Après nous avoir émus avec Tom Hanks et son ballon de volley dans Seul au monde, Robert Zemeckis réitère son exploit avec cette fois Steve Carell et son Action Man dans Bienvenue à Marwen. Le film raconte l’histoire vraie de Mark Hogancamp et de sa guérison grâce à son imagination et à son talent de photographe. L’homme s’est en effet créé un alter ego à partir d’une figurine de 30 cm, le Capitaine Hogie, qu’il prend en photo dans des situations de guerre qu’il invente. Le génie de Robert Zemeckis est de nous faire vivre la guérison physique, mentale et psychologique de Mark Hogancamp en live action et les aventures de Hogie pendant la Deuxième Guerre mondiale en animation digitale basée sur la capture de mouvement. Les deux récits racontés en parallèle se nourrissent l’un l’autre tandis que les technologies restent au service de cette histoire de résurrection par l’art émouvante et douce-amère. Bienvenue à Marwen sort en salles ce 2 janvier.

Steve Carell incarne le photographe Mark Hogancamp

1 – Une histoire vraie

Mark Hogancamp et ses figurines

En 2000, à la sortie d’un bar de Kingston, dans l’Etat de New York, cinq hommes attaquent sauvagement Mark Hogancamp – parce qu’il a osé révéler qu’il aime porter des chaussures de femmes – et le laisse pour mort dans la rue. La chance veut qu’une femme qui rentre chez elle l’aperçoive et appelle les secours. Après neuf jours de coma artificiel et plusieurs opérations – notamment de chirurgie esthétique pour son visage – Mark Hogancamp doit réapprendre les choses basiques de la vie comme manger, marcher ou lire. Quarante-trois jours d’hôpital et de rééducation plus tard, il rentre chez lui souffrant toujours de lésions au cerveau, d’amnésie et d’un syndrome post-traumatique. Ne pouvant plus exercer ses talents de dessinateur, il se trouve une autre forme d’art – la photographie – mais conserve son sujet de prédilection – la guerre. Avec des matériaux de récupération, il construit une petite ville imaginaire de la Deuxième Guerre mondiale à l’échelle 1/6è dans son jardin. Il la baptise Marwencol – association de son prénom Mark et de ceux de Wendy et Colleen, deux femmes qu’il a aimées – et la peuple de héros et de méchants – des Action Man et des poupées Barbie – en s’inspirant de gens qui l’entourent ou qu’il a connus. Il leur invente des histoires et les fait poser dans des situations principalement de guerre pour les prendre en photo. Cette réalité alternative devient à la fois son refuge et son lieu d’évasion, son exutoire et sa thérapie.

2 – Magazine, exposition, documentaire, film…

Steve Carell et le réalisateur Robert Zemeckis

Les photos de Mark Hogancamp ont déjà fait l’objet d’une parution dans le magazine d’art Esopus et d’une exposition à New York quand le réalisateur Jeff Malmberg raconte la vie du nouveau photographe dans un documentaire, simplement titré Marwencol, qui remportera pas moins de 25 récompenses. En 2010, alors que Robert Zemeckis zappe sur les chaînes de télé américaines, il tombe par hasard sur Marwencol et voit tout de suite le potentiel pour un long métrage de fiction. Il acquiert alors les droits d’adaptation de l’histoire puis s’adjoint le talent de Caroline Thompson (Edward aux mains d’argent, Le Noël de M. Jack) afin d’écrire le scénario.

 

3 – Quand les grands esprits se rencontrent

Steve Carell interprète à la fois Mark Hogancamp et son avatar Hogie

Après avoir vu le documentaire de son côté, l’acteur Steve Carell veut également faire quelque chose de cette histoire, que ce soit en tant que comédien, producteur ou scénariste. Quand il apprend que Robert Zemeckis détient les droits, il se rapproche du réalisateur et obtient finalement le rôle principal du film. Ou plutôt les deux rôles principaux car il incarne d’une part Mark Hogancamp, le monsieur Tout-le-monde brisé, craintif, qui n’a plus aucune confiance en lui et qui est marqué tout autant physiquement que psychologiquement, et d’autre part son alter ego Hogie, le héros courageux, bravache et cool à la Steve McQueen dans La grande évasion et qui porte ses cicatrices comme des trophées. On connaissait Steve Carell bouffon dès ses débuts – et notamment dans The Office -, puis émouvant et dramatique avec entre autres Foxcatcher, on le découvre désormais étonnant en héros d’action pur et dur.

