Dans son nouveau film, Jordan Peele mêle science-fiction et thriller social. Il utilise ainsi des extra-terrestres pour mieux critiquer l’opportunisme indissociable de l’histoire américaine et de l’industrie du spectacle. Voici sept anecdotes sur Nope qui sort en salles ce 10 août.

Daniel Kaluuya dans Nope

Daniel Kaluuya

1 – Un titre qui veut dire non

Nope est une façon plus familière de dire non en anglais. C’est l’équivalent de notre “nan“. Ce titre peut faire référence au “nan” d’incrédulité face à un phénomène inexplicable. Pour Jordan Peele, c’est sa réponse aux gens à qui on propose d’aller voir un film d’horreur et qui répondent d’emblée : “nan“. “J’aime essayer de me glisser dans l’esprit des spectateurs,” prévient le réalisateur. “Et je pense qu’il y a plein de gens qui n’ont pas du tout envie d’aller voir un film d’horreur ou une histoire trop sombre ou tordue. Nope tend la main à ce public-là, comme si je leur disais : ‘Je ne vous oublie pas, et même si ce film fait peur, le moins que je puisse faire, c’est de tenter de vous convaincre d’entrer dans la salle. Je peux vous assurer que vous y trouverez votre compte’.

2 – Des soucoupes volantes

Jordan Peele, le réalisateur de Nope

Jordan Peele

A la base, Jordan Peele voulait réaliser un film d’extra-terrestre sur des soucoupes volantes. “Et pas seulement un film d’horreur à base de soucoupes volantes mais vraiment l’essence même de ce sous-genre-là,” explique le réalisateur. “C’est un genre difficile à bien mettre en œuvre car il faut voir très grand… puisque le film se déroule dans le ciel. Rencontres du troisième type m’a beaucoup marqué par son ampleur et sa vision mais, surtout, grâce à la capacité de Steven Spielberg à nous faire croire qu’on est vraiment en présence d’un phénomène qui vient d’ailleurs. C’est ce type d’expérience immersive que j’aspirais à retrouver. Dans ce genre, cependant, on prête souvent d’innombrables qualités extraordinaires à une civilisation extra-terrestre très évoluée. Mais si la réalité était bien plus simple et sombre que tout ce qu’on peut vraiment imaginer ?” De quoi rafraîchir le concept de l’invasion alien.

3 – Des petits hommes verts

Keke Palmer dans Nope

Keke Palmer

L’ADN de Nope pose une question cruciale sur notre addiction au spectacle,” souligne Jordan Peele. “Et sur ce qui se passe quand l’argent s’en mêle, quand ce qui devrait rester pur et naturel est corrompu.” C’est pourquoi le titre initial de son film était Little Green Men (Petits hommes verts) car il aborde à la fois la recherche du succès et de la fortune et la recherche de la preuve de l’existence d’une vie extra-terrestre. Petits hommes verts pouvait ainsi faire tout autant référence aux billets de banque américains qu’aux aliens. Ses extraterrestres seraient alors très très éloignés du genre de créature que l’on voit dans le film de Ridley Scott, Alien, le huitième passager.

4 – Un réalisateur schizophrène

Tout comme peut le faire la revisite de La guerre des mondes par Howard Overman pour la série de Canal+, Nope interroge sur la condition humaine et et sur notre humanité. “Nope parle de notre désir profond d’être vu, d’être reconnu pour ce qu’on est et ce qu’on représente,” révèle Jordan Peele. Ses héros, OJ et Emerald Haywood (Daniel Kaluuya et Keke Palmer), veulent filmer la preuve de l’existence des extra-terrestres. Le premier espère gagner de l’argent et sauver le ranch familial. La seconde rêve de devenir célèbre. Ils incarnent tous deux l’ambivalence de l’industrie, que le réalisateur ressent lui-même. OJ préfère la tranquillité et l’anonymat tandis qu’Emerald recherche l’attention et la gloire. “A bien des égards, OJ et Emerald représentent les deux facettes de ma personnalité,” confie Jordan Peele. “J’apprécie d’avoir une vie privée et l’idée que des gens puissent m’épier est terrifiante comme pour la plupart d’entre nous. Mais, en même temps, j’ai choisi cette carrière qui m’expose au regard du monde entier. Cette forme de schizophrénie propre à ma vie caractérise également ces personnages.

Steven Yeun dans Nope

Steven Yeun

5 – Un hommage aux anonymes et aux oubliés du cinéma

Nope se veut une exploration et une satire de l’industrie du cinéma. “J’ai voulu faire un film qui critique autant qu’il rend hommage,” commente Jordan Peele. Le film met en lumière l’existence de ces chefs de poste et de leurs équipe indispensables et parties intégrantes à la création du film qu’on voit à l’écran mais qui restent invisibles et inconnus aux yeux des spectateurs, comme les dresseurs d’animaux, les chefs opérateurs et les experts en technologie dont parle Nope. Le long métrage évoque également le sort de ces enfants acteurs abandonnés par l’industrie et oubliés par tous une fois qu’ils deviennent plus âgés et moins rentables.

6 – Une star inconnue

Le galop du cheval ©Eadweard Muybridge

C’est en lisant un livre sur Eadweard Muybridge et sa boucle photographique créée en 1887 et connue sous le titre Le galop du cheval, que Jordan Peele a eu l’idée du thème des anonymes du cinéma. Il s’agit de la célèbre séquence où 16 photographies en noir et blanc représentent un jockey noir montant un cheval au galop. Ces clichés appartiennent à la collection permanente de la National Gallery of Art de Washington. Le nom du cheval et celui de son propriétaire sont consignés en légende de l’œuvre mais pas celui du cavalier, ignoré ou tombé dans l’oubli.

7 – Un E.T. qui s’appelle Veste en jean

Contrairement à la récente série Invasion d’Apple TV où les extraterrestres envahissaient toute la planète, dans Nope, il n’y a qu’un alien et il a jeté son dévolu sur un ranch californien. Jordan Peele prend son temps pour nous le dévoiler. En attendant, le personnage d’OJ Haywood le surnomme Jean Jacket (Veste en jean en français). Jean Jacket était le nom d’un cheval du ranch Haywood promis à Emerald quand elle était petite. OJ choisit ce nom en hommage. Accessoirement, la veste en jean est peut-être le vêtement le plus emblématique et intrinsèquement américain qui existe.

Daniel Kaluuya, Brandon Perea et Keke Palmer dans Nope

Daniel Kaluuya, Brandon Perea et Keke Palmer

L’alien Jean Jacket se cache dans les nuages. Un nuage ne peut garder la même forme ni la même position le temps d’un tournage. L’équipe des effets visuels a donc imaginé un système nuageux numérique capable de reproduire la composition, la formation et la vitesse de déplacement des nuages. L’élaboration de ce dispositif a demandé 9 mois.

Afin de donner aux mouvements de Jean Jacket des bases naturelles, Jordan Peele a consulté John Dabiri, un professeur d’ingénierie à l’université de Californie CalTech qui étudie les systèmes biologiques afin de créer de nouvelles technologies. Quand le réalisateur a décrit la manière dont son E.T. allait se comporter et se mouvoir, le chercheur lui a expliqué la biologie de la méduse. Cette dernière possède une combinaison similaire d’efficacité, d’appétit vorace, d’endurance et de légèreté. Il a fallu 18 mois de travail pour finaliser le style de Jean Jacket.

Crédit photos : © Universal Pictures