Dans Glass, James McAvoy retrouve avec délectation son personnage de Split, Kevin Wendell Crumb, un tueur aux 24 personnalités. L’acteur excelle à nouveau dans son interprétation déjà saluée par tous – critiques, public et pairs. Le génie a su cependant rester modeste. Glass sort en salles ce 16 janvier.

James McAvoy incarne La Bête, une des multiples personnalités de Kevin Wendell Crumb

M. Night Shyamalan vous a-t-il prévenu que Split était la suite d’Incassable et qu’il y aurait Glass après Split ?

Pas au début. Quand j’ai lu le scénario de Split pour la première fois, je n’ai pas vraiment réalisé que le film était lié à Incassable et je n’ai surtout pas compris que cela allait finir en une trilogie. On a beaucoup parlé pendant les répétitions et j’ai peu à peu saisi la chose. C’était plutôt cool. J’ai demandé à Night s’il y aurait alors un troisième film et il m’a répondu : « Si Split rapporte assez d’argent. » C’est toujours une question d’argent. Mais on voulait surtout réussir Split et on croisait les doigts pour que le reste arrive ensuite naturellement.

Avez-vous redouté de devoir faire renaître tous vos différents personnages de Split ?

Retrouver les différents personnages de Split, ça allait. Mais développer les autres… Il y en a 10 de nouveaux. Je joue 20 personnalités différentes dans Glass.

Comment faites-vous pour ne pas perdre le fil de chacun d’entre eux ?

James McAvoy et Anya Taylor-Joy

Ce n’est pas si dur que ça. Non, ça va. J’ai appris à tout compartimentaliser depuis longtemps. Ce qui était important en revanche, était que les personnages ne se mélangent pas les uns les autres quand vous jouez cinq ou six d’entre eux en très peu de temps. Quand ils sont tous dans un état de panique ou surmotivés par un truc, ils peuvent apparaître très similaires. Mais cela n’aurait pas eu un grand intérêt ni pour l’histoire ni pour mon interprétation. On a donc dû faire en sorte qu’ils soient tous très différents mais différents pour une bonne raison et pas seulement parce que l’un parle avec une voix aiguë et un autre avec une voix grave. Donc même si le personnage n’a que cinq lignes de dialogues, vous avez un gros travail derrière afin qu’il soit aussi spécifique que possible. Si vous créez des caractéristiques de manière arbitraires, cela change la condition de Kevin et le film.

En apprenons-plus sur Kevin dans Glass?

C’est vrai que vous voyez peu Kevin dans Split. Vous n’en avez pas beaucoup plus dans Glass mais il y a plus de scènes entre Kevin et Casey que joue Anya Taylor-Joy. Il y a plus d’interactions entre eux deux.

Quel est votre personnalité préférée dans Glass ?

Elle n’a apparaît qu’à la fin et peu de temps. Il s’agit d’un homme qui voit tout du point de vue de la troisième personne et qui raconte sa vie. Plutôt que de vivre sa vie à la première personne, il la vit à la troisième personne et raconte l’instant présent comme s’il l’écrivait à la troisième personne. J’ai vraiment aimé jouer ce type.

Quelles sont les personnalités avec qui Elijah a le plus de contact?

Je dirais Patricia, Hedwig et La Bête. Concernant La Bête, je crois qu’il pense qu’il commande et qu’Elijah fait partie de ceux qui sont abîmés. Elijah est peut-être celui qui est le plus abîmé. Du moins physiquement. La Bête pense qu’Elijah fait partie de son troupeau, qu’il est l’un de ses enfants et qu’il a été envoyé pour le protéger et le venger. C’est comme ça qu’il voit les choses. C’est donc facile pour La Bête de faire équipe avec Elijah.

Samuel L. Jackson, James McAvoy et Bruce Willis

Que se passe-t-il entre La Bête et David Dunn?