4 – Hogie et les femmes de Marwen

Marwen – future Marwencol – reflète l’état d’esprit de Mark Hogancamp et s’avère un univers manichéen où le Bien triomphe toujours du Mal. Le héros est Hogie, capitaine de l’US Air Force et véritable source d’inspiration pour Mark Hogancamp qui puise sa force et son courage dans cet Action Man de 30 cm pour s’en sortir dans le monde réel. A Marwen, Hogie est la cible constante de cruels SS et nazis – des avatars des agresseurs de Mark Hogancamp dans la vraie vie – qui le pourchassent, lui tirent dessus ou le torturent. Il est cependant toujours sauvé in extremis par les femmes commandos de Marwen au caractère bien trempé et d’une grande compassion – inspirées des amies et muses de Mark Hogancamp – et avec qui Hogie vit aussi des moments plus intimes ou romantiques.

Il y a ainsi Anna (Gwendoline Christie – Game of Thrones), son auxiliaire de vie d’origine russe ; GI Julie (Janelle Monàe – Moonlight) une jeune amputée devenue kiné qui l’a aidé lors de sa rééducation ; Roberta (Merritt Wever – Nurse Jackie) qui dans le monde réel est vendeuse dans la boutique de loisirs créatifs où Mark Hogancamp trouve son matériel ;  Suzette (Leslie Zemeckis – Le drôle de Noël de Scrooge), une résistante française et la seule qu’il n’a jamais réellement rencontrée car elle est son actrice porno préférée ; Caralala (Eiza Gonzàlez – Baby Driver) une cuisinière dans le restaurant où il travaille quelques jours par semaine ; et Nicol (Leslie Mann – Contrôle parental), la nouvelle voisine de Mark Hogancamp et la petite amie du Capitaine Hogie. Il y a enfin Deja Thoris (Diane Kruger – Tout nous sépare), la sorcière belge du village qui tente par tous les moyens de nuire à Hogie et seule poupée qui ne fait pas référence à une personne réelle mais qui symbolise tous les obstacles freinant la guérison de Mark Hogencamp.

5 – Action Man et Barbie

Leslie Mann (Nicol) et Steve Carell

Dix-sept Action Man et poupées Barbie ont été créés en vrai, à l’échelle 1/6è, afin d’être manipulées par le personnage de Mark Hogancamp pour ses photos mais aussi afin d’être scannés et répliqués dans le monde digital – et sa version filmique – du Capitaine Hogie. Ces figurines ont été traitées par l’ensemble de l’équipe de Bienvenue à Marwen comme des protagonistes à part entière, avec des dialogues, des costumes et des accessoires propres. Leur création a commencé plusieurs mois avant le début du tournage. Conçues par le superviseur des miniatures Dave Asling (Comme chiens et chats : La revanche de Kitty Galore), elles ont été modelées à partir du visage et du corps numérisés des acteurs. Les comédiens ont ainsi été choisis et leur emploi du temps bloqué huit mois avant le début du tournage. Le design des visages a été perfectionné par Bill Corso (Deadpool) qui a utilisé une nouvelle technique de maquillage numérique, rendant la ressemblance avec les acteurs étonnante. Le superviseur des effets visuels Kevin Baillie (Alliés) et son équipe les ont alors fabriquées en 3D, grâce à des impressions 3D, et peintes. Elles ont ensuite été à nouveau numérisées avec des coiffures spécialement créées par la styliste et coiffeuse Anne Morgan (Kidding). La forme initiale des figurines, comme leur long cou et leurs traits poupins, a été volontairement respectée. Leurs têtes ont été posées sur des corps aux articulations limitées, les rendant volontairement raides dans leurs poses et leurs mouvements, comme c’est le cas des poupées à l’échelle 1/6 datant de 2006, l’époque à laquelle le vrai Mark Hogancamp a peuplé Marwencol.

6 – Des costumes et des accessoires miniatures

La costumière Joanna Johnston (Alliés) a confectionné la garde-robe des figurines avant même d’avoir à sa disposition les poupées qui étaient en cours de fabrication. Pour les costumes, les figurines ne faisant que 30 cm de haut, elle partait souvent d’échantillons, de chutes ou de vêtements existants qu’elle coupait ou recoupait. La costumière avoue avoir eu beaucoup de pièces ratées à cause des formes des mannequins : poitrines et hanches voluptueuses, tailles de guêpes, jambes élancées et tous petits pieds… Elle a également travaillé dans un petit atelier de Londres, en collaboration avec la spécialiste des prothèses Janet Burns, afin de créer et réunir tous les articles miniatures dont les poupées auraient besoin : mini chaussures, mini fermetures Velcro… Pour armer les personnages de Marwen à l’époque de la Seconde Guerre mondiale, les accessoiristes ont fait des recherches sur l’armement des soldats alliés comme des soldats de l’Axe. Ils ont ensuite trouvé ou fabriqué ces accessoires à la taille des figurines. Une fois affublées de leur costume et de leurs accessoires et armes, les figurines ont à nouveau été photographiées, numérisées et reproduites dans le monde digital.

