Onze ans après Scream 4, la franchise renaît sous la houlette de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett, les deux réalisateurs qui nous avaient offert le joyeusement morbide Wedding Nightmare en 2019. Simplement intitulé Scream, ce nouvel opus se veut un retour aux fondamentaux du tout premier film, à savoir un maximum de terreur et juste ce qu’il faut d’humour. Le film sort en salles ce 12 janvier 2022.

Neve Campbell et Courteney Cox

Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett

Ces deux trentenaires qui ne se prennent pas au sérieux sont aussi connus sous le collectif Radio Silence, qu’ils ont fondé avec le producteur Chad Villella. Ils ont notamment fait leurs armes sur les courts métrages qu’ils postaient sur Youtube puis sur les segments “10/31/98” de V/H/S (2012) et “The Way In” et “The Way Out” de 666 Road (2015). Leur premier long métrage, The Baby (2014), a été un flop critique et public mais il est quand même rentré dans ses fonds. Les deux hommes y montraient déjà leur virtuosité dans le fantastique, l’horreur et l’humour.

Avec Wedding Nightmare (2019), ils ont fait preuve d’une riche inventivité, d’une efficacité certaine dans les scènes d’action, d’un solide savoir-faire dans la construction de la tension, d’une maîtrise dans la création d’une atmosphère oppressante et d’une grande générosité envers le gore. Ils s’avèrent également cruels et sans pitié pour leurs héros, n’hésitant jamais à les tuer pour le bien de l’histoire. Tous deux se réclament de l’école de Wes Craven. Réaliser le nouveau Scream était donc une évidence.

Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett

Comment avez-vous été amenés à réaliser Scream ?

Matt Bettinelli-Olpin : Nous avons réalisé notre dernier film, Wedding Nightmare, avec l’équipe de Projet X, Jamie Vanderbilt, William Sherak et Paul Neinstein. Nous avons une très bonne relation avec eux et avons eu beaucoup de plaisir à collaborer sur ce long métrage. D’après ce que nous savons, quand Jamie a découvert que Spyglass possédait les droits de Scream, il leur a lancé : “Je veux écrire le prochain Scream. Je veux l’écrire avec Guy Busik qui a écrit Wedding Nightmare. Je veux que Radio Silence le réalise.” C’était bien avant que nous sachions que le projet existait. Quelques mois plus tard, Jamie et Guy avaient écrit le scénario. Jamie nous a arrangé un rendez-vous avec le directeur de Spyglass, Gary Barber. Nous ne connaissions pas le but de cette réunion. On nous a juste dit que c’était une réunion générale. En fait, c’était Gary qui décidait s’il voulait ou non nous laisser réaliser Scream.

Tyler Gillett : En fait, c’était une audition. (Rires)

M.B-O. : C’était une audition sans qu’on le sache. Lors de cette réunion, nous avons découvert que Jamie écrivait Scream. Nous avons tous les deux perdu la tête parce que nous étions tout simplement extatiques qu’un de nos amis écrive le prochain chapitre de Scream. C’est incroyable d’être si proche de quelque chose d’aussi brillant. Nous étions juste surexcités. Et puis, je crois qu’une semaine plus tard, nous avons reçu un appel nous annonçant : “Nous voulons que vous réalisiez Scream. Voulez-vous lire le script ?” Ce que nous avons fait immédiatement et tout s’est enchaîné après ça. C’était vraiment un heureux hasard. Honnêtement.

Quel était votre sentiment de prendre la suite de Wes Craven [réalisateur des premiers Scream, décédé en 2015] ?

David Arquette

T.G. : Nous étions à la fois enthousiastes et très anxieux. Nous sommes de grands fans de Wes, de Kevin Williamson [scénariste des premiers Scream, ndlr] et des quatre Scream. Ces films nous ont affectés et nous ont changés. C’était angoissant de prendre la relève. Puis, nous avons lu le script. Le volume de l’anxiété a alors baissé tandis que le volume de l’excitation augmentait. Nous avons été immédiatement soufflés par la façon dont Guy et Jamie avaient trouvé une raison convaincante, émotionnelle et effrayante pour qu’un autre Scream existe, pour qu’on retourne à Woodsboro. Nous avions l’impression d’avoir un projet incroyable. Kevin Williamson nous a donné sa bénédiction. C’était comme si c’était le destin, comme si c’était juste. Nous avons gardé ce sentiment avec nous pendant tout le tournage, en faisant participer les anciens acteurs et en parlant autant que possible aux personnes qui avaient travaillé sur les films précédents. Nous avons vraiment essayé de garder Wes dans le processus et je pense que vous le verrez, vous verrez son implication dans le film. Il y a beaucoup de Wes dans notre Scream.

En quoi les Scream vous ont-ils affectés et changés ?

