S’il est dit que l’homme est le brouillon de la femme (Ah !), il peut être dit qu’OSS 117 est le brouillon de James Bond. Un joli brouillon cependant, qui est aujourd’hui revu et corrigé par un Jean Dujardin survolté et une joyeuse équipe qui a adopté une devise pleine de bon sens pendant le tournage de OSS 117, Le Caire nid d’espions : Vivre et laisser rire.

Jean Dujardin est OSS 117

« S’il y a deux rôles qu’un acteur se doit d’accepter, c’est celui du cowboy et celui de l’espion, » raconte Jean Dujardin pour expliquer pourquoi il a accepté ce rôle d’Hubert Bonisseur de la Bath, alias OSS 117, membre de l’Office of Strategic Service (service de renseignements américain, future CIA). « J’étais en train d’écrire Brice de Nice quand les producteurs Eric et Nicolas Altmayer m’ont envoyé le scénario. J’ai dit oui dès la première version écrite par Jean-François Halin. » Le scénariste de Quasimodo d’El Paris et de Rire et châtiment l’a d’ailleurs écrite pour lui. Du sur mesure. « J’aime à dire qu’Hubert a un peu de Sean pour son élégance et beaucoup de connerie, continue Jean Dujardin. C’est un homme à femmes. En tout cas, c’est ce qu’il croit. Et un homme à hommes aussi. Il est très français. Pour, lui, au-delà de la Loire, c’est le tiers-monde. Il est plein de principes, il voue un culte au président René Coty, il porte un marcel sous son costard … » « Son regard sur la société, sur la femme, tout est décalé par rapport à notre époque, poursuit le réalisateur Michel Hazanavicius. OSS 117 est plein de certitudes qui sont aujourd’hui soit super flippantes soit super marrantes : sa condescendance vis-à-vis des peuples colonisés, sa misogynie, son homophobie… Certaines scènes ne sont pas très loin de ce qui aurait pu être fait à l’époque, mais aujourd’hui la lecture en est différente. Et il vaut mieux prendre le parti d’en rire. »

Jean Dujardin et Bérénice Bejo (Larmina, sa secrétaire dans le film) ont passé les deux mois de préparation à s’imprégner des films (James Bond, Hitchcock) et des codes, très sérieux, des années 1950. Lui se penchait sur Sean Connery, elle sur Audrey Hepburn et Grace Kelly. Ils ont travaillé leur façon de bouger, de se tenir droit, de se battre à coup de manchettes… Ils ont appris à parler arabe mais aussi, pour Jean Dujardin, à le chanter avec une version très couleur locale de Bambino. Ils ont travaillé la mise en bouche des dialogues avec cette diction articulée et ce timbre de voix si caractéristiques des films de l’époque.

Jean Dujardin et Michel Hazanavicius se sont fait un jeu de trouver les mots les plus désuets qui soient pour typer le personnage. Tous y sont passés : « pataquès », « tintamarre », « C’est toujours un enchantement de vous voir. » « C’est une comédie qui a beaucoup de tenue, affirme Jean Dujardin. Je ne voulais pas tomber dans la parodie ni l’excès ni le clownesque. OSS 117 a toujours une allure dans sa façon d’être et dans tout ce qu’il dit. Cela met plus de poids. Dire des conneries sérieusement, c’est tout un art. ‘C’est somptueux, j’adore les panoramas.’. C’est tellement bien écrit. Nous avons aussi une vraie histoire qui tient debout, nous avons juste à ripper de temps à autre, à décaler légèrement la scène pour créer le rire. Nous n’avons pas une suite de sketches mais un vrai film d’aventures avec des moments où nous nous lâchons pour créer des ruptures comiques. Mais cela rend toujours service au film, ce n’est jamais pour faire un effet gratos. Nous avons établi des règles du jeu et nous nous y sommes tenus. »

Jean Dujardin et Bérénice Bejo

Des règles également appliquées à la réalisation du film, quasiment tourné à l’ancienne. « Je voulais faire un film qui aurait pu sortir en 1958, précise Michel Hazanavicius. Une comédie avec une ambition esthétique qui permettait de retrouver la patine des films de l’époque. J’ai étudié les focales, le découpage, la machinerie, la lumière. J’ai utilisé de vieux projecteurs, des pellicules avec la même sensibilité qu’à l’époque, de grands décors, les nuits américaines, la transparence en voiture, le Technicolor… »

Le film a été tourné en grande partie au Maroc pour ses décors naturels et en petite partie en région parisienne pour des prises en studio. Pendant ces deux mois de tournage, l’équipe a retrouvé son âme d’enfant avec des batailles d’eau, des interludes musicaux avec le Salut des amoureux de Joe Dassin, les imitations du chameau par Jean Dujardin… L’acteur en question ne dirait d’ailleurs pas non à un nouvel endossage du smoking en alpaga d’OSS 117. « Je vois bien une suite en Thaïlande, avoue-t-il. OSS 117 aime le dépaysement : Banco à Bangkok, Furia à Bahia… Melun ce serait évidemment moins bien… »

Article paru dans Ciné Live – N°100 – Avril 2006

Crédit photos : © Gaumont Columbia Tristar Film

 

Enregistrer