Dans sa nouvelle série, The Rookie, Nathan Fillion incarne John Nolan, un jeune flic vieux. A 40 ans passés, John Nolan est, en effet, un bleu de la police de Los Angeles, qui jongle entre sa sagesse d’homme mûr et ses erreurs de débutant. Après huit ans de Castle, l’acteur retrouve un rôle qui lui va, une fois de plus, comme un gant, dans une très bonne série policière dont l’équilibre entre le drame et la comédie est immédiat. La diffusion de The Rookie : le flic de Los Angeles commence sur M6 ce 5 juillet.

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Etait-ce difficile de trouver une nouvelle série après l’arrêt de Castle ?

Ma priorité à la fin de Castle était de ne pas travailler pendant quelques temps. Le rythme d’une série avec des épisodes d’une heure est intense. Mais les chances pour qu’une série dure très longtemps sont si minces que vous pensez que vous n’aurez ce rythme que pendant quelques années. Castle a tenu huit ans ! Donc après huit ans, j’avais hâte de faire une pause. Je pensais qu’elle durerait deux ans. J’ai joué dans quelques projets ici et là. Rien de trop intense. On s’amusait entre amis. Puis j’ai reçu un appel d’Alexi Hawley, le producteur et scénariste que j’avais rencontré sur Castle. Il préparait une nouvelle série avec le producteur Mark Gordon [producteur, entre autres, de Grey’s Anatomy, Designated Survivor, NDLR].Ils avaient une idée. Je ne suis pas le type le plus intelligent du monde mais je le suis suffisamment pour savoir quand dire oui. Et quand Alexi m’appelle, me présente son idée et affirme qu’il veut de nouveau travailler avec moi, je suis assez intelligent pour répondre : « Oui, c’est une bonne idée. » Donc même sans scénario, j’étais assez confiant pour vouloir aller plus loin. On a proposé l’idée à quelques networks, dont ABC. Ils étaient très intéressés. Puis, on a écrit la série. On a eu un scénario seulement après avoir vendu le projet. Je fais ce boulot depuis 25 ans et c’est la première fois que ça arrive. Les probabilités qu’une série soit diffusée sont minces. Les probabilités qu’elle ait du succès pendant huit ans sont encore plus minces. Les probabilités d’avoir une autre série après ça ? Et on a été renouvelé pour une saison 2 ! Je suis le type le plus chanceux que vous rencontrerez aujourd’hui ! (Rires)

Avez-vous pris part à l’écriture des scénarios ?

Je crois que c’est une autre de mes forces que de savoir quand m’effacer et laisser les gens intelligents prendre les choses en main. Je ne suis pas fort côté écriture. Créer quelque chose de zéro est très intimidant. Ma force est d’être capable d’intervenir après coup. Je les laisse préparer le repas puis j’ajoute un peu de poivre ici et là. J’ai laissé Alexi s’occuper de l’histoire, du personnage parce que c’est sa force. Je savais que je n’avais pas à m’inquiéter. Si je devais m’en occuper, là, je m’inquièterai.

Quelle sorte de poivre ajoutez-vous ? De la comédie ?

Absolument. La comédie autour de John Nolan est encore différente de celle autour de Castle. Castle n’avait aucun filtre, aucun respect pour les règles ou les sentiments d’autrui. Il était écocentrique. Cela m’apportait beaucoup de liberté car c’était un tel emmerdeur. Mais Nolan… J’aime regarder les gens échouer parce que c’est sans danger pour moi. Je n’aime pas échouer mais j’adore regarder les autres échouer. J’adore ce sentiment d’être content de savoir que ce n’est pas moi. Faire vivre ça à John Nolan, pouvoir dire : « Je suis content de ne pas être lui. »… C’est le genre d’humour que j’attends avec John.

Quand il échoue, il se relève à chaque fois.

C’est ce que nous devons tous faire. C’est, je crois, ce qu’on aime chez John.

Vous êtes producteur de la série. Est-ce une responsabilité que vous appréciez ?

C’est intéressant. C’est juste un titre qui me permet d’avoir une voix. Après 25 ans d’expérience, j’ai des choses à dire. Je peux identifier un problème et proposer des solutions. Je peux participer au casting. Je peux appeler un ami et lui dire que j’aimerais qu’il nous rejoigne en lui précisant ce qui l’attend. C’est tellement plus facile de travailler avec des gens que je connais. Il y a aussi moins de risques que d’engager des inconnus avec qui vous ne savez finalement pas où vous allez. Cela peut être génial. Ou pas. Mais c’est ce que j’apporte : 25 ans d’expériences et de relations.

Pensez-vous renouveler le genre de la série policière avec The Rookie ?