T.G. : Matt, Chad [Villella, producteur dans l’équipe Radio Silence, ndlr] et moi avons vécus des expériences différentes liées à Scream mais je pense que la chose que nous avons tous les trois en commun est que ce long métrage nous a montré ce que la réalisation d’un film peut être et ce que l’expérience de voir un métrage dans un cinéma peut être. Le mélange des tons, le travail sur les personnages, la façon dont les choses peuvent être émotionnelles, effrayantes, drôles et palpitantes à la fois, tout en étant si singulières. Pour nous, cette expérience nous a ouvert les yeux et nous a époustouflés. Et honnêtement, je pense qu’une grande partie de ce que nous avons fait jusque là, de ce que nous savons faire maintenant avec nos projets, c’est juste une forme d’imitation ou d’émulation de ce que Wes a fait, surtout dans le premier Scream. Nous nous inclinons devant son autel. (Rires)

Melissa Barrera

Comment avez-vous réussi à jongler entre votre passion pour Scream et votre propre version du projet ?

M.B-O. : C’est l’une des choses dont nous avons le plus parlé avant de commencer. Comment faire un film que nous voulons voir en tant que fans et que nous voulons réaliser en tant que cinéastes. Naviguer entre les deux nous tenait à cœur. Nous voulions être sûrs de bien faire les choses, car lorsque les fans de films ne font que du fan service, ils oublient parfois de faire un bon film. Pour nous, c’était impensable. Scream nous a appris à aller continuellement à l’inverse des attentes, à rendre le film unique. Wes Craven a fait ça avec ses films tout au long de sa carrière. Il virait de bord et créait des versions entièrement nouvelles du genre. Il a réinventé le genre avec Les griffes de la nuit, puis il a, à nouveau, réinventé le genre avec Scream. Cette notion de réinvention est vraiment ancrée dans l’ADN de Scream, ce qui nous donnait la permission de faire notre propre version. Mais au final, dans notre métier, nous revenons toujours aux mêmes questions : Quelle est notre impression quant au projet ? Est-ce que cela nous plaît ? Pourquoi cela ne nous plaît pas? Est-ce que nous voulons changer ceci ou cela ? Et cela aide aussi, comme Tyler le disait, d’être issus de l’école de Wes Craven. Beaucoup de choses étaient donc déjà alignées. Et puis, il fallait se concentrer sur comment rendre le concept nouveau ? Comment faire pour qu’il soit moderne et qu’il semble appartenir à la franchise Scream ? Nous en parlions tous les jours.

Pensez-vous réinventer quelque chose dans la franchise ? Innover ?

T.G. : Je pense que nous ne nous serions pas sentis à l’aise si nous n’avions pas eu le sentiment d’innover. Comme Matt le disait, vu la façon dont les films Scream évoluent au cours des quatre premiers, prendre des risques et essayer de réinventer quelque chose est intrinsèque à l’univers de Scream. Cette notion était bien vivante dans le script et nous voulions vraiment la porter à l’écran tout au long du processus.

Comment pensez-vous satisfaire les fans de la première heure et en même temps attirer une nouvelle génération de spectateurs pour qui l’horreur est un genre plus conventionnel aujourd’hui qu’il y a 25 ans, qu’il y a même 10 ans ?

M.B-O. : Nous aimerions faire pour les nouveaux fans ce que Scream a fait pour nous au milieu des années 90. Nous aimerions que ceux qui ne sont pas fans d’horreur voient ce film et ensuite aient envie de regarder l’original, mais aussi Halloween, Psychose. Qu’ils commencent avec les classiques puis qu’ils enchaînent les films et découvrent ces choses que tous ceux d’entre nous qui sont fans d’horreur connaissent. Ces films sont une introduction à une drogue. Je me souviens encore de voir Scream pour la première fois et d’entendre les personnages parler du Monstre du train. Je n’avais jamais vu Le monstre du train, je me devais donc de voir Le monstre du train. Puis Le bal de l’horreur. Et ensuite, tous les films qu’ils mentionnent et qui ont servi d’inspiration à Scream. Nous voulons donc faire quelque chose de similaire : en voyant ce film, vous découvrirez une nouvelle façon de vivre l’horreur si vous n’y êtes pas encore habitué. Et tant que nous y sommes, nous aimerions bien sûr faire plaisir aux gens qui aiment déjà Scream, comme nous.

Quel a été votre réaction quand vous avez vu Ghostface pour la première fois sur votre plateau de tournage ?

