Dans En avant, deux frères elfes veulent faire revenir à la vie leur père disparu afin de passer une journée avec lui. Le nouveau film d’animation des studios Pixar mêle le fantastique, la magie et l’émotion. Surtout l’émotion. En avant sort en salles ce 4 mars.
1 – La genèse
Pour écrire En avant, le réalisateur et scénariste Dan Scanlon (Monstres Academy) s’est inspiré de sa relation avec son propre frère et de leur lien avec leur père, décédé quand il avait un an. Un membre de leur famille leur a donné un enregistrement de lui. Il n’y disait que deux mots : « bonjour » et « au revoir ». Dan Scanlon a toujours pensé que ce serait extraordinaire de pouvoir passer ne serait-ce qu’une journée de plus avec ceux qui ont disparu. Mais seule la magie pourrait réaliser cette incroyable opportunité.
2 – Quand la paresse tue la magie
Les frères elfes Ian et Barley Lightfoot vivent dans un monde où la magie a disparu depuis des années. Cet art difficile demandait une longue formation et un entraînement intensif. Peu parvenaient à le maîtriser. Au fur et à mesure de l’apparition et du développement de la technologie, le monde a trouvé des solutions modernes plus faciles. Elles ont très vite été adoptées par les partisans du moindre effort. Tout le monde, quoi.
3 – La magie comme métaphore du potentiel de chacun
Ian rêve d’être plus doué, plus fort et plus audacieux. Le jour de ses 16 ans, sa mère offre à son frère Barley et à lui un cadeau que leur a laissé leur défunt père. Il comprend une lettre, une formule magique, un bâton de sorcier et une gemme spéciale. Ce présent doit leur permettre de le ramener durant une journée. Mais quand ils accomplissent le sortilège, ils détruisent la pierre précieuse avant que le processus ne soit entièrement achevé. Ils n’ont que 24 heures pour en trouver une autre et faire apparaître complètement leur père avant qu’il ne disparaisse à jamais.
Aidé par Barley, qui a passé sa vie à étudier les quêtes et la magie, Ian devient apprenti sorcier. Il découvre son vrai potentiel au fur et à mesure de leur aventure. Il grandit et prend enfin confiance en lui. Le jeune garçon révèle un formidable appétit de vivre et, finalement, il apprend qui il est réellement.
4 – Un brother movie
Pour une fois, ce ne sont pas deux inconnus que tout oppose qui deviennent amis suite à quelques péripéties façon buddy movie. Dans En avant, ce sont deux frères, à la personnalité diamétralement différentes, qui découvrent qu’ils ont non seulement besoin l’un de l’autre mais aussi qu’un lien indéfectible les unit.
5 – Des personnages fantastiques mais humains
En avant est peuplé d’elfes, de fées, de satyres, de cyclopes, de centaures, de trolls, de licornes… Soit des créatures issues de la mythologie, du folklore, des fables et de fictions fantastiques. Bien qu’imaginaires, ces personnages ont des émotions et des conflits intérieurs résolument humains. « Nous voulions amener de l’humanité dans la fantaisie, explique Matt Nolte, directeur artistique des personnages. Il fallait que l’on puisse comprendre leurs émotions et les ressentir comme si elles étaient les nôtres. »
Les elfes ont aussi des expressions et des traits humains. La personnalité réservée de Ian Lightfoot se reflète ainsi dans son look et son langage corporel reconnaissables. Sa silhouette est condensée sur elle-même. Le jeune garçon garde les bras près du corps, les jambes serrées. Il est tout en longueur, relativement frêle. Assez raide au début, sa posture se développe quand il commence à se détendre et il prend plus de place dans l’espace. Il devient plus confiant et plus à l’aise physiquement.
D’autres personnages possèdent une animalité caractéristique comme la Manticore. Cette créature, à la fois lion, chauve-souris et scorpion, est une guerrière intrépide. Elle possède une taverne sombre et mystérieuse qui sert d’étape aux voyageurs accomplissant de grandes quêtes. Avec sa chevelure volumineuse, ses ailes géantes et sa queue de scorpion, la Manticore a donné aux animateurs beaucoup de travail. Ses pattes sont celles d’un animal digitigrade. Elle se dresse et marche sur ses orteils, comme un quadrupède. Il a aussi fallu lui trouver des poses qui mettent en valeur ses ailes et sa queue, sans détourner l’attention de la performance et de l’émotion.
