Avec Dunkerque, Christopher Nolan trouve l’équilibre parfait entre le divertissement épique et la rigueur historique. Basé sur l’Opération Dynamo de 1940, son long métrage place le spectateur sur la plage de Dunkerque avec les soldats, sur le pont d’un voilier avec un des plaisanciers venus les secourir et dans le cockpit d’un Spitfire avec un des pilotes venus les protéger depuis les airs. Le film sort en salles ce 19 juillet.

1 – Une histoire vraie

Dunkerque raconte l’histoire vraie de l’Opération Dynamo qui a eu lieu pendant la Deuxième Guerre mondiale. Entre le 26 mai et le 4 juin 1940, plus de 300 000 soldats britanniques, français, belges et canadiens ont été évacués des plages de Dunkerque alors cernées par les Allemands. Ils ont été rapatriés grâce à une flotte de près de 800 bateaux, principalement de pêcheurs et de plaisanciers civils, qui ont traversés la Manche pour les sauver. Pour écrire son film, Christopher Nolan s’est inspiré du livre Forgotten voices of Dunkirk de Joshua Levine – devenu conseiller historique sur le film – mais aussi de témoignages de survivants et de documents collectés par le Musée impérial de la guerre britannique.

Christopher Nolan

2 – 19 heures sur la Manche

Dans les années 90, déjà passionnés par l’Opération Dynamo, Christopher Nolan et sa femme – et productrice – Emma Thomas ont fait la traversée de la Manche jusqu’à Dunkerque sur un petit voilier, du même genre que ceux utilisés en 1940 pour secourir les soldats. La météo s’est vite dégradée et ce qui devait être un voyage d’agrément de 8 à 9 heures s’est transformé en un calvaire houleux de 19 heures. Mais au moins, comme aime le rappeler le réalisateur, ils ne naviguaient pas sous les bombes, eux.

3 – Dunkerque, bis

Ce n’est pas la première fois qu’un film s’inspire de l’Opération Dynamo. En 1958, Leslie Norman a réalisé Dunkerque avec John Mills et Richard Attenborough. Christopher Nolan pense que cet événement majeur dans l’histoire britannique n’a pas été plus souvent mis en scène parce qu’il ne s’agit pas d’une victoire ni même d’une bataille mais d’une défaite et qu’Hollywood ne s’intéresse pas aux défaites.

Mark Rylance

4 –Ce n’est pas un film de guerre

Christopher Nolan tient à préciser qu’il n’a pas tourné un film de guerre ni une histoire de survie mais un film à suspense, à la Alfred Hitchcock. Il s’appuie sur l’imagerie visuelle et les situations dans lesquels ses protagonistes sont plongés pour créer de la tension et de l’empathie. Outre les films d’Alfred Hitchcock, le réalisateur s’est inspiré d’Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg, de Speed de Jan de Bont, du Salaire de la peur de Henri-Georges Clouzot. Privilégiant l’image aux dialogues, il a également revu quelques classiques du muet comme Intolérance de D.W. Griffith et L’Aurore de Friedrich Wilhelm Murnau.

5 – Un casting entièrement masculin, ou presque

Film sur des soldats oblige, et parce qu’il se veut historiquement authentique et qu’il se concentre sur la seule Opération Dynamo, seules deux actrices sont créditées au générique contre une soixantaine d’acteurs : Miranda Nolan et Kim Hartman, respectivement la cousine et la tante de Christopher Nolan.

Fionn Whitehead

6 – Un jeune premier très connu

Christopher Nolan a casté Harry Styles sans savoir qu’il était mondialement connu en tant que chanteur, notamment des One Direction.

7 – Trois perspectives, trois temporalités

Christopher Nolan raconte son histoire de trois points de vue différents avec des personnages fictifs. La survie des militaires sur la plage est vue à travers les yeux d’un jeune soldat joué par Fionn Whitehead et dure une semaine. L’évacuation sur la Manche est vue à travers les yeux d’un plaisancier britannique incarné par Mark Rylance alors à bord de son voilier, le Moonstone, et dure une journée. Les combats aériens entre Anglais et Allemands sont vus à travers les yeux du pilote d’un Spitfire interprété par Tom Hardy et durent une heure. Le film est un montage de ces trois histoires qui s’entrecroisent.

