La versatilité d’Hugo Weaving, un des acteurs fétiches de Peter Jackson, n’est plus à prouver que ce soit au cinéma, au théâtre ou à la télévision. Il reste cependant surtout connu pour avoir incarné l’Agent Smith dans les Matrix et l’elfe Elrond dans les Seigneur des anneaux et autre Hobbit. Il incarne avec un grand machiavélisme un des méchants de Mortal Engines. Le film sort en salles ce 12 décembre.

Hugo Weaving

Qui est votre personnage, Thaddeus Valentine ?

Il est présenté d’une certaine façon aux spectateurs puis nous découvrons sa vraie nature au fur et à mesure de l’histoire. Il a plusieurs facettes. Mais en gros, c’est un archéologue et un homme qui réfléchit au futur. Il comprend que le monde dans lequel il vit est en train de disparaître. Le tractionnisme [doctrine de ceux qui croient aux locomopoles et au darwinisme municipal] est un système qui va probablement mourir. Il imagine donc le monde de l’avenir et essaye de propulser Londres dans le futur plutôt que de s’accrocher à un passé qui se fane. C’est un aventurier. Et l’idée que des gens doivent mourir pour un futur plus radieux ne l’effraye pas. (Sourire)

Est-ce un personnage que les spectateurs vont aimer ou détester ?

Il va loin pour changer le monde. C’est à la fois admirable et incroyablement destructif. Il a vraiment le désir de changer le système. Vous pouvez admirer ça parce que le monde n’est pas un endroit nécessairement accueillant mais d’un autre côté, le fait qu’il soit prêt à détruire tant de chose pour y parvenir vous incite à vous poser des questions à son sujet.

Hugo Weaving, Robert Sheehan et Leila George

Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet ?

Quand j’ai lu le scénario, j’ai pensé que c’était une grande aventure. Connaissant le département artistique de Peter Jackson, je savais qu’ils réaliseraient ce monde de façon étonnante. Et j’étais intéressé par le fait que les archéologues de ce monde étudient le passé pour redonner vie aux technologies perdues. Ils créent activement le futur. J’aime l’idée de ces deux mondes divisés, entre les tractionnistes et les anti-tractionnistes, et le jeu politique et le conflit qui existent entre ces deux forces.

N’avez-vous pas le sentiment d’être souvent choisi pour jouer les méchants ?

Les gens vous voient différemment en fonction des films que vous avez faits et des films qu’ils ont vus. Il est clair que je ne joue pas que des méchants et que j’aime jouer toute une variété de rôles, que ce soit au cinéma ou au théâtre. Mais je ne regarde pas un personnage comme étant bon ou mauvais, héroïque ou méchant, car ces caractéristiques dépendent du film.

Est-ce plus difficile de jouer un méchant dans un film familial ?

D’une certaine façon oui, parce qu’il existe des complexités psychologiques, des nuances et des ambiguïtés dans la vie que vous êtes obligé de minimiser ou que vous tentez de minimiser dans un film pour un public plus jeune. Votre personnage risque d’être moins complexe, moins ambigu et posséder moins de contradictions. Le plus délicat pour moi est de faire vivre un protagoniste dans une narration plus simple. Mais quand j’avais 13-14 ans, j’aimais ces films pleins d’ambiguïtés. Vous devez au jeune public de présenter la complexité du monde plutôt que sa simplicité.

Avez-vous travaillé en vous basant seulement sur le scénario ou avez-vous aussi lu les livres de Philip Reeve ?

J’ai lu les deux. Je n’ai lu que le premier livre et non les quatre car les trois autres racontent une autre histoire, ce n’était donc pas pertinent de les lire. Quand le scénario est arrivé, j’ai pensé qu’il était préférable de commencer le livre afin de saisir le monde du roman. J’en ai lu un quart puis j’ai lu le scénario puis j’ai lu le reste du roman. J’ai alors réalisé que le livre et le scénario étaient assez différents. Je savais qu’ils le seraient mais je ne voulais pas garder le livre à l’esprit. Je voulais les détails du scénario et une vue générale du monde du livre dans ma tête. Vous devez faire attention à raconter l’histoire écrite dans le scénario et non dans le livre.

Christian Rivers et Hugo Weaving

Qu’aimez-vous dans le fait de travailler avec Peter Jackson et son équipe ?

Peter Jackson a une façon unique de faire des films. Tout comme Christian Rivers, d’ailleurs. Ce groupe de gens a une manière bien à eux de travailler. Ils vous donnent l’impression qu’il existe un aspect familial dans leur processus. Vous développez aussi une manière plus rapide de communiquer. Vous les connaissez et pour pouvez leur parler. Vous pouvez discuter de certains problèmes avec eux et les régler avec eux. C’est un processus collaboratif mais en même temps vous avez une hiérarchie pyramidale tout en ayant ce sentiment d’appartenir à une famille. C’est contradictoire. Vous avez le sentiment de travailler sur un petit film maison mais aussi sur un film à gros budget. Il n’y a qu’ici que j’ai ce sentiment. Cela rien à voir avec l’ampleur du projet mais avec les gens.

Comment voyez-vous votre évolution en tant qu’acteur ?

J’espère que, comme dans n’importe quel métier, je m’améliore en vieillissant, en l’exerçant et en le faisant de plus en plus. J’ai appris à connaître mon comportement, mon propre processus de penser et comment les autres font ce métier. Plus vous avez d’expérience, meilleur acteur vous êtes. Prenez Tchekhov par exemple. Il a écrit des personnages qui requièrent un acteur de 20 ou 25 ans alors qu’un homme de 40 ans les jouerait mieux. Sans aucun doute. Le travail de Tchekhov est imprégné d’une grande compréhension de l’humanité. Il était un auteur formidable parce qu’il était médecin et qu’il comprenait le comportement humain. Finalement plus vous vieillissez et plus vous êtes capable de jouer les rôles de jeunes que vous ne pouvez plus jouer. (Sourire)

Article paru dans L’Ecran fantastique – N°403 – Décembre 2018

Crédit photos : © Universal Pictures / MRC