Il est une vraie pile électrique à l’image d’Alex dans la série Nos chers voisins. Mais c’est le seul point commun qu’il possède avec son personnage qu’il trouve d’ailleurs insupportable. Jean-Baptiste Shelmerdine sait exactement ce qu’il veut dans la vie et ce depuis longtemps. Quand il était ado, il rêvait déjà d’être libre et d’être une star.

© Matthieu Dortomb

Comment s’est passée votre adolescence ?

J’ai détesté. Je me sentais prisonnier du collège, de la vie. Je n’étais pas adulte, je ne pouvais donc pas bosser. Je voulais m’émanciper et être libre. En plus, je travaillais mal à l’école. J’étais seulement bon en français, en anglais et en dessin, dans les matières un peu artistiques et d’expression.

Là où il y avait de la liberté.

Je détestais aussi cette obligation d’être avec certaines personnes que je n’aimais pas ou qui m’ennuyaient, de devoir apprendre des choses qui ne m’intéressaient pas. J’ai toujours été conformiste en apparence mais anticonformiste dans l’âme. Au lycée, c’était un peu plus possible. Les gens commencent à s’ouvrir un peu, ils sont un peu plus cultivés. Je voulais grandir. C’est pour ça qu’à 18 ans, je me suis mis direct à bosser et à suivre un cours de théâtre. Je suis entré dans le vif du sujet. j’ai fait des petits boulots en attendant de réussir dans le métier de comédien. Cela a quand même pris du temps. 10 ans.

JBSVous avez commencé le théâtre à 14 ans.

En fait, j’ai fait un an de théâtre avec un prof de musique mais après, je n’en ai pas fait pendant 3 ans. A l’époque, c’était plus pour faire un truc artistique. C’était drôle. J’ai bien aimé.

Sans plus ?

En fait, j’ai aimé les répétitions et jouer au théâtre. Alors qu’aujourd’hui, je ne joue plus au théâtre, cela ne m’intéresse pas. Parce que je suis un traqueur. J’ai un rapport avec le direct qui est un peu compliqué. Une émission en direct ne me pose pas de problème parce que c’est la vie et on peut se planter. Mais un boulot artistique en direct, j’ai l’impression d’être jugé et je déteste cela. Mais cette première pièce m’a prouvé que j’aimais jouer. On sent qu’on est comédien, qu’on a cela dans le sang. Parce que dans la vie, même sans être mythomane ou menteur, on joue, on aime jouer des personnages.

Comment s’est fait le déclic ?

A la fin de l’année scolaire, j’avais 18 ans et pas de diplôme, j’ai donc commencé à bosser dans un fast-food. Je me disais que faire un boulot un peu embêtant faisait partie de la vie, parce qu’il faut bien gagner sa vie. Mes parents n’avaient pas de sous pour me payer un studio. En revanche, j’ai écouté ce que je ressentais et je me suis donc payé des cours de théâtre. Un petit cours de quartier, dans le 6ème arrondissement, où je bossais.

Etait-ce formateur ?

Non. C’est terrible de dire ça mais aucun cours que j’ai suivi n’a été formateur techniquement. En revanche, cela m’a aidé à trouver une méthode de travail. J’avais des scènes à travailler, devant un public, avec des partenaires différents. J’ai appris à appréhender les rôles, à les apprendre et à les mettre à ma sauce. Je me rends compte que si je n’avais pas fait cela, je n’aurais pas eu l’essentiel de ce qui me sert dans mon boulot. J’ai aussi fait un stage d’été au cours Florent : trop cher, nul, dans un local sans fenêtre, on était 30 et il faisait 35 degrés. Horrible. J’ai aussi regretté que personne ne nous fasse bosser les castings.

© Matthieu Dortomb

Vous aviez des rêves à l’époque ?