Je pense que David représente une énorme menace qu’il essaye d’éliminer. Patricia, Dennis, Hedwig et tous les autres ont foi en La Bête et en ses capacités uniques. Le fait de rencontrer un homme qu’ils pensent être incassable – ce qu’il n’est pas car il a eu son lot de blessures -, qui est aussi fort qu’eux, aussi puissant qu’eux, va faire naître un doute dans leur esprit. Et tout comme dans Split, le pouvoir de la foi est partout dans Glass. Pour eux, David Dunn n’est pas seulement une menace physique mais aussi un défi pour leur foi. Et s’ils doutent de leur foi en leur capacité à faire toutes ces choses extraordinaires alors ils peuvent aussi douter de leur capacité à faire toutes ces choses extraordinaires.

Comment est Night dans le travail ?

Très efficace. Il est l’un des réalisateurs les plus efficaces avec qui j’ai tourné. Sa préparation est sa priorité. Sur certains films, malgré des mois et des mois de préparation, quand vous commencé à tourner, il y a des petits détails qui ne sont pas encore décidés, comme avec les costumes ou les décors. Et à peine on a commencé qu’on est déjà en retard sur le planning parce que les décisions n’ont pas été prises quand il le fallait. Et cela coûte alors beaucoup d’argent. Avec Night, c’est tout le contraire. Tout est planifié. C’est parce qu’il connaît la valeur de son argent et qu’il ne veut pas le gaspiller. Mais c’est aussi parce qu’il en a le talent. Je pense qu’il comprend très bien le processus de création d’un film, que ce soit un film d’école de cinéma ou un film qui va battre tous les records. Et c’est agréable de travailler avec lui pour cette raison. J’ai déjà travaillé sur des films où on a passé 16 heures par jour sur un plateau, où on a dépassé d’un mois le planning de tournage et où on a ensuite dû revenir pour de nouvelles prises et tourné encore 16 heures par jour. Personne n’a alors de vie, tout le monde se sent malade. On devrait pouvoir faire de l’art sans se ruiner la santé. Night sait comment faire ça. On travaille tous dur, on fait tous de longues journées mais ce sont des journées raisonnablement longues. Et il sait ce qu’il fait car il sait ce qu’il veut. Il ne multiplie pas les prises en disant qu’il fera le tri au montage. Il ne fait pas dix prises quand il sait qu’il a ce dont il a besoin au bout de deux prises. Et il sait qu’il peut obtenir ce dont il a besoin en une ou deux prises car il sait comment parler à ses acteurs, il sait leur expliquer ce qu’il veut et il le fait de façon à ce que vous ayez l’impression que cela vient de vous. Il connaît son métier.

C’est la première fois que vous jouez avec Samuel L. Jackson. Que pensez-vous de l’homme et de l’acteur ?

Il est brillant. C’est un acteur brillant. Il possède une telle habilité. On apprend à son contact. Il est l’acteur le plus expérimenté dans Glass et cela se voit. Sa présence sur le plateau. La maîtrise qu’il a de lui-même fait que c’est un des acteurs les plus détendus que je connaisse. Vous voyez qu’il adore jouer, vous voyez qu’il est enthousiaste à l’idée de jouer dans une scène. Et j’adore le fait qu’il incarne un fan de ce qu’il est. Il joue un superméchant qui est un fan de cette culture. On trouve aussi beaucoup ça chez Sam.

Même question pour Bruce Willis.

