Paul Greengrass ne tarit pas d’éloges sur « le grand » Matt Damon. Leur duo est désormais synonyme de films d’action. Un postulat néanmoins réducteur quand on sait de quoi les deux oiseaux sont capables séparément. Une chance, le réalisateur est prêt à emporter son acteur fétiche vers d’autres cieux.

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Après La Mort dans la peau et La Vengeance dans la peau, Green Zone est votre troisième film avec Matt Damon. Avez-vous développé un processus de travail bien à vous ?

Paul Greengrass : Quand vous travaillez longtemps avec quelqu’un, vous n’avez plus autant besoin de vous parler… Je crois que notre collaboration repose sur le fait que l’on partage les mêmes instincts… On pense tous les deux que, d’un côté, on peut donner des films d’action aux gens qui les aiment et de l’autre, faire que ces films soient intelligents et contemporains. C’est ce qu’on a voulu faire avec les deux Jason Bourne. Avec Green Zone, on voulait inviter le public de Bourne à faire un pas supplémentaire, à passer du monde de Bourne au monde réel. On voulait raconter une histoire qui n’est pas celle de Jason Bourne, puisque c’est celle du chef Miller, mais avec ce même sentiment qui l’anime, c’est-à-dire cette paranoïa et cette méfiance. Ce pas supplémentaire dans le monde réel permet de réaliser que ce sentiment émane de ces événements, du 11 septembre et de la guerre en Irak. On voulait tous les deux parler de ça… C’est important qu’un réalisateur et son acteur principal partagent la même vision des choses, ça rend tout plus facile… Matt est quelqu’un de bien et de fantastique avec qui travailler. Il travaille incroyablement dur, il est drôle, très très intelligent, très attentionné. (Il réfléchit) Je sais que c’est facile de dire que Matt Damon est un grand acteur, ce qu’il est réellement, mais en quoi est-il grand exactement ? A mon avis, il possède trois choses. Posséder une seule des trois est déjà fantastique mais posséder les trois, c’est juste génial. Premièrement, Matt est une grande star. C’est très rare. Une star a des obligations. Il doit être le centre du film, particulièrement dans les films à gros budget, et projeter des valeurs iconiques. Matt fait ça avec une grande subtilité. Même quand il interprète Jason Bourne, un assassin, vous savez qu’il est en quête du bien. Il a cette intégrité. Deuxièmement, il incarne brillamment ses personnages. On peut être un bon acteur sans pour autant savoir incarner son personnage. Dans Green Zone, il est le chef Miller. Ce n’est pas Matt Damon qui joue un soldat, il est un soldat parmi les autres. C’est un don pour un acteur. Et enfin, c’est un acteur physique, ce qui n’est pas toujours évident sur un de mes plateaux. Il faut savoir courir, sauter, se battre, conduire… Et maîtriser ces activités à un haut niveau. Mais ça ne suffit pas car interpréter un rôle physique c’est aussi utiliser ses capacités pour porter le personnage et traduire son évolution dans l’histoire. C’est très rare et grâce à Matt, j’ai pu faire ces trois films avec un très haut niveau d’action. Quand vous additionnez ces trois qualités, vous obtenez Matt Damon. Et c’est pour ça qu’il est le meilleur.

Comment a-t-il évolué en tant qu’acteur depuis La Mort dans la peau ?

(Il réfléchit) Pour être totalement honnête, je ne saurais dire en quoi il a changé car j’ai moi-même changé. C’est un peu comme pour les membres de votre famille, vous ne les voyez pas évoluer au jour le jour. A part ça, il est toujours prêt à relever le défi. Réaliser un film, c’est comme descendre dans un tunnel, sombre, rempli d’obstacles invisibles, c’est un voyage incertain. Quand je travaille avec Matt, j’ai le sentiment qu’il est dans ce tunnel avec moi, qu’il tient la torche, qu’il me montre la lumière, qu’il me dit « Tu vas y arriver ! ». Il a toujours été comme ça. C’est quelqu’un de très loyal. Il aime travailler avec les mêmes personnes… Steven Soderbergh et maintenant Clint Eastwood.

Film Title: Green Zone

Matt Damon dit qu’il vous suivrait jusqu’au bout du monde.

(Il sourit) Moi aussi.

Mais pas sur un prochain Jason Bourne.

(Il sourit) Non. On est arrivé au bout avec Jason Bourne et on veut faire autre chose. Mais on ne sait pas encore quoi. Le danger n’est pas de s’arrêter de faire ces films, le danger est de faire le film de trop. Je ne veux pas non plus que ma collaboration avec Matt soit dictée par Jason Bourne. J’adore les films qu’on a faits mais je veux faire autre chose avec lui. Peut-être une bonne petite comédie, romantique et tranquille. (Rires) Non ! Je plaisante !

 Article paru dans Studio Ciné Live – N°15 – Mai 2010