Le film de Daniel Kwan et Daniel Scheinert, alias les Daniels, plonge une mère de famille dans l’anarchie du multivers et la multitude de choix qui s’offrent à elle à travers ses différentes vies. Pour le spectateur, sauter d’un univers à l’autre permet de passer d’un thriller à un film d’action, puis à une comédie, pour revenir à un drame familial après un arrêt dans un film noir des années 40, de découvrir des mondes réaliste, fantastique, surnaturel, fantasmagorique ou irrationnel. Everything Everywhere All At Once donne un sentiment d’infini où tout est possible mais se fait aussi s’interroger sur ce qui compte le plus dans sa propre vie. Le film sort en salles ce 31 août.

Michelle Yeoh dans Everything Everywhere All at Once

Michelle Yeoh

L’histoire

Evelyn Wang (Michelle Yeoh), vit dans un appartement exigu au-dessus d’une laverie automatique dont elle est la propriétaire. Déjà épuisée, elle doit faire face à une montagne de paperasses dans le cadre d’un contrôle fiscal. A cela s’ajoute le stress de la venue de son père vieillissant (James Hong) et le manque de communication avec son époux Waymond (Ke Huy Quan) et sa fille Joy (Stephanie Hsu). Pendant le rendez-vous avec l’agente du fisc (Jamie Lee Curtis), un événement étrange impliquant son mari l’entraîne dans le multivers. Alors que le destin de chaque univers est entre ses mains, Evelyn se retrouve confrontée à elle-même et à ce qu’elle représente pour sa famille.

Qui sont les Daniels ?

 Daniel Kwan et Daniel Scheinert, les réalisateurs de Everything Everywhere All at Once

Daniel Kwan et Daniel Scheinert

Everything Everywhere All at Once est réalisé par Daniel Kwan et Daniel Scheinert. Les deux hommes forment le duo de cinéaste des Daniels (Swiss Army Man). Ils écrivent et réalisent ensemble depuis plus de dix ans. Ils ont commencé avec des clips musicaux, des publicités et des courts-métrages. Ils se sont ensuite lancés dans des longs métrages et des réalisations pour la télévision. Le duo a la réputation de traiter avec absurdité des histoires personnelles et sincères et de mélanger les genres. Tous deux vivent à Los Angeles, l’un entouré de son fils, et l’autre de son chien.

Everything Everywhere All at Once, c’est quoi ?

Selon les Daniels, il y a plusieurs réponses pour décrire Everything Everywhere All at Once. Ce serait un drame familial, un film de science-fiction ou encore une histoire philosophique. Avec du kung-fu, des voyages dans les univers multidimensionnels – comme dans Doctor Strange in the Multiverse of Madness mais en nettement plus déjanté -, la complexité des fossés générationnels renforcée par l’arrivée de l’ère numérique ou encore Michelle Yeoh qui essaie de déclarer ses impôts. 

Des doigts en hot dog

Michelle Yeoh

Les Daniels sont fans de Matrix et de Fight Club mais préfèrent l’action à la violence et ont voulu utiliser cette énergie afin de parler d’amour et de tolérance dans Everything Everywhere All at Once. “L’une des choses que nous préférons, c’est faire en sorte que les gens ressentent quelque chose tout en regardant quelque chose d’absurde,” déclare Daniel Scheinert. “On ressent des choses en ayant en même temps l’impression d’être victimes d’une mauvaise blague.” Cela inclut des scènes où Michelle Yeoh et Jamie Lee Curtis ont des saucisses pour doigts… 

Daniel Kwan, atteint d’un TDAH

Evelyn est une femme atteinte du TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) non diagnostiqué. Ce trouble la rend particulièrement apte à accéder aux autres univers. Au cours de ses recherches sur le sujet, Daniel Kwan a découvert qu’il en souffrait aussi. Ce qui lui a donné une nouvelle compréhension de lui-même et de son enfance. Cela a également changé sa vision d’Evelyn et de sa propre mère. Il s’est en effet inspiré de sa maman pour créer le personnage. “Pendant une grande partie de ma vie, j’ai éprouvé ce sentiment écrasant de vouloir faire tant de choses, mais de ne pouvoir en faire aucune,” explique le réalisateur. Evelyn est l’élue car elle est la version la plus ratée de toutes ses personnalités potentielles. “Cela lui donne des superpouvoirs,” affirme Daniel Kwan. “Elle est surtout distraite par toutes ces vies qu’elle aurait souhaité mener,” remarque Daniel Scheinert.

