmes et d’exagérations. Je me suis donc intéressé aux dossiers du MI5. Ils regorgeaient de détails car ils ont été rédigés par des gens qui n’avaient pas l’intention de les rendre publics. Ces documents étaient censés rester secrets. Ils sont donc d’une sincérité dont la plupart des dossiers officiels s’avèrent dénués. En général, les gens qui savent que leurs rapports seront rendus publics un jour ou l’autre tentent d’en édulcorer le propos. Ils cherchent à réécrire un peu l’histoire ou à se donner le beau rôle et, à l’inverse, à diminuer celui des autres. Mais pas dans ces dossiers-là. Ils rendent compte de ce qui s’est passé avec une authenticité totale.”

Crédit photos : © Warner Bros.