Après dix ans d’attente, Columbus, Tallahasse, Wichita et Little Rock sont enfin de retour pour des aventures encore plus déjantées que dans Bienvenue à Zombieland. Face à eux, des sosies, des hippies et une bande de zombies nouvelle génération. Ruben Fleischer est toujours aux commandes. Le réalisateur s’est fait connaître avec le premier opus, désormais film culte. Alors que les studios lui faisaient un pont d’or pour enchaîner avec un blockbuster, il a préféré continuer à se faire la main avec une petite comédie, 30 minutes maximum, avant de voir plus grand en s’attaquant à Gangster Squad. Gagnant en confiance, il a ensuite accepté Venom, entrant ainsi dans le club des réalisateurs de films au budget d’au moins 100 millions de dollars. Retour à Zombieland sort en salles ce 23 octobre.
Est-ce vraiment une coïncidence que la suite de Bienvenue à Zombieland sorte 10 ans après le premier film ?
(Sourire) J’appellerais plutôt ça un heureux accident. Cela fait un moment qu’on travaille sur ce film et on aurait probablement voulu qu’il sorte plus tôt. Mais il nous a fallu le temps de finaliser une bonne histoire puis d’aligner les agendas surchargés des acteurs. Et quand est arrivé l’anniversaire des dix ans, cela nous a semblé la meilleure des raisons de faire ce long métrage. Et tous les éléments se sont combinés à temps. Je suis assez content de la tournure des choses car cela fait dix ans presque jour pour jour que le premier film est sorti.
Vous avez ajouté Dave Callaham (les Expendables, Godzilla) au duo initial de scénaristes formé par Rhett Reese et Paul Wernick. Comment ont-ils travaillé ensemble ?
Quand on a donné le feu vert au nouveau Zombieland, on voulait évidemment que Paul et Rhett l’écrivent. Mais ils étaient trop occupés avec Deadpool et n’étaient donc pas disponibles pour participer à notre film. Ils sont cependant devenus producteurs exécutifs. On a ensuite engagé Dave Callahan pour écrire le scénario. Il est arrivé avec un pitch génial. Paul, Rhett et moi avons alors travaillé avec lui sur la première version du script. Le temps passant, on a rédigé d’autres versions. Puis Paul et Rhett ont fini par être disponibles. Ils se sont mis ardemment au travail et ont écrit la dernière version du scénario, apportant beaucoup de leurs voix et idées originales au film.
Est-ce que l’idée des sosies est empruntée à Shaun of the Dead ? Dans le film de Kevin Smith, ce n’était qu’un clin d’œil mais vous, vous développez tout un passage dans votre long métrage.
Non. C’est amusant mais je ne me rappelle pas des sosies dans Shaun of the dead. Quelqu’un d’autre a vu le film et m’a aussi parlé de cette scène mais je ne m’en souviens pas. Donc cela n’a définitivement rien à voir avec Shaun of the dead.
J’aime beaucoup ce double hommage que vous faites à Bill Murray dans le film, à la fois dans les dialogues et dans cette scène avec lui pendant le générique de fin. Un Zombieland sans Bill Murray n’est pas un vrai Zombieland ?
(Sourire) On a eu tellement de chance de l’avoir sur le premier film. Et personne n’aurait pu égaler son cameo. C’est le meilleur.
Quel a été pour vous le plus grand défi sur cette suite ?
Retrouver la magie du film originel. Bienvenue à Zombielan est un long métrage vraiment spécial et le faire a été une expérience réellement unique. C’était très difficile de recréer cette magie. J’étais aussi très nerveux. Je ne voulais pas faire un second film qui ne serait pas aussi bon que le premier. Je crois que le plus dur a été d’être certain de ne pas tout gâcher.
Beaucoup pensent qu’une suite doit avoir plus d’actions, être plus spectaculaire. Aviez-vous cette idée à l’esprit en vous lançant dans ce deuxième opus ?
Non et je n’ai pas le sentiment que ce film soit plus spectaculaire. Je crois qu’il s’attache aux personnages et à leurs relations. Les gens sont au cœur du film. On a essayé de se concentrer sur les protagonistes. Leur alchimie était très importante pour moi. Et en castant le film, je voulais être sûr que les acteurs que j’apportais à Retour à Zombieland étaient sur la même longueur d’onde et dans le même ton que les personnages. C’était primordial. Je désirais que les nouveaux personnages donnent l’impression d’appartenir au même monde.