D’autres protagonistes encore mêlent l’humain et la bête comme l’officier et centaure Colt Bronco. Son physique se rapproche davantage de celui d’un cheval de trait que d’un pur-sang arabe. Colt a le pied plus lourd qu’un cheval de course. Il est inconscient de la destruction qu’il sème sur son passage. Mi-homme mi-cheval, il possède deux dos, deux poitrines et deux ventres. Il a également des bras et des mains, qui s’avèrent inutiles lorsque le personnage à quatre jambes se met à trotter. Les animateurs ont donc considéré le personnage comme s’il s’agissait d’un cavalier à cheval : ses mains semblent tenir des rênes quand il galope.
6 – Un demi-père inédit
Wilden Lightfood est le père de Barley et de Ian. Grâce à la magie, il a découvert un moyen de revoir ses fils longtemps après sa mort. Ses enfants ne parviennent cependant qu’à le ramener à moitié : sa moitié inférieure. Les deux frères et leur demi-père se lancent alors dans cette quête à la recherche d’une gemme de phénix qui doit le faire renaître en entier.
Si cette version amusante et maladroite de ce personnage allège le propos du film, sa création et son animation ont constitué un vrai défi. Afin de visualiser à quoi ressemble réellement une paire de jambes humaines, les animateurs ont créé leurs propres séquences de référence. Ils ont enfilé des tenues vertes moulantes, des pantalons chinos et des chaussures puis ils ont marché, couru et dansé sur un plateau de capture de mouvements. Ils se sont bandé les yeux et attachés les bras derrière le dos pour trébucher en essayant de monter sur des boîtes. Par la suite, ils ont effacé numériquement le haut du corps pour se concentrer sur le pantalon.
Les pieds du demi-père jouent un rôle important dans le film. Leurs tapotements servent de moyen de communication entre les personnages. Les animateurs ont donc longuement travaillé pour que ses chaussures aient belle allure vues de près, tout comme le pantalon et les chaussettes violettes.
Une paire de jambes toute seule étant un peu choquante, les animateurs ont bricolé un haut de corps. Ian équipe ainsi son demi-père d’un vieux sweatshirt à capuche bourré de tissus, d’une doudoune sans manche, de gants, de lunettes de soleil et d’une casquette.
Emron Grover, responsable des costumes des personnages, estime que ce protagoniste possède le costume le plus techniquement complexe jamais créé chez Pixar. « Il y avait un certain nombre d’exigences à respecter pour créer ce demi-corps supérieur, explique-t-il. Il devait être drôle, attrayant, physiquement plausible et ressembler à une vraie personne au premier coup d’œil. Ce personnage devait se comporter comme un humain à certains moments et comme un amas de tissu à d’autres. »
Afin d’animer la moitié supérieure du personnage, les artistes ont fabriqué des mannequins de chiffon à partir de vestes bourrées de tissu. Ils les ont ensuite secoués dans tous les sens pour filmer des images de référence. Ils ont cherché à provoquer des « accidents heureux », à savoir des mouvements naturels pouvant être interprétés comme des émotions. Les animateurs devaient avoir un contrôle total sur ce personnage particulier alors qu’une grande part de cette performance devait paraître inanimée de façon crédible. Ils ont ainsi intégré des propriétés physiques qui le fassent paraître à la fois lourd et souple. A chaque fois, ils s’assuraient que ces moments drôles restaient crédibles et physiquement réalistes.
7 – Quand l’imaginaire côtoie le quotidien
Pour créer le monde d’En avant, les cinéastes ont transposé des aspects familiers de la vie de banlieue dans un univers fantastique moderne. Et tout est dans l’équilibre entre les deux. L’équipe du film a déterminé un ratio à 70/30. Il y a 70% d’éléments familiers et 30% d’éléments fantastiques. Ce pourcentage s’applique presque image par image.
