Le secret est toujours le maître-mot sur le tournage d’un James Bond. Si on nous a épargné l’éculé « Si je vous le dis, je devrais vous tuer », on ne compte plus les « Attendez de voir le film » et autre « Je ne peux pas vous répondre ». Le plateau était néanmoins ouvert à la presse pour découvrir un bout d’une séquence qui s’annonce époustouflante. Et ce ne sera pas la seule.

Daniel Craig marche calmement autour de sa marque au sol, une main dans la poche, l’autre tenant son Walther PPK le long du corps. Il mâche un chewing-gum. Toujours impeccable dans son costume de James Bond, il réajuste ses poignets de chemises. Il patiente. « Je pense à ce que je fais, sourit l’acteur. Je me concentre et je m’assure que je suis prêt. Je ne veux pas merder, c’est aussi simple que ça. » Ce qu’il ne veut pas « merder » est sa réaction à une explosion.

Skyfall_3

Nous sommes au 94ème jour du tournage du nouveau James Bond, Skyfall, qui en comptera 130. L’équipe a investi le fameux plateau 007 de 5 500 m2 des studios Pinewood, près de Londres. Dennis Gassner, chef décorateur bondien depuis Quantum of solace, y a fait reconstruire des parties souterraines du métro de Londres : la plateforme de la station Temple, des tunnels, des rames… Dans une partie du plateau, un tunnel de 50 m de long avec ses rails et ses niches de sécurité a été reconstitué. Plus loin, une fosse de 20 cm de profondeur est remplie d’une eau devenue noire. A l’entrée du plateau, deux rames sont garées sur des rails fixées sur des containers. Elles sont à prêt de 8 m du sol et dirigées vers le décor utilisé ce jour-là, en contrebas, caché derrière un lourd rideau de sécurité. C’est un large et long tunnel avec des voûtes au plafond et des arches sur les côtés. Un technicien y arrose le sol pour entretenir des flaques d’eau. C’est là que s’achève une course poursuite entre James Bond et le terroriste Raul Silva, joué par Javier Bardem. Ce dernier porte un uniforme de policier londonien et une casquette qui cache ses cheveux blonds. « La couleur de mes cheveux a un sens lié à ce que représente mon personnage dans le film, à son histoire, » précise l’acteur qui ajoutera qu’il a dû supporter cette tignasse pendant quatre mois mais qu’il l’assume plus que celle de No country for all men.

« Nous avons été prudent quant au sujet du terrorisme à Londres, souligne Daniel Craig. Bond reste du cinéma. On ne veut pas effrayer les gens, on veut les divertir. Mais le vrai problème était plutôt de tourner dans Londres même et de lui rendre justice. Je voulais que ce Bond se tourne plus ici et dans des endroits où on tourne peu. Bond ouvre des portes : Whitehall, le métro… Tous ont coopéré, que ce soit la police ou les autorités locales. » Le réalisateur Sam Mendès a ainsi pu faire fermer Whitehall à la circulation pour quelques jours, tourner des poursuites dans les rues de la ville, occuper pendant quatre week-ends une partie abandonnée de la station de métro Charing Cross…

Sur le décor, Bond, au centre du tunnel, vient de tirer sur Silva, qui se tient à mi-hauteur d’une échelle sur le mur du fond. Bond a inexplicablement manqué sa cible. « Je ne vous raterai pas la prochaine fois, M. Silva, » lance Bond. Ce à quoi Silva répond : « Pas mal, James. Maintenant que tu m’as trouvé, voici ta récompense. Mon dernier jouet. Ca s’appelle une radio. »

Boum !

Le bruit de l’explosion retentit juste derrière Bond et résonne dans tout le plateau. Il sursaute et se retourne au moment où des fragments du plafond s’écrasent à quelques mètres de lui, dans une gerbe d’étincelles et un nuage de fumée. L’odeur de la poudre se répand sur le décor. Coupé !

Skyfall_2

Le lendemain, alors que tout le plateau sera sécurisé et fermé à tous, ils tourneront la suite avec des caméras télécommandées : le déraillement et le crash d’une des rames de métro. Elle va glisser sur ses rails et s’écraser sur le décor en contrebas comme si elle traversait le plafond endommagé par l’explosion. L’équipe des effets spéciaux de Chris Corbould, dont c’est le treizième Bond, n’aura pas le droit à l’erreur car si la « petite » explosion du plafond demande cinq à six heures de préparation pour une seconde prise, le crash du métro nécessite une semaine…

Article paru dans Studio Ciné Live – N°41 – Octobre 2012