Le réalisateur du Labyrinthe et du Labyrinthe : La Terre brûlée est superstitieux. Wes Ball, 34 ans, ne quitte jamais sa casquette porte-bonheur et touche du bois dès qu’il le peut. Vu son talent, il n’en pas pourtant pas besoin. Il a été découvert par la Fox sur Internet où ses courts métrages Ruin et Work in Progress rencontrent encore aujourd’hui un joli succès. Le studio lui a confié la franchise du Labyrinthe et ne le regrette toujours pas. Alors que Wes Ball est en pleine promotion de La Terre brûlée, il travaille d’ailleurs déjà au troisième opus, Le Remède mortel.

Wes Ball (Photo by Rebecca Cabage/Invision/AP)

Wes Ball (Photo by Rebecca Cabage/Invision/AP)

Commençons un peu avec votre propre histoire. Avez-vous eu un déclic ou y a-t-il un film qui a déclenché votre envie de devenir réalisateur ?

WES BALL : J’ai grandi en regardant des films. Comme je vivais dans une toute petite ville où il n’y avait pas de cinéma, je les regardais en VSH et sur HBO. J’avais un placard géant rempli de VHS. Je suis tombé amoureux des films même si je regardais encore et toujours les mêmes films. Ce n’est qu’une fois en fac que j’ai su que je voulais réaliser. Je voulais travailler dans le cinéma mais plus en tant que cascadeur ou spécialiste des effets spéciaux. Je faisais des trucs dingues quand j’étais gamin. J’ai fait sauter la voiture de Barbie de ma sœur et je l’ai filmée. J’ai caché des pétards dans le sol et j’ai demandé à ma sœur de tenir une arme et de courir aussi vite qu’elle le pouvait. Elle avait 10 ou 11 ans à l’époque. Je l’ai filmée au milieu des explosions alors qu’elle hurlait de terreur. (Rires)

En fait, vous êtes le Sid de Toy Story.

Oui ! Probablement ! J’adore tout ce qui est illusion. Je n’ai jamais voulu être acteur, cela n’a jamais été mon truc d’être devant la caméra. J’aime être derrière la caméra. Mais ce n’est qu’une fois en école de cinéma, à la Florida State University, que je me suis décidé. L’expérience a été unique. Je suis passé par tous les départements techniques pour en apprendre les outils. Et j’étais bon. J’ai fait un court métrage, une parodie muette de Matrix, avec des cartons pour les dialogues. J’avais une vieille caméra à manivelle datant de la Deuxième Guerre mondiale. Quand j’ai projeté mon film devant ma trentaine de camarades de classe, ils ont applaudi et crié des encouragements. Ils voulaient le revoir. J’ai eu alors ce sentiment enivrant d’avoir mon public dans la main. C’est à ce moment-là que j’ai su que je voulais devenir réalisateur.

Saviez-vous déjà quel genre de films vous vouliez réaliser ?

Non. J’adore tous les genres. Mais j’ai grandi dans les années 80 avec E.T., Star Wars, Indiana Jones, Terminator, Alien… Je suis fan de Steven Spielberg, James Cameron, Robert Zemeckis et Richard Donner. Ce sont les réalisateurs que j’ai étudiés. Ils font des films popcorn mais avec une part de sérieux. Leurs films vous prennent au sérieux et ont du cœur et une âme. Je ne vois plus trop ce genre de films aujourd’hui. Parfois, c’est juste du spectacle et rien d’autre.

La Terre brûléeQuand la Fox vous a proposé de réaliser Le Labyrinthe après seulement quelques courts métrages à votre actif, leur avez-vous demandé pourquoi ils vous choisissaient ?

Non, j’ai préféré m’enfuir avant qu’ils ne changent d’avis ! (Rires) Ils ont pris un grand risque avec moi. Je n’avais en effet réalisé que quelques courts métrages pour le Web. Il est vrai que Le Labyrinthe est un petit film de studio, avec un budget de 34 millions de dollars, mais c’était une opportunité énorme pour moi. Je voulais faire du bon travail, faire un bon film et commencer une franchise pour eux. C’est plutôt cool de faire cela avec son premier film.

Que pensez-vous de cette mode actuelle des studios d’aller chercher de jeunes réalisateurs sur le Net ?

Ils ont toujours cherché de nouveaux talents mais avant ils regardaient les clips musicaux et les publicités. Aujourd’hui, ils surfent sur le Web et regardent des courts métrages. Parfois leur trouvaille entraîne un succès, parfois non. Ils ont pris un risque avec moi et cela a marché avec Le Labyrinthe. Avec un peu de chance, cela continuera avec Le Labyrinthe : La Terre brûlée. Je croise les doigts. Je touche du bois. (Sourire)

Allez-vous réaliser le troisième opus du Labyrinthe, Le Remède mortel ?