Votre choix de faire vivre vos personnages dans une Maison blanche à l’abandon et de supprimer les armes à feu chez les hippies de Babylone, est-ce votre façon de critiquer l’administration Trump et les tueries de masse aux Etats-Unis ?
(Surpris par cette question) Pour la Maison blanche, je pense simplement que si vous deviez vivre n’importe où sur la planète, le faire dans ce lieu serait un rêve qui deviendrait réalité. Après l’apocalypse, qui ne voudrait pas habiter dans la maison la plus cool qui soit ? Je croyais que ce serait juste drôle que les personnages occupent la Maison blanche après tant d’années. Pour moi, c’était une idée originale et amusante. C’était aussi cool de les voir décorer le bureau ovale avec leur style propre et de faire de la Maison blanche leur foyer. Quant à l’interdiction des armes à feu, quand vous inventez des scènes d’actions, vous voulez toujours qu’elles soient distinctes les unes des autres. Si vous avez une poursuite en voitures au début d’un film, vous ne tenez pas en voir trois de plus. Il est toujours bon de varier l’action. On a une grande fusillade avec les zombies au milieu du film, j’estimais que c’était bien d’innover ensuite. En bannissant les armes de Babylone, on a dû imaginer une façon nouvelle et originale de mener l’action. Et je n’avais encore jamais vu un Monster Truck affronter des zombies. Je pensais que c’était vraiment drôle.
Tous vos films contiennent une grande violence. Vous fixez-vous des limites ?
Si vous faites un film sur des gangsters à Los Angeles à une époque violente comme dans Gangster Squad et que vous entendez faire un bon film de gangsters, vous voulez que vos gars soient armés jusqu’aux dents. Ça va avec le sujet. Dans Venom, de nombreuses scènes d’action montrent une créature alien utilisant ses pouvoirs et des gens essayant de l’arrêter. Vous devez vous adapter à ce qui convient au film et aux personnages.
Faire une suite vous donne une chance de faire des ajustements par rapport à l’original. Qu’avez-vous changé ? Sachant aussi que Bienvenue à Zombieland était votre tout premier film en tant que réalisateur.
C’était justement la plus grande différence. Ce premier film a vraiment été très formateur. Je n’avais encore jamais réalisé de long métrage avant. J’apprenais quelque chose de nouveau tous les jours, que ce soit dans la façon de parler aux acteurs, de filmer une séquence d’action, de tourner une scène avec 200 figurants. Je n’avais encore jamais fait ça avant. Quant à cette suite, j’ai désormais quatre films à mon actif. J’ai plus confiance en moi. Et je crois que je me suis amélioré pour aborder les défis et les surmonter, pour trouver des solutions créatives aux problèmes. Ce qui au final, je pense, est la plus grande responsabilité du réalisateur : résoudre les problèmes. J’avais juste plus d’expérience pour ce film.
Est-ce plus facile de tourner une suite qu’un film original car vous connaissez déjà les acteurs, les personnages ou encore le ton et le style du film ?
C’est la première fois que je fais une suite mais je pense que cela dépend des circonstances. Retour à Zombieland s’est révélé être une joie à réaliser à cause de ces acteurs incroyables. Le processus a été si collaboratif. C’était un vrai plaisir. Mais chaque long métrage est différent que ce soit au niveau du scénario, des acteurs, du studio ou des circonstances qui l’entourent. C’est difficile de généraliser ce qui est le plus facile. Mais ce film a été un vrai régal.
Comment s’est passé votre premier jour de tournage sur Retour à Zombieland ? Avez-vous eu l’impression de revenir chez vous ?
