Ben Whishaw incarne un jeune médecin exerçant dans un hôpital public britannique dans la série “This Is Going to Hurt” (Ça va faire mal, en français), adaptée du livre éponyme d’Adam Kay qui raconte sa vie de docteur de 2004 à 2010. L’acteur de 41 ans a récemment joué dans A Very English Scandal aux côtés de Hugh Grant et tient le rôle de Q dans les derniers James Bond, dont Mourir peut attendre. Pour lui, “This Is Going to Hurt” est une lettre d’amour au système de santé publique britannique et ses soignants qui ne cherche pas pour autant à en adoucir la dure réalité. Canal+ diffusent les sept épisodes de la série à partir de ce 31 mars.

Ben Whishaw

Pourquoi avez-vous accepté de jouer dans “This Is Going to Hurt” ?

Lorsque j’ai reçu le scénario et que j’ai rencontré Adam Kay, il m’a dit qu’il voulait que ce soit une lettre d’amour au National Health Service (NHS, le système de santé publique britannique). Et j’ai pensé que c’était important. Et il l’a fait brillamment. C’est une lettre d’amour, mais elle n’hésite pas à montrer la réalité de la vie d’un jeune médecin dans le NHS. Il a cette sorte d’authenticité et d’honnêteté qui m’a vraiment frappée. Je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit d’inventé dans cette série. Peut-être que certaines choses ont été intensifiées un tout petit peu, mais pas tant que ça. J’ai eu l’impression que c’était quelque chose de vécu de l’intérieur, pas seulement observé. Et si je suis honnête, il est important pour moi que des personnages gays soient au centre d’une histoire. Et c’est aussi ce qui m’a attiré. Il ne s’agit pas spécialement de l’homosexualité du personnage, bien que ce soit un élément de l’histoire, mais j’ai été attiré par ça aussi. Adam voulait aussi que la série ait une sorte de conscience sociale, ce qui est évident, mais également un impact social. Et j’ai senti que c’était important aussi.

Ambika Mod et Ben Whishaw

Comment vous êtes-vous préparé pour le rôle ?

Ambika Mod, qui joue le rôle d’un autre médecin, et moi avons reçu des leçons de trois consultants. Ils sont venus superviser toute la série et ils nous ont appris à faire une césarienne et d’autres choses de base comme l’utilisation de forceps et comment faire des sutures. Bien sûr, on ne s’est exercé que sur des corps artificiels. (Rires) Ces trois médecins ont été très utiles dans tous les sens du terme. Ils travaillent actuellement dans le NHS, en première ligne, et ils venaient nous voir pendant leurs congés. À un moment, on espérait pouvoir aller dans un hôpital et observer. Mais bien sûr, à cause de la COVID, ce n’était pas possible. Et puis Adam Kay, lui-même, a été très utile. On raconte sa vie et son histoire. Il nous a donc beaucoup aidés.

Avez-vous aussi appris à tricoter ? [Son personnage tricote pour se relaxer.]

Oui. C’était plus important que tout le reste, en fait. (Rires)

La série mélange le drame et l’humour noir. Y avait-il une ligne que vous ne vouliez pas franchir ?

C’était une question que tout le monde se posait, sur la façon de gérer le ton, ou les différents éléments de la série. Mais pour moi, cet humour émane plus des gens qui vivent une situation vraiment difficile. Ils utilisent l’humour pour se protéger. Par rapport au livre, c’est aussi différent quand vous montrez réellement des grossesses et des bébés. Vous voyez les enjeux, très élevés. On a dû être prudent dans cet équilibre, c’est certain.

Pensez-vous que l’histoire de l’œuf Kinder est vraie ? [Adam trouve ce petit objet dans un endroit pour le moins surprenant.]

Oui. Je pense que toutes les histoires sont vraies. Même si Adam ne les a pas vécues directement, je pense qu’elles sont toutes vraies.

Ce qui m’a le plus choqué, et j’ai honte de l’admettre, c’est d’en apprendre davantage sur l’accouchement et sur ce que vivent les femmes. Je ne le savais pas, et je révèle ici mon ignorance. Je pense que beaucoup d’hommes ne le savent pas. J’ai toujours énormément respecté les femmes et j’ai l’impression que plus encore aujourd’hui. (Rires) J’ai encore plus de respect pour ma mère. C’est extraordinaire de l’admettre, mais c’est vraiment le cas. Ce n’est pas quelque chose dont on parle. Si les hommes vivaient ce que les femmes vivent, en donnant naissance, on en saurait tous beaucoup plus et on en parlerait alors beaucoup plus. (Rires) Pour les femmes qui ont accouché, ce n’est pas choquant du tout, mais ça l’était pour moi.

Ne trouvez-vous pas que les personnages sont désagréables ?

Mon Dieu, je pense que c’est trop demander aux gens d’être agréables tout le temps. (Rires) Notamment quand ils sauvent des vies. Le but est de comprendre les gens qui travaillent dans des conditions extrêmes. J’ai toujours essayé de trouver un équilibre entre l’honnêteté de ce qui est écrit sur la page et la création d’un personnage sympathique. J’ai demandé à la réalisatrice, la brillante Lucy Forbes, et sa réponde est qu’il n’y a pas de filtre. Ces gens n’ont littéralement pas le temps de filtrer quoi que ce soit. Ils sont trop stressés, trop épuisés. Les conditions ne sont pas propices à être polis et gentils les uns envers les autres. Alors les gens parlent sans ménagement, assez durement. Mais, encore une fois, c’est juste une sorte d’humour. L’humour noir est un mécanisme de défense. C’est le mieux qu’ils peuvent faire. Il est toujours important, dans les drames, de montrer que les gens ne sont pas seulement bons, nobles et héroïques, mais aussi imparfaits, colériques, irritables, cruels. Cela fait partie de la nature humaine. Il est important de le montrer, sinon, nous vivons dans une sorte de fantasme de ce que sont les gens et nous ne voyons pas la réalité.

Je pense que oui. Je suis content que vous ayez senti cela, car je pense que ce qui se passe à la fin du premier épisode choque Adam profondément. Et cela pourrait soit le conduire à un effondrement total, mental, émotionnel, soit à une sorte de changement, une sorte de réveil. Nous découvrons son évolution au cours des sept épisodes.

Ben Whishaw et Adam Kay (©Matt Holyoak pour The Sunday Times magazine)