Oui. Il est clair que nous ne sommes pas les premiers à faire une série policière, il y en a déjà eu beaucoup avant nous, mais je pense que la nôtre est différente. D’abord par son angle. Ce n’est pas tant une série sur un flic que l’histoire de quelqu’un qui recommence sa vie. C’est d’ailleurs ce qui arrive dans la société d’aujourd’hui. Nos parents avaient un travail dès 20 ans et ils mourraient en faisant toujours ce travail. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Vous avez un travail pendant quelques années puis l’entreprise ferme et vous devez trouver un autre poste ou exercer un autre métier. C’est comme le divorce. Cela arrive tout le temps, à n’importe qui. On raconte l’histoire de cet homme, de celui qui doit tout recommencer à zéro, en apportant avec lui son expérience de la vie, devant relever des défis. Je crois que l’on peut tous s’identifier à lui. Alors que je ne pense pas que l’on peut tous s’identifier à un flic. Mais on peut s’identifier à quelqu’un qui se relève et qui recommence sa vie. Je m’identifie pleinement à John car mon travail est une succession de jobs. Jusqu’à ce que je sois engagé sur Castle, une grande part de mon travail était de chercher du travail. Je ne passais qu’une petite part à travailler. Cela peut être dur à vivre. Et je dois tout recommencer à chaque projet. Et le projet que je choisis n’est pas un succès assuré. Je peux obtenir un rôle et faire un pilote de série qui ne deviendra pas une série. Ou qui devient une série mais qui sera annulée rapidement. Ou qui finit sa première saison mais sans en obtenir une seconde. Les chances d’échec sont immenses. C’est assez phénoménal pour moi de voir que je continue à travailler.

Y a-t-il un message dans The Rookie ?

Les trois bleus : Titus Making Jr., Melissa O’Neil, Nathan Fillion

Absolument. Il y a trois bleus différents. Ils vivent la même expérience mais ils ont tous les trois un passif différent. L’un est né et a été élevé pour être un policier. L’autre fait face aux défis d’appartenir à une minorité et d’être une femme dans une carrière dominée par les hommes. Mon personnage recommence sa vie avec l’avantage et le désavantage d’être le plus vieux. Chacun connaît des situations différentes. Chacun apporte quelque chose de différent dans le métier. Et encore une fois, le quotidien de M. Tout-le-monde est différent du quotidien d’un policier. Les flics portent une arme, ils font partie de l’autorité et les enjeux sont énormes. Une seule erreur coûte très cher. Elle peut leur coûter leur job, elle peut détruire une vie, ils peuvent se faire tuer. Ce qui amplifie les effets et les conséquences de chaque décision. Au final, on se demande : « Qu’est-ce que j’aurais fait à sa place ? Dans cette situation ? Quelle est la chose juste à faire ? »

Les intrigues de la série sont-elles totalement fictives ou basées sur la réalité ?

Un peu des deux. Ce qui est intéressant est que cette série n’aborde pas une seule affaire et ne la résout pas à la fin de l’épisode. Ce n’est pas notre job. On n’est pas des enquêteurs. On est des agents de police. On arrive. On arrête le type. Son histoire continue mais la nôtre se termine là. Tout n’est que rencontres, tout n’est que décisions rapides à prendre. Il y a plein de petits morceaux d’histoires dans nos épisodes. C’est différent d’une enquête.

C’est une série assez physique. Avez-vous suivi une préparation spéciale ?

Il est clair que je veux être en forme et que je veux être beau à l’écran mais je veux surtout éviter les blessures. Si vous voulez être super actif tous les jours et exécuter toutes ces scènes d’action, il est important d’être solide. Se tordre la cheville n’est pas une option. Je dois continuer à travailler. Avant, je voulais faire toutes les cascades moi-même. Puis j’ai réalisé deux choses. Si j’exécute la cascade, le cascadeur n’est pas payé. Et si je me blesse, après un certain âge, je ne me remets pas aussi bien qu’avant. J’ai un genou en mauvais état depuis l’âge de 32 ans. Je ne veux pas me blesser le dos. Et je sais comment je peux me blesser le dos. Je connais mes limites. Je sais que pour une course-poursuite, je peux courir pendant trois prises. Après, une doublure me remplacer. Je dois revenir travailler le lendemain. Je ne peux pas tout me permettre.

Quel était le plus grand défi sur The Rookie ?

Le costume. Il est noir, il est en laine. Je ne sais pas ce que représente 113° Fahrenheit en Celsius [45°C], mais il fait très chaud l’été à Los Angeles et on est habillé de laine noire de la tête aux pieds. C’est dur. Et vous avez votre ceinture avec tout votre équipement et ce n’est pas un équipement léger. Dès que vous vous baissez, votre arme cogne contre votre hanche et cause un hématome. Imaginez passer une semaine à recevoir des coups de pistolet. Et vous ne pouvez pas vraiment vous asseoir. Et si vous devez aller aux toilettes, vous devez retirer tant de trucs qu’il vous faudra ensuite remettre quand vous aurez fini. C’est un calvaire. Chaque fois que vous regardez une scène de trois minutes, comprenez qu’on a mis trois heures à la tourner. C’est beaucoup.