(Rires) C’est une bonne question. Honnêtement, c’était comme une réunion de famille. C’était génial de retrouver ces acteurs. Pour Emma Stone et pour Jesse Eisenberg, Bienvenue à Zombieland était leur premier gros film. Ils n’avaient encore jamais tourné dans un film de studio avant. Cela a été très formateur pour eux aussi. Et cela a eu un effet concret sur leur carrière. Peu après, Jesse a été nommé aux Oscars pour The Social Network et Emma a réalisé un travail incroyable dans tous les films qui ont suivi jusqu’à La favorite et surtout, elle a gagné l’Oscar pour La La Land. Donc même si dix ans ont passé et que ces acteurs ont accompli des choses épatantes, on avait l’impression que rien n’avait changé et qu’on était juste une bande de copains qui se retrouvaient.
Les avez-vous laissés autant improviser que sur Bienvenue à Zombieland ?
Oui, des tonnes de fois. Leurs improvisations sont les moments du film que je préfère. Vous vous souvenez de la scène où Zoey Deutch [elle joue un nouveau personnage, Madison, ndlr] regarde à travers les jumelles et dit : « Oh, le vieux monsieur est tout petit. » ? Toute la scène est improvisée. A la base, la scène finissait avec Jesse qui voit le camping car et dit : « Je crois que c’est bon ». Mais ils se sont ensuite lancés dans une improvisation avec les jumelles. La première fois, Jesse a tendu les jumelles à l’endroit à Zoey et ce n’était pas très drôle. La seconde fois, il les lui a tendues à l’envers et Zoey a commencé avec cette histoire de « Oh, le vieux monsieur est tout petit. ». Cinq ou six prises plus tard, on avait la prise que j’ai gardée dans le film. Toute la séquence est improvisée, depuis « Oh, le vieux monsieur est tout petit. » à Emma qui dit « Elle est adorable. » jusqu’à « Je vous aime les mecs. ». Il y a une tonne d’improvisations dans tout le film. Jesse est incroyable dans cet exercice. Thomas Middleditch qui joue son sosie est un improvisateur né. C’était amusant de lui laisser carte blanche et de voir jusqu’où allait la comédie. Tous ces trucs au sujet de Terminator 2 et de James Cameron ou de Fantasia… C’est de l’impro.
Vos acteurs ont-ils aussi inventé de nouvelles façons de tuer des zombies ?
(Rires) Non. Les dialogues sont plus leur domaine. Tout ce qui concerne l’action doit être préparé bien en amont du tournage. Donc le coordinateur de cascades, les scénaristes, d’autres techniciens et moi sommes plutôt en charge de ça.
Y a-t-il une façon de tuer les zombies que vous regrettez de ne pas avoir mis dans votre film ?
(Sourire) Oui. Nos séances de brainstorming pour le meilleur zigouillage de zombie de l’année ont été très fécondes. Une idée que je trouvais drôle mais qui n’a pas été gardée était celle de deux péquenauds et de leur piège pour zombies. Ils retenaient un arbre avec une corde. Quand ils coupaient la corde, l’arbre envoyait le zombie valser dans les airs. Un peu à la Bugs Bunny ou à la Willy le Coyote. Moi, ça me faisait rire. Mais on ne pouvait pas tout mettre.
Que pensez-vous que Zombieland apporte au genre du film de zombies ?
J’espère de la comédie ! Traditionnellement, les films de zombies ne sont pas des comédies. Ils possèdent toujours un facteur comique mais quand vous voyez The Walking Dead, World War Z et consorts, le genre est devenu plutôt sérieux. Donc j’espère que je contribue au nouveau genre qu’est la zom-com, un mix entre le film de zombie et la comédie.
Dans Retour à Zombieland, vous revisitez les zombies en leur donnant différentes personnalités.
Ils ont en effet gentiment évolué. On sentait que l’on devait justifier le fait que nos héros avaient survécu pendant dix ans. Cependant, on voulait montrer que ce n’était pas parce qu’ils étaient devenus des maîtres dans l’art de tuer des zombies ou parce qu’avec le temps les zombies n’étaient plus vraiment une menace mais parce qu’ils savaient désormais naviguer dans ce monde. On pensait aussi devoir intensifier les enjeux. On a donc inventé une forme mutante de zombie plus dangereux : le T-800. En chemin, on a aussi imaginé des zombies plus marrants comme le Homer, inspiré d’Homer Simpson, un zombie stupide. Et le Hawking, un zombie super intelligent. Et le Ninja, un zombie super malin et sournois.