Je regarde jouer Bruce depuis que je suis môme. Je l’adorais dans Clair de lune, même si je devais être trop jeune pour vraiment apprécier cette série. Mais je la trouvais très drôle et la relation entre lui et Cybill Sheperd m’a vraiment marqué en tant que très jeune garçon. Voir quelqu’un qui a été une icône pour moi, toute ma vie, et partager une scène avec lui… Il existe vraiment une énergie différente entre moi, lui, Sam et Sarah Paulson. Et avoir ces quatre énergies très très différentes s’opposer les unes aux autres était génial. Dans Glass, Bruce est l’incarnation non pas du héros malgré lui – car je ne crois pas qu’il ait une quelconque réticence – mais du vieil homme fatigué. David doit toujours absorber les péchés des gens, faire ce que personne d’autre ne peut faire à sa place mais vous voyez le poids de tout ça dans la performance de Bruce. Bruce est toujours aussi énergique, il s’amuse beaucoup et est toujours prêt à faire la fête mais devant la caméra, le poids qu’il semble porter sur ses épaules est juste palpable. C’est étonnant. Vous ajoutez ensuite Sam et moi et Sarah Paulson… Sarah joue l’antagoniste. Dans le film, elle offre peut-être la performance la plus vulnérable d’un point de vue émotionnel alors que son personnage essaye de nous manipuler psychologiquement.

Avez-vous parlé avec elle des personnages à personnalités multiples ?

Pourquoi ? Elle a déjà joué un personnage atteint de trouble de la personnalité ?

Non, elle a joué un personnage à deux têtes dans une des saisons d’American Horror Story.

Oh, je ne savais pas. J’ai un enfant de huit ans et je n’ai plus le temps de regarder quoi que ce soit. Je crois que j’ai vu six films en six ans. Et je ne regarde pas non plus beaucoup la télé, malheureusement. Je n’ai pas le temps car je suis soit en train de travailler sur un plateau soit un père au foyer. (Sourire)

Night dit que Becky Buckley était un sparring partner pour vous dans Split. Est-ce aussi le cas de Sarah Paulson ?

Nous n’avons pas autant de scènes ensemble. Ces scènes avec Betty font partie de mes préférées de Split. Mais c’est vrai que l’on peut voir une similitude dans Glass où Sarah jouerait un sparring partner psychologique. Et Sarah est géniale. C’est une actrice incroyable.

Etiez-vous fan de comics quand vous étiez plus jeune?

Non. Je n’y avais pas accès. Ce n’est pas qu’ils m’étaient interdits, c’était juste quelque chose qui n’était pas dans mon environnement ni dans celui de mes amis. Je voyais des gens qui lisaient des comics dans les films américains et je pensais que c’était un truc purement américain. Rétrospectivement, je crois que j’avais tort à ce sujet. (Sourire) En fait, il y avait peut-être beaucoup de gens qui lisaient des comics à Glasgow, en Ecosse, où j’ai grandi. Il y a d’ailleurs pas mal d’auteurs de comics et de romans graphiques qui viennent de Glasgow. Comme Mark Millar, par exemple. J’ai travaillé avec lui sur Wanted: Choisis ton destin. Mais je suis vraiment passé à côté des comics. Ce n’est qu’en travaillant sur Wanted mais surtout sur X-Men: Le commencement que j’ai été massivement exposé à cette culture. J’étais un grand fan du dessin animé X-Men dans les années 90. Gamin, je le regardais tous les samedis matins. Je les ai d’ailleurs tous revus ces deux dernières années et c’était génial. J’ai vraiment découvert cette culture en étant adulte et, je les vois donc de manière différente. Plus mature.

Si vous deviez créer un superhéros écossais…

Il existe déjà un superhéros écossais. Il s’appelle Saltire, c’est un dieu celtique. Saltire est aussi le nom de la croix de Saint-André que nous avons sur notre drapeau. Je suis sûr qu’il y en a d’autres. Mais si je devais créer un superhéros écossais ? Je ne sais pas. J’ai toujours voulu avoir le super pouvoir de faire que les gens se sentent excités sexuellement, qu’ils ressentent l’amour, qu’ils tombent amoureux. Une sorte de Cupidon plus sexualisé. Mais il y a déjà un Cupidon chez Marvel, c’est un dieu. Je crois cependant que je créerais ma version écossaise de Cupidon.

Crédit photos : © Universal Pictures / Disney