8 – Trois lieux de tournage : sur terre

Le môle reconstruit

Pour atteindre l’authenticité désirée, le film est tourné sur les plages de Dunkerque et au mois de mai. La première étape pour accueillir le tournage a été de passer la zone au peigne fin pour s’assurer qu’aucun reste explosif de la guerre ne soit encore enfoui sous le sable. Rien n’a été trouvé. Le môle – un brise-lames en pierre où avait été ajoutée une structure blanche en bois qui permettait de décharger les cargaisons des bateaux – a ensuite été reconstruit à partir des ruines du môle de 1940. Comme à l’époque, une jetée de camions a aussi été créée : en 1940, les soldats avaient en effet eu l’idée de construire des jetées artisanales en alignant des camions dans l’eau, les uns à côté des autres.

9 – Trois lieux de tournage, bis : sur l’eau

La plupart des scènes à bord du Moonstone, l’un des voiliers civils, ont été filmées sur le lac artificiel Ijsselmeer aux Pays-Bas, sans marée mais avec quelques vagues et une profondeur de 3 ou 4 mètres. D’autres séquences aquatiques ont été filmées sur la Manche, près de Dunkerque, mais aussi sur le plateau n°16 des studios Warner en Californie – qui disposent de l’un des plus grands réservoirs d’eau au monde – ou encore à Falls Lake, aux studios Universal, toujours en Californie – pour le naufrage d’un bateau de 55 tonnes.

10 – Trois lieux de tournage, ter : dans les airs

Les trois Spitfire et le voilier Moonstone

Pour les combats aériens filmés au-dessus de la Manche, la production a loué trois Spitfire de la Royal Air Force d’époque —2 Mark 1 et un Mark 5—ainsi qu’un Spanish HA-1112 Buchón pour tenir lieu d’avions allemands ME-109 ou Messerschmitts. Christopher Nolan a effectué un vol à bord d’un Spitfire afin de comprendre l’expérience des pilotes car il voulait tout montrer de leur point de vue. Tout en utilisant des caméras IMAX. Un objectif pivotant, rappelant un périscope, a donc été conçu afin de pouvoir introduire la grosse caméra IMAX en position verticale dans les espaces très exigus des cockpits. Grâce à ce dispositif, l’équipe a pu tourner en vol à hauteur des yeux d’un pilote, regardant à travers la verrière.

11 – Ton lacet est mal fait

Christopher Nolan pousse l’authenticité historique à un degré extrême. Harry Styles raconte que le premier jour du tournage, quand il s’est montré en uniforme devant Christopher Nolan, le réalisateur l’a examiné de la tête aux pieds et lui a dit qu’il avait mal lacé ses bottes. Les soldats britanniques laçaient leurs bottes en boucles et non en croix.

12 – Une vraie armada

Kenneth Brannagh

La production a utilisé quelques bateaux qui avaient participé à l’opération Dynamo et qui sont maintenus en bon état depuis cette époque par l’Association des petits bateaux de Dunkerque (The Association of Dunkirk Little Ships). Elle a également déniché des dizaines de navires d’époque, originaires de neuf pays différents, dont trois dragueurs de mines et un navire-hôpital. Elle a aussi récupéré le Maillé- Brézé, un contre-torpilleur français de 107 mètres de long. Ce bateau n’ayant plus de moteur, il a été remorqué depuis Nantes, où il faisait office de musée depuis 1991. Elle a également acheté un voilier cossu de 12 mètres, construit en 1939, pour camper le Moonstone. Elle a enfin trouvé un vieux bateau des garde-côtes de Rotterdam, long de 60 mètres, qui a été transformé en contre-torpilleur avec des canons et des tours adaptés à la bonne échelle. Le jour du tournage en mer le plus chargé, il n’y avait 62 bateaux réunis dans la Manche.

