Ces dernières années, l’acteur a été partout. A la télé dans des séries comme Engrenages, Les Hommes de l’ombre, Mr. Selfridge. Au cinéma dans des films comme World War Z ou Jamais le premier soir. Il a plus de 15 ans de carrière et pourtant il avoue commencer seulement à connaître son métier.

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Vous revenez dans la saison 5 d’Engrenages, comment vous êtes-vous replongé dans ce personnage, l’avocat Pierre Clément, plus de deux ans après l’avoir quitté ?

Grégory Fitoussi : Il suffit que j’enfile mon costume. Il y a comme une mémoire sensorielle du personnage. J’ai accumulé tant d’infos sur le personnage quand je l’ai appréhendé, au début de la série, qu’après cinq saisons, c’est instantané, comme une évidence.

Vous devez aimer votre personnage pour l’interpréter ou cela n’a pas d’importance ?

J’ai eu beaucoup de mal à l’aimer au début. Je le trouvais tête à claques, emprunté, peu sûr de lui. Il avait un balai dans le c…, j’avais envie de lui mettre une tarte dans la g… et de lui dire : « Réveille-toi ! Sois un homme ! ». Instinctivement, j’avais envie d’aller à l’inverse de ce qui était écrit. J’ai réussi à me convaincre après quelques discussions avec moi-même (rires) et j’ai décidé d’être honnête avec ce qui était proposé sur le papier. Mais non, ce n’est pas indispensable de l’aimer. En revanche, c’est indispensable de ne pas le juger. J’ai pris plaisir à le jouer comme ça, à l’accepter comme ça, à être honnête avec lui et à ne pas le trahir. Le but du jeu est de s’effacer, de ne pas laisser parler son ego.

gregory_5Dans cette saison 5, un enfant est assassiné. Cela a dû avoir une résonance particulière pour tout le monde. Qu’en est-il pour vous ?

Côté affect ? Je ne me pose pas la question en ces termes. J’essaye dans la mesure du possible de me poser les mêmes questions que mon personnage. Je ne veux pas travailler sur ce que mon personnage ne sait pas ou sur ce qui ne le concerne pas. Cela peut passer pour de la fainéantise d’acteur mais je ne veux m’intéresser qu’à ce qui intéresse mon personnage. C’est un avocat, il a plusieurs dossiers et il ne peut s’attacher émotionnellement à tous ses clients. Malgré tout, il défend le père de la victime et c’est vrai qu’il va compatir à sa détresse. Cet homme va le toucher plus que l’affaire elle-même. Il va se mettre à sa place et il va alors avoir du mal à le défendre.

La famille semble être le thème principal de cette saison. La famille que l’on a mais surtout la famille que l’on se crée autour de soi. Vous confirmez ?

Je dirais plus les rapports humains en général. C’est en ça que cette série est intéressante. Ces personnages sont complexes, denses et surtout humains. Ou déshumanisés sur certaines choses mais ils restent très terriens, très ancrés dans la vraie vie. Ils ne sont pas faits d’un bloc, ils ne sont ni bons ni mauvais, ils sont changeants selon les situations. Comme dans la vie.

Cette saison 5 a-t-elle une particularité ?

Les six personnages principaux se retrouvent sur une seule et même affaire qui va avoir énormément d’arborescence et de chemins différents. On avait un peu perdu ce concept dans les saisons 3 et 4. En dehors de ça, un concours de circonstances fait qu’ils sont encore embringués malgré eux dans des histoires pas possibles (sourire).

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Etre acteur, c’est un rêve de gosse ?

Grégory Fitoussi : Oui. En tout cas, le cinéma était une passion de gosse. J’ai rêvé d’être tous les personnages que je voyais mais ce n’était pas conscient. Je ne connaissais personne dans le métier, je ne savais pas comment y accéder et je n’y pensais pas vraiment. Je voulais juste me rapprocher du monde du cinéma d’une façon ou d’une autre. Après, la vie et les concours de circonstance ont fait que j’ai vu que c’était possible, que j’avais des qualités pour faire ça. Mais il m’a fallu beaucoup de temps pour admettre que je pouvais être acteur. Au début, je ne pensais pas que ça durerait et que j’en ferai mon métier. C’était un rêve inaccessible mais ça m’a aussi donné une vision assez saine, je sais que ça peut s’arrêter du jour au lendemain. J’aime l’idée que ce soit ma passion mais pas toute ma vie.

Et aujourd’hui, c’est encore un rêve ou vous êtes réveillé ?

Un rêve ! J’ai beaucoup d’ambition, j’ai envie de faire plein de choses. Mon apprentissage a été très long, j’avais une grande marge de progression (rires). J’ai l’impression de seulement commencer à connaître mon métier, à avoir la maturité pour devenir intéressant. J’ai envie d’être plus audacieux.

gregory_4Vous vous partagez entre la télé et le cinéma mais vous semblez plus vous épanouir dans les séries que dans les films.

Parce que la télé m’offre des rôles plus riches et plus intéressants. Au cinéma, je ne fais que quelques incursions à droite et à gauche pour des rôles peu importants et peu fouillés. On ne m’a pas encore proposé de rôles intéressants. Ce sont aussi souvent des personnages que j’ai déjà joués.

C’est pour ça que vous tournez à l’étranger, parce que vous vous sentez à l’étroit en France ?

Non, cela s’est fait naturellement. Quand la série Engrenages a été diffusée en Angleterre, un agent anglais m’a repéré et a voulu me représenter là-bas. C’est vrai que j’ai toujours été excité à l’idée de jouer en anglais et j’adore le cinéma anglo-saxon. Mais ce sont des expériences ponctuelles. Mon personnage dans Mr. Selfridge est cependant devenu un vrai rôle qui m’a permis de me détendre par rapport à l’anglais. Jouer en anglais est difficile mais enrichissant. C’est à chaque fois un nouveau challenge.

World War Z a été un succès planétaire. Sentez-vous qu’il y a eu un avant et un après pour vous ?

Non. Ce qui reste de ce que j’ai fait dans le film n’est pas assez important pour changer ce qui m’arrive. C’est aussi plus significatif pour les Américains que pour les Français d’avoir joué dans un film qui a rapporté autant d’argent. Cela les rassure et cela facilite les choses pour les projets suivants mais ça ne change rien fondamentalement à court terme.

Articles parus dans Studio Ciné Live – N°64 – Novembre 2014 & dans Azimut – Hiver 2014-2015

Crédit photo : © Caroline Dubois / Son et Lumière / Canal+

 

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