Oui. Je n’ai plus le choix maintenant. (Rires) Au début, je ne voulais pas faire le deuxième volet de la franchise car je voulais enchaîner avec un autre sujet. Puis j’ai réfléchi et je me suis dit que je ne voulais pas passer le flambeau à quelqu’un d’autre. Le premier film a une fin ouverte qui appelle à d’autres histoires. Et je ne voulais pas abandonner mes acteurs. Quand je me suis décidé, les acteurs ont vraiment penché dans la balance. C’est un vrai plaisir de travailler avec eux. Et maintenant que j’ai fait le deuxième épisode, je ne peux pas ne pas faire le troisième. Il y a peut-être une question d’égo aussi dans cette décision. Après tout, il n’y a pas beaucoup de réalisateurs qui ont fait une trilogie complète et encore moins qui l’ont faite dès leurs trois premiers films.

Wes Ball m'a dessiné un paysage...

Wes Ball m’a dessiné un paysage… (©cineteleandco.fr)

Le Labyrinthe compte cinq livres.

(Il éclate de rire.) Je vais m’arrêter à trois. La Fox continuera certainement la franchise. Mais il y a une série télé géniale à faire, rien qu’avec le Bloc. Chaque épisode verrait arriver un nouvel ado. La série finirait avec l’arrivée de Thomas et le téléspectateur pourrait enchaîner avec le film. Ce serait cool. La série montrerait comment ils ont construit leur propre société. J’adore ces univers où il faut survivre.

Pourquoi, selon vous, les mondes dystopiens sont-ils toujours sombres et pessimistes ? Le bonheur est-il si ennuyeux ?

C’est exactement cela. Le bonheur n’est pas dramatique. C’est comme avec les histoires d’amour. Cela n’a rien d’amusant de voir des gens amoureux. En revanche, les voir tomber amoureux ou se séparer… C’est pareil ici, vous avez besoin du drame. Avec un peu de chance, le bonheur arrive à la fin.

Imaginez-vous un futur apocalyptique pour nous ?

Non, cela n’arrivera jamais. J’y pense parce que j’ai cette fascination morbide pour cette idée de réinitialisation, de tout recommencer à zéro. C’est ce qui est intéressant avec cette franchise, l’idée d’une terre brûlée où la vie est en train de renaître. Le bien et le mal survivent tous les deux et personne ne peut dire qui va gagner. Cela vous donne la possibilité de rêver à un autre univers. C’est de l’évasion pure pour l’esprit.

Comment compareriez-vous votre franchise avec celle de Hunger Games ou de Divergente ?

Je pense que nous sommes différents. Et pas seulement parce que notre héros est un garçon. Honnêtement, je ne supporte pas cette appellation de « jeune adulte ». Je fais en sorte que mon film ne soit pas estampillé pour « jeune adulte ». C’est réducteur. Cela rebute les gens à venir le voir. Je n’ai pas réalisé un film pour les jeunes gens mais pour les gens. La coïncidence veut que le film soit peuplé de jeunes gens. Mais ils prennent des décisions adultes, ils ne font pas face à des problèmes de lycéens. C’est un film d’aventure sérieux. J’ai grandi avec Les Goonies et Sa Majesté des mouches. Je n’y voyais pas de jeunes adultes mais de jeunes aventuriers auxquels je pouvais m’identifier. Conceptuellement, le monde du Labyrinthe est un peu tiré par les cheveux mais moins que ces sociétés bizarres construites autour de rituels étranges. J’ai aimé Hunger Games et Divergente et je connais ceux qui les ont faits. Je ne veux pas dire du mal d’eux mais j’espère que nous nous démarquons d’eux. La critique qui revient le plus pour Le Labyrinthe, c’est que nous sommes le Hunger Games du pauvre. Je veux bien. Si nous avons ne serait-ce qu’une once de leur succès, nous nous en sortons bien.

La Terre brûléeCela reste des ados qui tuent des ados.

Pas chez nous.

Ben est envoyé en exil dans le labyrinthe et donc voué à une mort certaine. Minho tue Gally. Gally tue Chuck.

Oui mais ce n’est pas cela l’histoire. Notre histoire est celle d’une fraternité dans laquelle ils font ce qu’ils pensent devoir faire. Aucun acte n’est gratuit. Nos ados ne tuent pas pour tuer. Ils sont forcés à faire des choix très difficiles. C’est comme cela que je le vois en tout cas.