7 – Des décors plus fonctionnels que réalistes

Le Ruined Stocking Catfight Club ou le Club du bas filé et du crêpage de chignon

La vraie ville de Marwencol est un alignement de huit à dix bâtiments. Sa version filmique possède un bar, une église, une pâtisserie, un tabac, une banque, une place avec sa fontaine, plusieurs bâtiments brûlés ou en ruines et ressemble à un plateau de tournage en extérieur. Le chef décorateur Stefan Dechant (Pacific Rim : Uprising) a créé la ville à l’échelle 1/6e mais n’a pas voulu devenir esclave de cette dimension. Les fenêtres ne sont donc pas toujours conformes à la réalité, les portes n’ont pas toujours les proportions exactes et des choix ont été faits pour que les intérieurs soient plus appropriés et fonctionnels pour des figurines que fidèles à une réalité miniature. Les décors de la vraie Marwencol ont été construits pour que Mark Hogancamp puisse faire des photos mais les décors de Marwen devaient s’adapter aux besoins du cinéma. Le côté bric et broc de l’original fait d’objets de récupération et de contreplaqué a cependant été respecté. Le décor le plus élaboré est le bar de Hogie, le Ruined Stocking Catfight Club – le Club du bas filé et du crêpage de chignon. Le bar se situe au rez-de-chaussée tandis qu’à l’étage se trouve le dortoir des femmes de Marwen où chaque lit reflète la personnalité de chacune d’elles.

8 – L’animation d’un monde imaginaire

Robert Zemeckis voulait faire entrer les spectateurs dans l’univers de Mark Hogancamp et explorer la dualité entre sa réalité et son monde imaginaire. Dans la vraie vie, Mark Hogancamp se raconte les histoires de ses personnages qu’il met en scène pour ses photos. Dans le film, le réalisateur donne vie à ces personnages, ces histoires et ces photos en utilisant la capture de mouvement, une technologie dont il était le pionnier avec Le Polar Express (2004) et qu’il porte, ici, à la quasi perfection. La majorité des acteurs interprètent deux protagonistes : un de chair et de sang et un de plastique. Le défi de Bienvenue à Marwen était d’émouvoir les spectateurs, que ce soit avec l’un et l’autre. Le réalisateur a d’abord pensé construire un village sur un immense plateau et habiller les acteurs puis les traiter en post-production pour les faire ressembler à des figurines, en leur ajoutant des articulations et en leur adaptant les mensurations des Action Man et autre Barbie. Les premiers essais n’ont pas été concluant sans compter que cela se serait avéré très coûteux et laborieux à tourner. Le recours à la capture de mouvement et de jeu – qui inclut des mouvements plus subtils, comme les expressions faciales, les mouvements des mains, etc. – était donc la meilleure solution. Le réalisateur pouvait ainsi saisir les expressions faciales des acteurs et les fondre avec leurs avatars numériques tandis que les designers pouvaient créer les corps des figurines comme ils le souhaitaient. Visages et mouvements des figurines sont exactement identiques à ceux des acteurs et l’animation réussit ainsi cette gageure de conserver la rigidité et l’esthétique des poupées en plastique tout en capturant l’essence de l’humanité et des émotions des comédiens.

9 – La reconstitution des photos de Mark Hogancamp

© Mark Hogancamp

Le directeur technique de l’équipe poupées D. Martin Myatt, alias Ringo, était en charge de chorégraphier les poses et la gestuelle des figurines dans le film comme sur les photos de scènes de vie à Marwencol prises par le vrai Mark Hogancamp. L’étonnant réalisme de ses clichés 24×36 lui a valu une reconnaissance internationale et Ringo tenait à faire honneur à la minutie, au talent et à la sincérité de son travail dans la recréation de ses photos. Pour lui, il ne s’agissait pas de simplement mettre en place un tableau et de prendre des photos de poupées, mais d’insuffler des émotions et de les saisir en pleine action. Comme le vrai Mark Hogancamp, il se posait donc les mêmes questions au sujet des figurines en fonction de l’histoire qu’il voulait raconter : Comment doivent-elles être placées dans la jeep ? Quelle attitude doivent-elles avoir ? Où vont-elles ? Pourquoi se sont-elles arrêtées là ? Qu’est-ce qu’elles regardent ?

Crédit photos : © Universal