Elle est LA pionnière du cinéma. Première réalisatrice, Alice Guy a aussi été la première femme à posséder et diriger un studio de cinéma. Visionnaire, elle n’a cessé d’innover dans le 7ème art. Elle est pourtant tombée dans l’oubli. Son tout premier film, le court métrage La Fée aux choux, est sorti il y a 125 ans, le 31 mars 1896.

Première femme cinéaste

Alors secrétaire de direction chez Gaumont, Alice Guy assiste à la première projection du film des frères Lumière, La Sortie de l’usine Lumière à Lyon (1895). Consciente du potentiel de cette technologie, elle s’essaye à l’exercice avec la bénédiction de Léon Gaumont. Il pense à l’époque que « le cinéma est une affaire de jeune fille ». Alice écrit et réalise son premier film de fiction en 1896, La Fée aux choux, d’une durée d’1 mn. Elle a 23 ans.

De l’inventivité à revendre

De 1902 à 1906, Alice Guy dirige la production d’une centaine de phonoscènes, des films de cinéma synchronisés à un enregistrement phonographique. Ils montrent des chanteurs immortalisés grâce au chronophone de Georges Demenÿ. Ce sont les premiers vidéo clips. Elle met en scène le tout premier making of, Alice tourne un phonoscène (1905). En 1906, dans ce monde de courts métrages d’1 à 2 mn, elle réalise le premier long – et le premier péplum – La Vie du Christ (33 mn). Elle colorise ses négatifs et donne naissance aux premiers films en couleurs. Elle réalise A Fool and his money (1912), le premier film joué uniquement par des acteurs afro-américains.

Première productrice

Dès 1896, Alice Guy est en charge de la production des films de fiction de la Gaumont. Elle établit le style de la maison et découvre des réalisateurs comme Ferdinand Zecca ou Louis Feuillade. En 1907, elle épouse Herbert Blaché, cadreur chez Gaumont, et adopte le patronyme composé Guy- Blaché. Expatriée à New York pour commercialiser le chronophone – un flop -, elle retourne à la réalisation. Elle crée alors sa société de production Solax Film Co en 1910 puis ses studios de cinéma et enfin sa compagnie d’acteurs, Solax Stock.

Tombée dans l’oubli

Son ultime réalisation, Une Ame à la dérive, date de 1920. Un titre prémonitoire. L’insuccès de ses derniers films, la concurrence des studios d’Hollywood, la mauvaise gestion de Solax Film et un divorce la mènent à tout vendre en 1922. Rentrée en France, Alice Guy-Blaché ne retrouvera jamais du travail. Du millier de ses films, il n’en reste qu’une centaine. Certains ont été attribués à d’autres. Elle est ignorée dans les livres d’histoire du cinéma – dont celui de Léon Gaumont.

Enfin reconnue, ou presque

Alice Guy-Blaché a reçu la Légion d’honneur en 1953. Quand elle meurt en 1968, elle est toujours quasi inconnue. En 2011, la Directors Guild of America lui attribue un Special Directorial Award for Lifetime Achievement. Il était temps.