Voyez-vous vos personnages comme des modèles pour les jeunes d’aujourd’hui ?

Oui. En tout cas, comme des sources d’inspiration. Cependant, ils ne sont pas sans défaut. Thomas agit avant de penser, par exemple. Il est impulsif. Nous jouons aussi sur la culpabilité qu’il peut ressentir. Il a sorti ses camarades du labyrinthe mais sont-ils réellement mieux dehors ? L’un des personnages lui dit que le Bloc lui manque, ce qui touche Thomas en plein cœur. Ils lui ont fait confiance, ils l’ont suivi, mais à quel prix ? J’adore cette idée de l’innocence abîmée. Comment notre héros va-t-il réagir ? Sera-t-il brisé ? Va-t-il se perdre ? Sera-t-il quelqu’un de bien à la fin ?

Vous portez la même casquette que sur Le Labyrinthe. Serait-ce un porte-bonheur ?

Oui ! Je change de casquette à peu près tous les dix ans. Sur La Terre brûlée, je me suis dit que j’allais changer de casquette. Nous en étions à la moitié du film. J’ai mis une autre casquette pendant un week-end. Et puis j’ai reçu un coup de fil. Ki Hong Lee venait de faire une crise d’appendicite et devait aller à l’hôpital pour se faire opérer. Je devais tourner avec lui le lendemain. C’était le premier coup de malchance. Puis Kaya Scodelario a fait une insuffisance rénale et a fini, elle aussi, à l’hôpital. Elle a manqué une journée de tournage. Puis Dylan O’Brien a attrapé la grippe et s’est retrouvé en congé maladie. Ensuite, Dexter Darden est aussi tombé malade et a été envoyé à l’hôpital. Enfin, Barry Pepper s’est cassé la jambe pendant une prise, au cours de la scène où il est traîné par des hommes. Tout est arrivé en l’espace de cinq ou six jours. Juste après avoir changé de casquette ! (Rires) Je ne la retirerai plus tant que la franchise n’est pas finie ! Je ne sais pas comment nous nous en sommes sortis. La séquence que nous tournions à ce moment-là est celle où tous les protagonistes sont réunis et alignés les uns à côté des autres. Tous les jours, il me manquait au moins un acteur. J’ai dû constamment ruser avec mes angles de caméra pour ces plans-là.

La Terre brûléeLe tournage de ce deuxième volet vous a-t-il semblé plus facile que le premier ?

J’ai commencé ce deuxième film en pensant que j’avais tout compris et que je savais désormais réaliser un film. Pas du tout ! (Rires) Tout était nouveau. J’avais l’impression de tout recommencer à zéro. Je rencontrais de nouveaux problèmes et de nouveaux défis. Un réalisateur doit avant tout être un spécialiste en résolution de problèmes. C’est la compétence dont vous avez le plus besoin dans ce métier. Vous ne pouvez pas vous contenter d’être un bon conteur d’histoire. Au collège, certains font partie de l’équipe de débat, moi, je faisais partie de l’équipe de résolution de problèmes. Dans les concours, par exemple, nous recevions un élastique, deux pailles, un trombone et un gobelet et nous devions construire un système pour protéger un œuf.

C’est digne de MacGyver !

J’adore MacGyver ! Vous deviez être très créatif et c’est ce qui se passe quand vous faites des films. Et quand vous trouvez la solution ou le compromis dont vous avez besoin, vous pouvez être fier de vous. Vous avez le sentiment d’avoir donné le meilleur de vous-même. Tout le monde travaille dur. C’est la seule chose dont nous pouvons être sûrs.

Vous parlez de compromis. Diriez-vous que vos compromis sont plus basés sur des raisons économiques ou des raisons artistiques ?

Economiques. Et logistiques. Ce n’est pas toujours une question d’argent mais de temps. Je sais, le temps, c’est de l’argent. (Sourire) Mais il s’agit parfois de voitures qui ne pointent pas dans la bonne direction pour la caméra ou un décor qui ne va pas et il faut alors en trouver un autre à la dernière minute. Je n’utilise plus de storyboard depuis peu. Il n’est vraiment nécessaire que pour les grandes scènes d’action afin que toute l’équipe comprenne ce que je veux. Je préfère la spontanéité. Les acteurs arrivent sur le plateau, ils connaissent la scène et nous discutons de ce que nous voulons faire. C’est une danse à plusieurs : les acteurs, les techniciens et moi. Cette spontanéité ajoute de la réalité aux scènes. C’est moins conventionnel mais c’est comme cela que j’aime travailler maintenant.