Celui de devenir une vedette. D’être connu. Mais ce n’était pas du genre « Il faut qu’on m’adore ». Je me disais qu’une vedette était libre. Elle a le volant en main. Elle a ses fans et son équipe derrière elle mais c’est elle qui choisit. Ce qui n’est pas vrai obligatoirement mais dans ma tête c’était comme cela. Et mon rêve était aussi de m’exprimer artistiquement. Dès 10-11 ans, j’écrivais des chansons, des textes. C’était pourri. Mais j’avais déjà l’ambition d’écrire des choses. Et je continue, j’ai un album depuis 10 ans sur lequel je travaille quand j’ai le temps. C’est vraiment un work in progress. Je le sortirai peut-être dans 10 ans, je n’en sais rien. C’est un album concept : c’est une histoire et chaque chanson est une étape de l’histoire. J’adore ça. Mais comme je ne fais pas de scène et que c’est vraiment compliqué, surtout avec la crise du disque, c’est plus facile pour moi d’être comédien.

Qu’est-ce qui vous fait aimer ce métier de comédien ?

J’aime jouer des personnages différents. Jouer des gens que j’ai pu voir. On a vu des milliers de gens dans notre vie, parfois 5 minutes en face de nous dans le métro, et je pense que nous comédiens, nous sommes des éponges et on n’a qu’une envie, c’est de restituer ce qu’on voit. C’est cela qui me plaît. Quand j’ai un texte, je me dis que je vais mettre ce genre-là et peut-être un peu de ce mec-là.

Vous aviez des modèles en grandissant ?

Quand j’étais petit, j’adorais Michael Jackson, Madonna. Plus étonnamment, car c’était plus vieux, Cindy Lauper. Elle est complètement anticonformiste, un peu fofolle dans le genre à mettre un tutu pour sortir. Elle était cool. Elle était plus cool que Madonna. Avec le recul, je me dis que Cindy Lauper est une vraie cool. Madonna est une carriériste. Je pouvais m’identifier à Michael Jackson et Madonna parce qu’ils venaient de nulle part. Tous les deux étaient pauvres. Je pouvais m’identifier à leur réussite. Ils sont la preuve que tu peux sortir de rien et arriver au top juste avec du travail et en y croyant. Côté comédiens, j’ai adoré Michel Serrault. Je l’ai découvert dans La Cage aux folles. J’avais 12 ans. Le film passait à la télé. J’ai eu un fou rire pendant une scène au point de ne plus pouvoir respirer. J’ai trouvé cela génial. Et du coup, cela m’a ouvert une porte. Je découvrais qu’il était possible de jouer et de mettre les spectateurs dans un vrai état de plaisir.

© Nicolas Receveur

Si aujourd’hui, vous croisiez l’ado que vous étiez à l’époque. Que lui diriez-vous ?

Ne t’inquiète pas ça va bien se passer. C’est vrai que tu manges ton pain noir en ce moment, c’est vraiment relou, mais tu as raison de persévérer. Patiente et continue de t’intéresser, de regarder, de faire des plans sur la comète parce que ce ne sont pas des rêves vains, ce sont des plans. Je n’ai jamais compris qu’on me traite de rêveur. C’est comme cela qu’on prépare sa vie. C’est la méthode Coué. Et je lui dirais aussi : prépare-toi, fais du sport, apprend l’anglais, prend des cours de chant. Prépare-toi pour être prêt parce que parfois, la chance ne passe pas deux fois.

Et si l’ado que vous étiez à l’époque vous rencontrait aujourd’hui, que vous dirait-il ?

« Je pensais que tu y arriverais plus tôt. » J’espère qu’il me dirait : « Franchement, ça va. Tu as fait des petites concessions d’adultes mais tu ne baisses pas trop ton froc. Tu restes assez marrant et cool. Tu ne me fais pas honte ». (Rires) Je ne suis pas encore une vedette, je ne le serai peut-être jamais mais j’ai quand même fait un petit bonhomme de chemin. Mais c’est compliqué. C’est bizarre, quand j’étais ado, je voulais être connu. Mais plus je fais ce métier et moins j’en ai envie. J’ai été reconnu assez tôt dans la rue, il y a une dizaine d’années quand j’ai commencé à faire de la pub. Cela ne m’a pas plu.

Et aujourd’hui, avec le succès ?

