L’acteur et réalisateur Kenneth Branagh s’attaque à un classique d’Agatha Christie. Publié en 1934, Le crime de l’Orient-Express met en scène le célèbre détective belge Hercule Poirot alors qu’il enquête sur un meurtre commis dans l’Orient-Express. Le train est bloqué en pleine montagne par une avalanche et tous les passagers sont suspects. A Hercule Poirot de découvrir l’assassin. Et à Kenneth Branagh de rafraîchir une intrigue dont beaucoup connaissent déjà le dénouement. Voici sept choses qui l’ont aidé dans cette gageure. Le crime de l’Orient-Express sort en salles ce 13 décembre.
1 – A la recherche d’Hercule Poirot
Afin de construire son Hercule Poirot, Kenneth Branagh a (re)lu les 33 romans et la cinquantaine de nouvelles où le détective apparaît. Il s’est aussi fait une liste des différentes caractéristiques du personnage qu’il consultait dès qu’il en sentait le besoin pour ne pas perdre de vue le Poirot qu’il voulait interpréter.
Son détective est vulnérable, obsessif et compulsif, excentrique et sympathique. Par moments, il peut se montrer spontané et étonnamment drôle. C’est un vrai gentil. Il possède une sagacité incomparable et des facultés d’observation et de déduction incroyables. Il est aussi agile et bagarreur – le coordinateur des cascades James O’Donnell a pensé à Poirot comme à un maître d’aïkido armé d’une canne pour en faire quelqu’un de remarquable et d’intelligent dans sa façon de se battre. Ce Poirot connaît la nature humaine et s’avère profondément moral. Pour lui, il y a le bien d’un côté et le mal de l’autre, et c’est tout. A la fin de son enquête à bord de l’Orient-Express, il découvrira qu’il existe aussi autre chose entre les deux.
Pour acquérir l’accent du détective, Kenneth Branagh a écouté des enregistrements de 27 hommes belges de l’âge de Poirot s’exprimant en anglais et il a travaillé avec un répétiteur linguistique trois fois par semaine. L’acteur admet cependant avoir été incapable d’apprendre un seul mot de français. Pour compléter son personnage, neuf mois avant le début du tournage, il a essayé les premiers costumes – faits sur mesure – et pendant trois mois, il a porté les chaussures – elles aussi faites sur mesure – pour les assouplir.
2 – Le double effet moustache
Hercule Poirot est un homme méticuleux, qui aime l’ordre et la symétrie. Jusque dans sa moustache, « la plus magnifique de toute l’Angleterre », dixit Agatha Christie. Outre la fierté que lui procure cette bacchante, Poirot l’utilise comme une arme face aux suspects. Ces derniers se moquent d’elle ou sont gênés par elle, mais quoi qu’il en soit, elle les déstabilise au point qu’ils baissent leur garde, à l’avantage de Poirot. Sa moustache devait donc faire forte impression.
Kenneth Branagh a passé près de neuf mois avec Carol Hemming, la créatrice des maquillages et des coiffures, pour trouver la parfaite bacchante. Ils ont commencé avec une moustache plus fine que celle de Charlie Chaplin, puis une montante, puis une plongeante. Ils ont étudié les pilosités faciales célèbres vues dans des films, des peintures (celles de Magritte) ou des bandes dessinées (celles d’Hergé). Au final, la moustache est au poil près, fournie et quasi artistique. Apposée sur le visage de l’acteur, elle est à une distance bien précise de son nez et de son menton – orné d’une mini barbiche – et ses pointes sont à une distance bien précise de ses lobes d’oreilles. Une minutie toute « poirotesque » d’après Kenneth Branagh. Ce dernier étant aussi réalisateur, il avoue que cette protubérance pileuse s’accrochait parfois à la caméra quand il y collait son œil.
3 – Quelques menues différences
Pour surprendre les téléspectateurs qui connaissent déjà l’intrigue, le scénariste Michael Green et Kenneth Branagh ont apporté quelques différences à l’œuvre originale, toutes approuvées par Mathew Prichard, petit-fils d’Agatha Christie, et James Prichard, arrière-petit-fils d’Agatha Christie et président de la société Agatha Christie Ltd, propriétaire des droits littéraires et médiatiques des œuvres de la romancière. Ils ont ainsi modifié le début –entièrement -, la fin – juste ce qu’il faut – et quelques protagonistes. Le personnage de Greta Olson a été écarté au profit de celui de Pilar Estravados, qui apparaît dans Le Noël d’Hercule Poirot. Le directeur Bouc qui, dans le livre, a le même âge que Poirot et est Français, est devenu, dans le film, Anglais et plus jeune. Le personnage de Biniamino Marquez a été créé exprès pour alimenter le suspense et brouiller les pistes.