N’avez-vous jamais pensé remplacer les ennemis zombies par des méchants humains ?
Si, on y a même fortement réfléchi. Mais notre film est une comédie et je ne voyais pas nos héros se battre contre des humains et potentiellement les tuer. Je trouve que les zombies sont des cibles parfaites. Ils permettent d’être plus drôle. C’est plus dur de rire avec une menace humaine.
Faites-vous toujours des projections tests ?
Oui, j’aime les projections test. Quand vous réalisez une comédie, il n’y a rien de mieux que d’entendre les rires du public. Cela permet aussi de peaufiner le rythme du film et de voir ce que les spectateurs aiment et ce qui les fait rire. Heureusement car on a tellement d’improvisations. On a plein de blagues différentes et certaine sont même très bonnes. On peut ainsi les essayer, échanger celle qui ne marche pas avec une qui fonctionnerait mieux. Par exemple, la scène avec les jumelles dont je vous parlais. On avait une version plus courte. On ne pensait pas qu’elle ferait rire les spectateurs mais ils l’ont trouvée si drôle qu’on a pris la version longue. Ces projections permettent vraiment de sentir les réactions du public. Et il n’y a rien qui ne me réjouit plus que de regarder une comédie dans une salle pleine et d’entendre les gens s’esclaffer. On a enregistré leurs rires. Ainsi, une fois de retour dans la salle de montage, on sait quand le rire était un petit rire et on peut tenter autre chose afin d’obtenir un plus gros rire. On essaye d’être le plus drôle possible. J’adore ce procédé.
Vous tournez beaucoup d’épisodes de séries télé en plus de réaliser des films. Qu’aimez-vous dans cet exercice ?
J’aime faire de la télé car cela ne demande pas autant de temps qu’un film. Je travaille sur Retour à Zombieland depuis un an et je n’ai pas encore fini. Un épisode de série télé me prend une semaine ou deux. Si je fais un pilote, c’est-à-dire le premier épisode d’une nouvelle série, cela me prend seulement deux mois. C’est sympa de pouvoir faire plein de choses différentes et de travailler avec beaucoup plus de gens. Quand vous faites un long métrage, vous avez l’impression de vivre dans un seul environnement tout le temps du film. En télé, vous pouvez passer rapidement d‘un projet à un autre, travailler avec différents groupes de gens. Si vous regardez bien, entre Gangster Squad et Venom, j’ai dû officier sur quatre ou cinq séries télé. Ça fait du bien d’être aussi productif.
Avez-vous la même liberté que sur un long métrage ? Car une série est plus le médium des scénaristes que celui des réalisateurs.
C’est vrai et je respecte ça. Mais faire un pilote, c’est comme faire un film. C’est à moi de créer la série : je trouve le casting et les décors, j’en établis le ton. J’apprécie ce procédé car je travaille étroitement avec l’auteur. C’est une vraie collaboration. En revanche, quand je fais des épisodes ici et là, c’est vrai que je suis plus comme un réalisateur à gages. Et les auteurs et les acteurs connaissent mieux la série que moi, généralement. Enfin, je l’espère. Je suis alors plus un exécutant.
Quel est votre projet suivant ? Etes-vous toujours attaché à Jekyll ? Car après Venom où vous aviez déjà exploré la dualité d’Edie Brock et de Venom, nous ne sembliez plus très enclin à vous attaquer à nouveau à ce thème avec le docteur Jekyll et M. Hyde.
Non, je ne suis plus impliqué dans ce projet. C’était avant Venom et j’ai abandonné Jekyll pour faire Venom. En fait, je n’ai pas d’autre projet de film pour l’instant. Je vais réaliser quelques épisodes de séries pendant un temps en attendant de voir ce que sera mon prochain long métrage. J’ai deux enfants, de 5 et 2 ans. Entre Venom et Retour à Zombieland, je n’ai pas pris de vacances et j’ai passé douze mois à Atlanta sans ma famille. Donc je suis vraiment content d’être à Los Angeles et de travailler en télé. Je vais prendre le temps de souffler une seconde avant de me lancer dans un autre film.
Crédit photos : © Sony Pictures
Article paru dans L’Ecran fantastique – N°413 – Novembre 2019
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