Quand vous vous lancez dans un second épisode, généralement, vous avez plus d’argent. Cela se traduit-il par plus de compromis car vous avez alors plus de personnes à satisfaire ?

C’est la beauté de ce que nous vivons avec cette franchise. Le premier film avait un budget de 34 millions de dollars, soit l’équivalent d’un budget de comédie romantique. Le budget du second est de 60 millions de dollars, ce qui reste un petit budget pour un tel film. C’est mon genre de modus operandi. Les films devraient coûter moins cher et nous devrions être plus efficaces. Je trouve important de faire plus pour moins cher. Je ne suis pas le seul. Neill Blomkamp est aussi doué pour cela. Utiliser notre connaissance des effets visuels aide beaucoup. Ne pas avoir de stars à 20 millions de dollars aussi. Le studio va rentrer dans ses fonds. Le Labyrinthe a été le film le plus rentable de la Fox l’année de sa sortie. C’était aussi l’année d’un épisode de La Planète des singes et de X-Men.

Wes Ball m'a dessiné un fondu.

Wes Ball m’a dessiné un fondu. (©cineteleandco.fr)

Est-ce vrai qu’un réalisateur est moins créatif quand il a plus d’argent ?

Sauf s’il s’appelle Spielberg ou Cameron. (Rires) Les meilleurs réalisateurs ne voient pas que la vision artistique de leur film mais aussi le côté business. Ma première priorité est de faire un film pour un public. Ma deuxième priorité est de faire gagner de l’argent au studio. La question est maintenant de savoir jusqu’où acceptez-vous d’aller pour faire gagner cet argent. Jusqu’à présent, mon expérience avec la Fox est géniale. Nous sommes des partenaires et avons un respect mutuel. Ils ont leurs idées et leurs inquiétudes, bien sûr, mais ils savent que je suis à leur écoute. Je monte au créneau quand je pense qu’ils ont tort. Ils savent que si je le fais, c’est pour une bonne raison et ils me font confiance. Et vice versa. Jusqu’à présent, je m’estime très chanceux.

Disposez-vous déjà du final cut ?

Non. J’aimerais détenir ce pouvoir un jour mais je ne l’utiliserais probablement pas. Je n’en viendrais jamais à dire : « Je m’en fous, je ne changerai pas un plan de mon film ! » Je préfère la discussion. Quand le studio me dit que quelque chose ne va pas dans telle ou telle séquence, ils me laissent moi, l’artiste, résoudre le problème. Me pousser à prendre certaines décisions créatives a eu du bon. Mais il y a eu aussi quelques modifications que je n’aurais peut-être pas dû faire. Cela fonctionne dans les deux sens.

Avez-vous un film que vous rêvez de réaliser mais pour lequel vous ne vous sentez pas encore prêt ?

Oui. (Sourire) Je ne peux malheureusement pas vous en parler mais j’y travaille. (Sourire) C’est quelque chose de très spécial pour moi. Cela n’a encore jamais été fait en film. J’ai aussi cette autre idée de film, une histoire sur le passage à l’âge adulte pendant la Dépression avec des enfants dans un train… Mais je dois encore en apprendre un peu plus sur la réalisation. Je sais réaliser des scènes d’action mais j’ai encore besoin d’apprendre à réaliser des scènes dont l’écriture demande des nuances subtiles.

Si Disney vous demandait de réaliser un Star Wars, que répondriez-vous ?

Star Wars est cher à mon cœur. C’est peut-être une question d’égo mais c’est génial de commencer une franchise et non de prendre la succession de quelqu’un d’autre. Mes idées de films vont plus dans ce sens en ce moment. J’ai envie d’inviter les spectateurs à découvrir un monde qu’ils ne connaissent pas. Mais un Star Wars ? Put… oui ! Ce doit être intense avec les attentes de tout le monde tout en sachant que vous ne satisferez jamais tout le monde. J’espère que J.J. Abrams y parviendra. Il y a quand même quelque chose d’unique à être l’auteur de quelque chose et non juste le gardien de cette chose. Mais je suis avec la Fox pour un bout de temps. J’aime assez cela. Spielberg et Cameron ont toujours été liés à un studio. Ils ont développé des relations basées sur la confiance et la loyauté. Cette loyauté est importante pour moi.

Le Labyrinthe : La Terre brûlée – En salles le 7 octobre

Crédit photos : ©20th Century Fox

Enregistrer