Je suis reconnu tout le temps. Mais les gens sont gentils. Je me suis fait prendre au piège. Dans la vie, je suis plutôt calme et raisonné, enfin j’espère. Je suis beaucoup moins stupide ou timbré que les personnages que je joue, et Alex en particulier qui est complètement débile. Quand j’ai commencé la série Nos chers voisins, je me disais qu’on ne me reconnaîtrait pas dans la rue parce que je suis tellement différent d’Alex dans la vie. Résultat, dès le premier mois, il y a eu une meuf qui m’a pris en photo dans le métro. Les gens me reconnaissent beaucoup et je n’aime pas cela. Je suis toujours étonné que les gens trouvent Alex attachant. Je fais en sorte qu’il le soit pour qu’on lui passe ses bêtises et je le trouve drôle à jouer mais je ne l’aime pas. Si c’était mon voisin, je ne sais même pas si je lui dirais bonjour. Je le trouve insupportable. Mais à jouer, il est super.

Dans quels genres vous sentez-vous le plus à l’aise ? Au moins la comédie.

J’adore la comédie. Une comédie bien faite comme La Cage aux folles. C’est très très drôle et en même temps tu es sur le fil. Il suffit que le curseur change un tout petit peu et cela passe dans le pathos et c’est horrible. Et c’est super à jouer et à voir. L‘acteur prend le spectateur et le trimbale où il veut dans le rire. Le drame m’intéresse moins à jouer, pourtant j’adore des gens comme Isabelle Adjani, par exemple, qui est une actrice merveilleuse. En revanche, les films de flics m’ennuient. La science-fiction et le fantastique, j’adore. L’horreur, je n’aime pas, cela me fait peur. J’adore les films de Pedro Almodovar, de Federico Fellini. J’adore le cinéma avec une recherche esthétique ou quand il y a des trucs un peu bizarre derrière. C’est vrai qu’en France, il n’y a presque plus de films de grands réalisateurs un peu mégalos. Si, tu as Jean-Pierre Jeunet qui pourrait faire un peu ça.

Avec un petit côté fantastique.

Oui, il fait des trucs du hasard. Un peu comme Claude Lelouch. Il y a un truc de Lelouch chez Jeunet. Tous deux jouent avec le destin. J’aime la naïveté de Lelouch. Avec lui, tout est possible. Et pourtant, le mec fait tourner Bernard Tapie, tout ce que je déteste.

© Ledroit-Perrin

Avez-vous le luxe de choisir aujourd’hui ?

Oui, grâce à la série. Et il faut que je choisisse aussi parce que je ne peux plus me permettre maintenant de faire n’importe quel navet. Les gens me connaissent, je ne peux pas me faire griller. Je suis à une période charnière où les gens connaissent mon visage mais pas encore mon nom. Du coup si je fais n’importe quoi ou un film vraiment nase, s’ils mettent mon visage sur l’affiche, c’est dangereux.

Dans une carrière dire non est aussi important que dire oui.

Bien sûr. Après, il faut faire attention de ne pas dire non à tout. Il faut être intelligent, demander s’il est possible de réécrire.

N’avez-vous pas peur d’avoir l’étiquette d’Alex qui vous colle dans votre carrière ?

Non. J’ai plus peur d’avoir l’étiquette du mec qui fait des sketchs sur TF1. J’ai joué plein d’autres personnages comme dans Halal Police d’Etat. J’y faisais un timbré, inspiré de Norman Bates de Psychose mais en mode comédie. Ce n’est pas du tout Alex. C’est pour cela aussi que j’ai écrit un scénario de long métrage avec un pote. Quand on l’a écrit, on a cherché à faire le contraire d’Alex. Je joue donc un homo, en couple depuis 5 ans, un peu plan-plan, froid, avec de l’humour parce que c’est une comédie. C’est un humour parisien, un peu cassant. C’est une comédie familiale sur les couples. On a eu l’idée il y a deux ans, au moment du mariage pour tous. On se demandait pourquoi ils étaient tous hystéros alors que ce sont juste des gens qui veulent se marier. Il y a avait un truc bizarre avec ces gens qui disent défendre la famille et qui empêchent d’autres d’en fonder une. C’est Anne Depétrini qui va le réaliser. On est en cours de casting et on tourne en 2016. Le titre est Pochette Surprises.

 

 

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