Après avoir dépoussiéré Sherlock Holmes, Guy Ritchie s’attaque aux Agents très spéciaux, série culte des années 60. Avec Superman et Lone Ranger dans les rôles principaux. Pas moins. Visite sur le tournage, à Leavesden, en Angleterre, à l’automne 2014.

Henry Cavill, Armie Hammer et Guy Ritchie

Henry Cavill a les mains dans les poches. Il est suspendu à un filin, dans le vide, à 5 mètres du sol, et il a les mains dans les poches. Il vient de faire une descente en tyrolienne et un treuil le remonte lentement le long d’un câble fixé entre deux grues. Il attend que ça se passe. Son costume trois pièces ne fait pas un pli. Sa co-star Alicia Vikander est moins tranquille et agrippe des deux mains le filin qui relie son harnais au treuil. « Tout est dans le confort du harnais, expliquera plus tard Henry Cavill. Si le harnais vous gêne, c’est qu’il y a quelque chose qui cloche quelque part. » Comme d’être mal attaché ? Ce n’est pourtant pas le harnais qui semble déranger Alicia Vikander mais le treuil qu’elle regarde d’un œil dubitatif. Le manque d’habitude. Henry Cavill, lui, est rodé. Les câbles et le vide, il connaît. Il est Superman dans une autre franchise.

Henry Cavill et Armie Hammer

Ici, il est Napoleon Solo, agent de la CIA. « Un agent de la CIA réticent, sourit le comédien. C’est un ancien escroc que la CIA a fait chanter pour le recruter. Mais il est doué dans ce qu’il fait et l’Agence sait qu’il peut lui être très utile. » Il est à Berlin-Est pour faire passer à l’Ouest Gaby Teller, sa seule piste pour retrouver un scientifique allemand lié à un trafic d’armes nucléaires et disparu depuis peu. L’action se passe en 1963, en pleine Guerre froide, et les Russes courent aussi après le scientifique et donc après Gaby. Et notamment Illya Kuryakin, agent du KGB. « Un espion pur jus, précise son interprète Armie Hammer. Etre un agent du KGB, c’est sa vie. Il n’enfreint jamais les règles et il est très traditionnel quand il s’agit d’espionnage… » Il aime donc par-dessus tout dézinguer les Yankees comme Napoleon Solo. Ce n’est qu’après avoir essayé de le tuer qu’ils vont devenir potes.

Les agents très spéciaux sont de retour

Napoleon Solo et Illya Kuryakin sont les personnages principaux de la série culte des années 60, The Man from U.N.C.L.E. (Des agents très spéciaux en français). A l’époque, ils étaient incarnés par Robert Vaughn et David McCallum. Warner a eu la bonne idée d’en confier l’adaptation cinématographique à Guy Ritchie qui a déjà fait des merveilles avec un autre duo, Sherlock Holmes et John Watson. « Je ne me souvenais pas d’un épisode de la série en particulier mais je me rappelais le ton de la série, avoue le réalisateur. Cela a suffi pour m’enthousiasmer d’un point de vue créatif. Comme avec Sherlock Holmes, je n’ai pas cherché à en faire un film contemporain. J’aime les films d’époque pour l’univers qu’ils me permettent de créer. C’est pour ça que je n’aime pas les James Bond d’aujourd’hui, parce qu’ils sont contemporains. Ils ne correspondent pas à mon esthétique. »

Guy Ritchie

Au début du projet, Tom Cruise incarne Napoleon Solo. Le comédien changera cependant d’avis préférant reprendre son rôle d’Ethan Hunt dans Mission : Impossible 5. « Avec Tom, j’avais inventé une différence d’âge entre les deux protagonistes qui me permettait toutes sortes de disputes entre eux, continue Guy Ritchie. Quand il s’est retiré du projet, mon choix s’est tout de suite porté sur Henry Cavill. Il avait auditionné pour le rôle d’Illya Kuryakin mais je ne pouvais pas avoir deux bruns dans mon histoire. Je voulais un brun et un blond. J’imagine que ce prérequis vient de la série originelle. Finalement, Henry est devenu Solo face à Armie Hammer qui était déjà Kuryakin. Cela ne m’a ensuite pris que dix minutes pour créer une nouvelle dynamique entre les deux personnages. »

Berlin-Est est en Angleterre

Après trois semaines de tournage en Italie en septembre 2014, la production des Agents très spéciaux – Code U.N.C.L.E. a débarqué en Angleterre. D’abord au circuit automobile de Goodwood – il paraît que le méchant Alexander, joué par l’Italien Luca Calvani, est un amateur de voitures rapides – puis Hankley Common – un terrain communal qui a déjà accueilli trois James Bond et le Doctor Who – avant de s’installer dans les studios de la Warner, à Leavesden, jusqu’à la fin des prises de vues, début décembre.