Cependant, ce n’est pas systématiquement vrai dans toutes les situations. Parfois, les personnages faisaient pencher la balance. Quand ils atteignaient ce seuil de 30% de fantastique, presque tout le reste autour d’eux devait sembler familier. Quand il n’y avait pas de personnage dans un plan, la déco pouvait introduire des choses fantastiques comme une maison en forme de champignon. L’idée est qu’un promoteur a planté des champignons géants 15 ans plus tôt et a construit des maisons dedans. La ville ne s’appelle pas New Mushroomton pour rien.
La banlieue fantastique fictive ressemble à celles de Los Angeles et de Sacramento. L’équipe décoration a notamment étudié les villes de Los Feliz et de Frogtown. Elle a reproduit des détails propres aux vraies banlieues américaines comme les maisons de style ranch californien, les revêtements muraux, les auvents, les pelouses, les boîtes aux lettres et les poteaux téléphoniques.
Le décor à l’intérieur des maisons est lui aussi assez familier. A quelques exceptions près. Par exemple, la crédence de cuisine et les poignées de porte de la maison des Lightfoot possèdent un motif d’elfe. Le magasin de la station service où se ravitaillent Ian et Barley présente des publicités et des enseignes au néon pour des sodas. Il est aussi rempli d’en-cas et de boissons énergétiques. On peut même y voir un billet de loto. Mais il dévoile des éléments fantastiques dans son architecture. Il y a également une ambiance maussade à l’extérieur. Le brouillard est en train de tomber, le trottoir est mouillé et il y a beaucoup de silhouettes en arrière-plan. Et la seule invasion des fées suffirait à atteindre ce quota de 30% d’imaginaire.
8 – Les Quêtes de Yore existent
L’équipe du film a développé et conçu Les Quêtes de Yore, le jeu de rôles si précieux pour Barley, afin de pouvoir réellement y jouer.
9 – Un road trip maîtrisé
Guinevere, le van de Barley, n’est pas une vulgaire camionnette. C’est l’un des éléments de décor les plus essentiels du film. Violette et un peu délabrée, elle est décorée de fenêtres en croissant de lune et d’une fresque représentant un pégase. L’intérieur contient de faux panneaux de bois, de la moquette et des tapis, des affiches et des autocollants d’inspiration médiévale et fantastique.
La fourgonnette a ainsi joué un rôle dans l’éclairage du film. En plus de ses phares et lumières extérieures, elle possède des guirlandes de Noël et des appliques murales, ainsi qu’un plafonnier. Certaines lumières s’allument parfois, d’autres pas. Ce qui au départ était une erreur de continuité de la part de l’équipe animation est finalement devenu une part de l’identité et du fonctionnement capricieux de Guinevere.
Le véhicule accueille aussi une bonne part de l’action. L’équipe s’est efforcée de garder des angles de caméra crédibles, correspondant à ce qui serait possible avec un vrai van et une vraie caméra de cinéma.
10 – Priori incantatum, ou presque
L’équipe d’En avant a développé un guide de la magie, soit un ensemble de règles informelles encadrant leur processus de création. Les formules magiques devaient ainsi sembler à la fois anciennes, crédibles et amusantes. Quasiment chacun des sorts devait aussi avoir un rapport avec l’évolution de Ian.
Les scénaristes ont essayé plusieurs déclinaisons des incantations afin de trouver la bonne formulation. Ils ont finalement demandé l’aide des amateurs de fantasy en interne. Ces derniers ont fait en sorte que le langage des sortilèges sonne idéalement et qu’il traduise le merveilleux.
Voici le sortilège qui permet d’invoquer le père des deux garçons : « Sur la Terre un jour durant, une chance de réapparaître. Jusqu’au prochain soleil couchant, qu’il te soit donné de renaître. »
11 – La musique étrange adoucit aussi les mœurs
Afin de rehausser l’aspect fantastique du film, les compositeurs Mychael et Jeff Danna se sont tournés vers la musique traditionnelle. Ils ont choisi des instruments de musique anciens, notamment les guitares folks et le psaltérion, un instrument à cordes pincées. A un moment donné, ils ont même utilisé un tournebout [un instrument à vent à anche double en forme de canne populaire durant la Renaissance]. Ils ont ainsi mélangé des instruments inhabituels avec un grand orchestre symphonique. Ce dernier, composé de 92 musiciens, était dirigé par Nicholas Dodd.
Crédit photos : ©Pixar/Disney