T.G. : Je pense qu’aucun d’entre nous n’était préparé à ce que nous avons ressenti. Avant le tournage, nous avons évidemment regardé les quatre premiers Scream en boucle tous les jours, et bien sûr, pendant le tournage, nous avons gardé cette habitude. Ghostface est devenu une telle icône du genre, il est omniprésent à bien des égards. Entrer dans la loge d’essayage du costume de ce personnage pour la première fois et voir ce qu’Emily Gunshor, notre costumière, avait fait avec le masque et le costume était incroyablement viscéral. C’était réellement effrayant. Et en même temps, nous étions comme en admiration devant une star. (Rires) J’ai eu l’impression que les choses devenaient tout à coup réelles tout en vivant un fantasme insensé. Nous étions dans la même pièce avec l’un des plus grands. Nous avons vécu cette expérience chaque jour où Ghostface était sur le plateau. C’était pareil pour les acteurs. Chaque fois qu’ils étaient sur le plateau avec Ghostface, c’était comme : “Mec, on fait un Scream ! On y est !” Ce sentiment est resté tout au long du film.

Jasmin Savoy Brown

Les meurtres commis par Ghostface font partie de l’ADN de Scream. Comment avez-vous approché les nouveaux assassinats ?

T.G. : Avant tout, nous voulions que Ghostface soit vraiment, vraiment effrayant. C’est ce qui nous a véritablement marqué en regardant le premier Scream. Ce slasher montrait le danger d’une manière réellement nouvelle et peu courante à l’époque. C’était donc une notion que nous avions à l’esprit. Et puis, l’un des éléments que nous aimons dans les Scream, et c’est certainement un témoignage de l’excellence du réalisateur Wes et de l’incroyable scénariste Kevin, ce sont ces séquences de mise à mort tellement uniques, tellement sur mesure, tellement mémorables. Nous voulions concevoir des séquences qui donnent le même sentiment : iconiques, amusantes, effrayantes, palpitantes et violentes. Toutes ces choses qui font partie de l’expérience d’un Scream. Cette feuille de route a été concoctée pour nous avec les précédents Scream et Wes et Kevin ont mis la barre très haute. C’était amusant de tester chaque nouveau meurtre, de trouver un moyen de subvertir certaines attentes et de répondre à d’autres, de jouer avec le public.

Comment avez-vous abordé la violence de ce nouveau Scream ?

T.G. : Le premier Scream prenait des risques là où on ne s’y attendait pas. Il vous amenait directement au bord du précipice. Et ensuite, au lieu de vous en éloigner, il vous poussait dans le vide. Il y a cette anecdote étonnante que Patrick Lussier, le monteur de Wes Craven, nous a racontée quand nous avons commencé à travailler sur le projet. Alors qu’il coupait la scène d’ouverture avec Wes, le réalisateur lui a dit : “Il faut que le public ait l’impression d’être entre les mains d’un fou”. Cela nous a vraiment marqué. C’est un élément unique dans les Scream. Ces films sont terrifiants. Ils prennent des risques et ils vous font frémir. Ils sont conçus pour vous mettre dans une situation inconfortable. C’est là que se trouvent non seulement le côté amusant de l’horreur, mais aussi la catharsis. A partir de là, nous pouvons construire ces moments de vraie légèreté et ces personnages réels. C’est comme si l’univers du film nous avait donné la permission de dépasser les limites. A chaque fois que nous nous sommes demandé si nous devions repousser les limites ou calmer le jeu, nous avons repoussé les limites, autant que nous le pouvions et aussi loin que nous le pouvions.

Jack Quaid

La ville de Woodsboro est-elle toujours une représentation, un commentaire de la société américaine ?

M.B-O. : Tous les Scream sont des commentaires sur la société américaine, qu’ils se déroulent à Woodsboro, dans un campus universitaire ou à Hollywood. Ce Scream-ci n’est pas différent. Une grande partie de l’histoire tourne autour du retour à la maison et du retour aux sources. Elle explore ce retour à ses racines, la gestion des torts et des traumatismes du passé.

Pouvez-vous me parler de l’esthétique du film. Est-elle aussi familière que nouvelle ?

T.G. : Oui, c’est une très bonne façon de la décrire. Nous avons eu de nombreuses conversations entre nous deux mais aussi avec les producteurs et notre directeur de la photographie, Brett Jutkiewicz, qui a tourné Wedding Nightmare pour nous. Nous voulions vraiment réaliser un film contemporain mais avec un sentiment d’intemporalité. C’est ce que vous remarquez dans les quatre premiers Scream, le look a évolué avec chacun d’eux. Nous voulions revenir à l’essentiel, ne rien faire de trop chic ni de trop stylisé, mais plutôt donner l’impression d’un film classique. Nous voulions utiliser toutes les astuces du métier et de la technologie moderne afin d’imprimer au film un aspect aussi analogique et intemporel que possible. C’est l’une des raisons pour lesquelles le premier Scream a si bien vieilli. Beaucoup de nos choix visuels visaient à obtenir ce résultat : que le film résiste au temps aussi longtemps que possible.

Crédit photos : ©Paramount Pictures

Article paru dans L’Ecran fantastique reboot – N°14 – Janvier 2022