Le « cirque » est parqué sur un terrain boueux à une centaine de mètres des plateaux où se sont tournés tous les Harry Potter et du bâtiment du Warner Bros Studio Tour: The Making of Harry Potter. De grandes plaques de métal permettent aux véhicules de ne pas s’enliser pour l’atteindre. Les caravanes, chapiteaux et tentes se voient de loin mais il suffit de suivre les projecteurs pour trouver le décor extérieur de la séquence d’ouverture du film : le toit d’une maison est-allemande avec ses cheminées, ses grues et ses écrans verts. Il fait nuit, froid et il tombe une pluie fine. Certains techniciens portent des doudounes. D’autres sont en bermudas. La mode anglaise côtoie la mode californienne.

Poursuivis par Illya Kuryakin, Napoleon Solo et Gaby Teller sont coincés sur le toit de la maison. Ils n’ont d’autres choix que de rejoindre le sol grâce à une tyrolienne. Henry Cavill et Alicia Vikander s’apprêtent à faire leur deuxième descente. Elle s’accroche à lui. Les câbles sont si tendus qu’ils sont sur la pointe des pieds. A « Action ! », le treuil les fait glisser le long du câble avant de freiner leur atterrissage sur des tapis bleus. Vu de loin, cela paraît trop facile. Et décevant. Le danger semble inexistant. La vitesse de la descente est légèrement accélérée à chaque nouvelle prise mais rien n’y fait. Quand le tour d’Armie Hammer arrive, le freinage est tel la première fois qu’il s’arrête avant même de toucher les tapis. Son harnais est fixé dans le dos et il remonte les bras ballants avec à la main son faux blouson roulé en boudin qui lui sert à cacher le treuil. A la deuxième prise, il touche les tapis mais c’est encore difficile d’y croire. La magie du montage et des effets visuels fera la blague dans le résultat final.

Une complicité à l’écran et à la ville

Henry Cavill et Armie Hammer

Alors que les techniciens préparent le contre-champ, Henry Cavill et Armie Hammer retrouvent la presse. Le premier a attendu le second pour la table ronde. La complicité de leurs personnages étant au cœur du film, ils doivent la vendre aux journalistes. Et cela fonctionne. Les deux acteurs se chamaillent, se taquinent, finissent chacun les phrases de l’autre, se jettent des petits regards amusés… Ce n’est pas une façade. Ils sont surtout tous deux de bonne composition face aux questions des journalistes. Ainsi, face à une Japonaise qui a appris qu’un seul des deux sera torse nu dans le film et qui voulait savoir lequel – oui, il y a encore des journalistes qui posent ce genre de questions – Cavill a ri poliment et Hammer a répondu qu’ils allaient tirer à pile ou face.

En 10 minutes de table ronde, peu sera dit sur le film, les personnages et le travail de Guy Ritchie. En revanche, nous apprendrons que Cavill n’est un voleur qu’à l’écran et qu’il ne compte donc pas piquer la montre que son personnage porte ; ni Cavill ni Hammer ne portent leurs costumes des années 60 dans la vie de tous les jours parce qu’ils font un peu datés ; Cavill a adoré la cuisine italienne pendant le tournage en Italie ; Hammer n’a pas un meilleur accent russe que David McCallum dans la série, il est juste différent ; dans la vraie vie, Cavill n’achèterait jamais une Vespa et Hammer ne monterait jamais derrière lui. Votre mission, si vous l’acceptez, est d’imaginer les questions qui ont valu ces réponses.

Alicia Vikander, Armie Hammer et Hanry Cavill

Mais au moins les deux acteurs parlent. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde. La consigne est de ne rien laisser filtrer. Ou presque. Questionné discrètement sur les gadgets, dont la série est plus truffée qu’un gruyère de trous, le chef décorateur Oliver Scholl admet du bout des lèvres : « On fait référence à une certaine arme… » Le pistolet spécial ? Celui que Solo transforme en carabine ? « … mais notre histoire se passe avant la série, ce n’est donc pas la même. » Mais alors, et le stylo émetteur-récepteur ? La scie électrique dans la chaussure ? Non ? Il éclate d’un rire énigmatique. « Je n’irai pas avec vous sur ce terrain-là. » Qui ne tente rien… Qui sait, sur un malentendu.

Ainsi, à la question des possibles caméos de Robert Vaughn et David McCallum dans le film, le producteur Steve Clark-Hall a répondu spontanément « Non ! » avant de se rattraper et de lancer : « Oh ! Mais je ne vais pas vous le dire ! » Trop tard. Et pendant la visite des différents décors en construction, notre guide, qui restera anonyme, a nonchalamment parlé d’une chambre de torture pour Napoleon Solo, précisant qu’il fallait imaginer une scène comme celle du laser de Goldfinger. Il a aussi décrit la scène finale, tournée quelques semaines plus tôt en Italie. Bizarrement, c’est une des photos officielles du film qui circulent déjà… Elle montre les deux héros vivants à la fin de leur aventure. Mais cela n’a rien d’un secret puisqu’une franchise est toujours envisageable. Ou même déjà envisagée.

Crédit photos : © Warner Bros