13 – D’une Mercedes à un catamaran

Pour que le spectateur fasse l’expérience du roulis des bateaux, Christopher Nolan a suivi les conseils de Steven Spielberg et de Ron Howard et utilisé autant que possible la caméra à l’épaule. Mais le réalisateur a aussi utilisé son dispositif de caméra télescopique et rotative de 8 mètres de long baptisé la Grue. Il s’en était servi auparavant pour filmer les scènes de poursuite en voitures de sa trilogie The Dark Knight en le fixant sur un SUV Mercedes. Cette fois, la Grue a été installée à l’avant d’un gros catamaran très léger, rapide, facile à manœuvrer et capable de suivre le rythme des autres bateaux et les filmer de très près.

14 – Tous dans le même bain

Cillian Murphy

Pendant le tournage, les techniciens de différents départements devaient être aussi présents sur l’eau, avec leur propre flottille. Outre les bateaux de tournage, il y avait ainsi des canots de sauvetage, des embarcations pour les maquilleurs/coiffeurs, d’autres transportant les costumes… Même les repas étaient acheminés sur l’eau aux acteurs et à l’équipe technique.

15 – Quelques entorses à l’authenticité

Pour des raisons dramaturgiques, Christopher Nolan a pris quelques libertés avec la vérité historique. Par exemple, dans son film, les ME-109 Messerschmitt ont un nez jaune, alors qu’à ce moment-là de la guerre, ils n’étaient pas encore peints de la sorte. Mais cela permet aux spectateurs de mieux distinguer l’ennemi des Spitfire.

16 – Acrobaties aériennes

Un Yak-52, un avion soviétique deux places assez semblable au Spitfire, a été aménagé en avion de chasse britannique pour filmer les gros plans des acteurs dans le cockpit. Une plate-forme a été conçue permettant à une caméra IMAX d’être fixée sur le Yak en toute sécurité et ainsi filmer les gros plans sous différents angles, en changeant la caméra de place, alors même que l’appareil était encore en l’air.

17 – Ni fond vert, ni fond bleu

Tom Hardy

Toutes les scènes de cockpit avec Tom Hardy et Jack Lowden n’ont pu être tournées en vol. Certaines d’entre elles ont été filmées sur un plateau mais Christopher Nolan ne voulant utiliser ni fond vert ni fond bleu tout en ayant à chaque fois en arrière-plan de l’eau, à une altitude appropriée, avec un vrai ciel et de la lumière naturelle, il a obtenu l’autorisation de monter un cardan sur lequel était fixé le cockpit d’un Spitfire dans un espace réservé aux garde-côtes américains, sur une falaise de Palos Verdes, en Californie. Le réalisateur avait ainsi une plate-forme en hauteur, d’où il pouvait filmer les acteurs en train de piloter l’avion et obtenir une matière réelle à monter avec les séquences tournées en plein vol.

18 – De l’avantage de la pellicule sur le digital

Pour le crash en mer d’un Spitfire, une réplique de l’appareil a été construite. Une caméra IMAX y a été attachée pour filmer l’accident. L’avion et la caméra ont cependant coulé plus vite que prévu. Quand la caméra a été retrouvée, après quelques heures de recherche, elle était noyée dans sa house imperméable trouée. L’équipe a sorti le film de la caméra mais l’a gardé humide jusqu’à son développement à Los Angeles. Les images qui en ont été tirées se sont avérées parfaites. Ce qui n’aurait pu être possible avec une caméra digitale.

Christopher Nolan et Kenneth Brannagh

19 – L’harmonie entre la musique et les sons

Le film est une course contre la montre et le compositeur Hans Zimmer a intégré le tic-tac de la montre de Christopher Nolan dans sa bande originale. Il a aussi synthétisé et mixé les bruits de moteur du Moonstone et de quelques autres bateaux.

20 – Imax et 65 mm

75% du film ont été tournés avec une caméra IMAX. Le seul défaut que Christopher Nolan trouve à cette caméra est son bruit qui gêne l’enregistrement en direct des dialogues. Comme le réalisateur n’aime pas les raccords en postsynchronisation – car la performance des acteurs perd alors de sa force – il a utilisé une autre caméra et un autre format – le 65 mm à 5 perforations – pour enregistrer les dialogues. C’était le format utilisé par David Lean pour Lawrence d’Arabie.

Crédit photos : © Warner Bros