Stephanie Hsu, Ke Huy Quan, Michelle Yeoh et James Hong dans Everything Everywhere All at Once

Stephanie Hsu, Ke Huy Quan, Michelle Yeoh et James Hong

Michelle  Yeoh a remplacé Jackie Chan

Pour Everything Everywhere All at Once, les Daniels souhaitaient avoir Jackie Chan en tête d’affiche. La collaboration n’a pas pu se faire pour diverses raisons. Lorsqu’ils ont repris le scénario, ils ont pensé à Michelle Yeoh pour jouer la mère. Un déclic s’est alors produit. “J’ai alors vraiment eu l’impression que le scénario prenait vie,” raconte Daniel Scheinert. “C’est devenu limite effrayant parce que nous ne pouvions pas imaginer quelqu’un d’autre à sa place si elle disait non.” “Je pense que c’est un type de rôle que personne encore lui a confié, parce que les acteurs sont facilement catalogués,” reprend Daniel Kwan. “On me confie toujours le rôle le plus sérieux,” reconnaît Yeoh. “Vous savez, celui qui ramène la raison dans votre vie et vous fait comprendre ce qui est important, ce qui est profond et merveilleux, et bla, bla, bla…

Hollywood ne peut se défaire de l’idée que Michelle Yeoh est une sorte de figure imposante et royale. Son assistante était très contrariée les premiers jours du tournage, en voyant la comédienne débraillée et avec des cheveux gris. “Vous ne pouvez pas la faire ressembler à ça,” criait-elle. “Ce n’est pas à ça que ressemble Michelle. Ne faites pas ça !” “Je me demande à quoi aurait ressemblé ma carrière si j’avais fait Everything Everywhere All at Once il y a longtemps,” confie Michelle Yeoh. “J’adore travailler avec des réalisateurs plus jeunes parce qu’ils ne vous voient pas de manière conventionnelle. Ils veulent voir plus loin que ce qu’il y a en surface et vous proposer des choses folles.

Le retour de Demi-Lune

Ke Huy Quan

Le personnage de Waymond, le mari d’Evelyn dans sa réalité et un héros d’action dans le multivers, marque le retour de Ke Huy Quan. Le comédien a incarné les inoubliables Demi-Lune dans Indiana Jones et le Temple Maudit, il avait alors 12 ans, et Data dans Les Goonies. Après ses deux rôles emblématiques, Ke Huy Quan a peiné à trouver du travail en tant que jeune acteur asiatique. Devenu adulte, il a été engagé comme chorégraphe de combats sur X-Men de Bryan Singer et The One de James Wong. Il a également suivi les cours de l’école de cinéma d’USC. Il est ensuite resté en grande partie derrière la caméra. Ke Huy Quan a notamment officié en tant qu’assistant-réalisateur et chorégraphe de Wong Kar Wai sur 2046. Puis, il a quitté Hollywood pendant des décennies.

En découvrant le succès du film Crazy Rich Asians de Jon M. Chu en 2018, au casting entièrement asiatique, il a envisagé de reprendre le métier. “En voyant ce film, je me suis dit que si je voulais revenir, c’était le moment, car les temps ont changé,” se souvient l’artiste de 51 ans. Peu après, il a demandé à un ami d’être son agent. Une semaine plus tard, il recevait un appel pour une audition. “Le timing était tout simplement impeccable,” sourit l’acteur. “J’étais super nerveux. Je n’avais pas auditionné depuis plus de 25 ans.” Daniel Kwan venait de tomber sur une référence de Ke Huy Quan sur Internet. Il s’est demandé où il était passé, puis a envoyé une demande presque par hasard. “Une boule d’énergie douce,” dixit Daniel Scheinert, bon acteur, de l’âge adéquat, bilingue, expert en arts martiaux : Ke Huy Quan était parfait pour Waymond.

Jamie Lee Curtis dans Everything Everywhere All at Once

Jamie Lee Curtis

Un style de combat unique

Sous la direction du coordinateur des cascades Timothy Eulich, Andy et Brian Le, frères et chorégraphes de combat, ont créé un style de combat unique que les Daniels souhaitaient instaurer pour les scènes d’action de Everything Everywhere All at Once : moins de brutalité que dans la plupart des films d’action hollywoodiens, plus de liberté et de jeu dans le style de combat hongkongais, dans lequel Michelle Yeoh s’est d’abord faite connaître. Cela donne une action stylisée axée sur les personnages. Dans ces chorégraphies, les actrices et les acteurs utilisent autant le décor et ses accessoires que leurs poings et leurs pieds. Le sac banane fait office de lasso et de fouet, les objets de bureaux (statuettes à la forme phallique, barre en fer…) connectent les protagonistes à leurs différentes versions du multivers.

Crédit photos : © A24