4 – Des costumes trompeurs
Dans Le crime de l’Orient-Express, les personnages ne portent pas les vêtements qui correspondent à ce qu’ils sont réellement. La chef costumière Alexandra Byrne a donc enquêté sur le passé de chacun d’entre eux, cherché ce qui les pousse à s’habiller de telle ou telle façon et à changer d’identité, et défini les moyens dont ils disposent afin de déterminer les costumes adéquats à chacun. Elle s’est aussi procuré de vieux catalogues d’échantillons de tissus des années 1930 pour reproduire les étoffes et conférer de l’authenticité à ses créations. 50 cm de tissu d’époque, même en très mauvais état, suffisaient pour la renseigner sur le poids et les couleurs des matières qui étaient utilisées alors.
Etonnamment, le nœud de cravate d’Hercule Poirot a été le plus difficile à créer. Trois mois d’essais ont été nécessaires pour déterminer son épaisseur et sa forme, avec différents tissus et beaucoup d’amidon. Et il fallait pouvoir le reproduire à la perfection chaque fois que Kenneth Branagh enfilait son costume.
5 – Des décors gigantesques
Le chef décorateur Jim Clay a érigé un viaduc de 200 à 300 m de large dans les Longcross Studios, en Angleterre. Dans le film, l’Orient-Express est immobilisé à cause d’une avalanche sur un viaduc instable et qui enjambe une faille étroite et trop abrupte pour que les passagers puissent s’y aventurer à pied. Jim Clay a fait appel à des ingénieurs du génie civil pour s’assurer que le train puisse être déposé par une grue sur sa construction. Son équipe et lui ont également érigé une montagne de plus de dix mètres de haut dont le sommet a ensuite été prolongé par ordinateur. Plusieurs centaines de mètres de neige poudreuse ont enfin recouvert l’ensemble. Pour faire tomber les flocons – mais sans bruit -, le superviseur des effets spéciaux Dave Watkins a inventé un système de conduits qui parcourait le plateau et générait en silence à la fois du vent et de la neige à l’extérieur des fenêtres du train.
Jim Clay et son équipe ont enfin bâti une réplique de la gare d’Istanbul sur le plus grand plateau des Longcross Studios, avec d’immenses piliers, des quais et deux voies ferrées. Les rails se poursuivaient à l’extérieur du plateau – le bâtiment est une ancienne usine de production de chars militaires doté de deux grandes portes – et sur le parking. Une partie de la route qui mène aux studios a cependant dû être fermée afin de tracter la totalité du train hors de la gare pour la scène du départ de l’Orient-Express.
6 – Un train de près de 150 tonnes
L’Orient-Express a été recréé pour le film dans les Longcross Studios, avec une locomotive de 22 tonnes, un tender d’environ 20 tonnes et quatre wagons de 25 tonnes chacun (un wagon de stockage, un wagon-lit, un wagon-restaurant et une voiture-salon). Les proportions ont été revues légèrement à la hausse afin de permettre à l’équipe de production de se déplacer librement dans les couloirs.
Le design de la locomotive est basé sur celui d’une authentique locomotive de type 4-8-4. La seule en activité étant conservée en Suisse, David Watkins et son équipe sont allés à Zurich pour récupérer le manuel original rassemblant toutes les données de construction du modèle. Si la locomotive pouvait cracher de la fumée par sa cheminée, elle ne roulait pas. Pour déplacer le train, les techniciens utilisaient deux locotracteurs diesel attachés à l’avant de la locomotive. Un second Orient-Express a été construit pour filmer uniquement les scènes intérieures avec des murs et des plafonds amovibles pour faciliter les prises de vues.
Deux immenses écrans LED fixés de part et d’autre des wagons diffusaient des images de paysages des Alpes et de la campagne européenne. En réalité, ce sont des prises de vues filmées par le directeur de la photographie Haris Zambarloukos à bord d’un train sillonnant des paysages montagneux de Nouvelle-Zélande puis montées en numérique par le superviseur des effets visuels George Murphy. L’équipe de David Watkins donnait un mouvement de tangage et de roulis au train grâce à un support placé sous le wagon composé d’un système pneumatique et hydraulique. Les secousses étaient si réelles qu’elles donnaient parfois le mal des transports aux membres des équipes technique et artistique.
7 – Le défi de tourner en 65 mm
Kenneth Branagh voulait filmer avec une pellicule de 65 mm afin d’augmenter l’effet immersif de ses images, l’atmosphère claustrophobique du train et le côté épique des paysages. Il a utilisé les quatre dernières caméras Panavision de 65 mm qui existent au monde. Le seul laboratoire qui développe ce format se trouve à Los Angeles. Mais par mesure de sécurité, le producteur exécutif Matt Jenkins a refusé d’y envoyer chaque soir les rushes du film et a donc ouvert un laboratoire à Londres, en association avec Kodak.
Le plan final du film est un plan séquence de près de cinq minutes tourné en 65 mm avec un Steadicam. Le plus long du cinéma avec ce format et cette caméra. Poirot traverse l’Orient-Express wagon après wagon, croise tous les personnages du film sur son passage, puis descend du train. Alors que l’Orient-Express repart, le plan séquence s’achève à 30 m du sol, ce qui a obligé toute l’équipe à se cacher.
Crédit photos : © 20th Century Fox
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