A part pour le costume, est-ce toujours amusant de jouer aux gendarmes et aux voleurs à votre âge ? Et je ne dis pas que vous êtes vieux…

(Sourire) A part pour le costume, oui. Je crois que la meilleure partie de mon travail est de pouvoir prétendre exercer tous ces autres métiers. Mon quotidien est une aventure. Cela n’a pas d’importance ce que je fais, que ce soit un flic, un auteur, un capitaine de l’espace, un pirate… Chaque jour est une aventure. Et je m’amuse vraiment bien. Est-ce que j’aime prétendre être un flic ? Oui, c’est génial. Est-ce que je serai, un jour, un flic ? Jamais de la vie.

Pourquoi?

Nathan Fillion et Afton Williamson

Parce que quand nous, gens sains et raisonnables, nous fuyons quelque chose, les flics, eux, doivent courir vers ce quelque chose. C’est une vocation. Vous devez avoir la vocation pour être flic.

Avez-vous un rituel quelconque avant de tourner une scène ? Quelque chose que vous faites par superstition ?

Chaque jour, je reçois une petite version du scénario. Ce sont les pages des scènes que je vais tourner ce jour-là. C’est du petit format et je peux les plier et les mettre dans ma poche. Je les réduis encore un peu plus et je les surligne en orange. Pour une raison qui m’échappe,  je ne peux pas les lire si ce n’est pas en orange. Je les agrafe à nouveau et c’est ma petite Bible pour la journée. Tout ce que je dois savoir est dans cet ouvrage. Si je le perds, je suis foutu. Et quand je finis une scène, je déchire les pages de la scène et le nombre de feuilles diminue. Et je sais alors que ma journée avance. C’est mon rituel.

Pourriez-vous jouer dans une série purement dramatique, dénuée de tout humour ?

Certainement. Mais la comédie me manquerait. Si vous connaissez des policiers, vous savez que leur travail est intense. C’est leur réalité. Les policiers que je connais ne sont pas des gens hantés, brisés, à cran, ni des loups solitaires qui ne veulent pas qu’on les approche. Ce sont des gens normaux.

Ils ont quand même un étrange sens de l’humour.

Parce que toutes leurs histoires drôles commencent par quelque chose de bizarre. C’est ce qui se passe dans leur travail. Plus les enjeux sont élevés et plus les risques sont élevés. Donc quand quelque chose de drôle arrive, c’est toujours dans un environnement inhabituel. Mais c’est la vraie vie. Est-ce que je pourrais faire du drame pur ? Bien sûr. C’est facile. Faites rire les gens, ça, c’est difficile. Mon dieu que c’est difficile. Mais je peux vous faire pleurer. (Rires)

Quelle est la série la plus drôle que vous ayez faite ?

Probablement Castle. D’abord, sa longévité m’a permis d’essayer beaucoup de choses différentes. Et les autres acteurs étaient aussi très bons pour inventer des trucs à partir des scénarios, qui étaient fantastiques. C’était une série géniale. Une fois que les acteurs sont sur le plateau, on ne pouvait pas tout prévoir malgré le scénario, surtout qu’on essayait au quotidien de faire des trucs marrants. Mais je pense qu’il faut aussi savoir quand s’effacer pour laisser place au drame.

Etait-ce vraiment dur pour vous quand Castle s’est arrêtée ?

Très bonne question. Oui, c’était dur. Mais pas parce que la série me manque tant que ça. Je ne suis pas vraiment un spectateur de Castle mais plutôt un participant du spectacle donc mon expérience était différente. Les gens me manquent. Je travaillais au quotidien avec 110 ou 120 personnes. C’était notre équipe. Donc oui, eux me manquent. C’était une bonne équipe. Il y en a quelques-uns sur The Rookie. J’en vois d’autres dans le studio où on tourne. Ils continuent de travailler. Je continue de travailler. On se croise de temps en temps. Mais j’avais besoin de cette pause. C’était intense comme je vous le disais plus tôt. J’étais à la fois heureux et triste que ça s’arrête. J’avais besoin d’une pause. Huit ans, ça va. C’était une belle époque. Je n’ai pas à me plaindre.

Savez-vous ce qui vous attend dans la saison 2 de The Rookie ?

Richard T. Jones et Nathan Fillion

Je connais deux ou trois choses. Je suis enthousiaste pour la série en elle-même. Quand vous êtes dans ce milieu depuis aussi longtemps que moi, vous commencez à vous inquiéter de certaines choses et, notamment, vous vous demandez si le moteur de la série peut continuer à tourner année après année. Faire tenir une série sur une saison est un défi. Sur deux saisons, le défi est encore plus grand. Et plus vous enchaînez les saisons et plus le défi augmente. Ce que j’aime avec The Rookie, c’est que son évolution est au cœur même de la série. Les personnages ne peuvent être des bleus que pendant un an. Après ça, leur situation change, ce qui entraîne de nouvelles responsabilités, plus d’autorité… Différentes choses vont arriver de par la nature du travail. Leur travail évolue donc la série évolue. Nous apprenons alors en même temps qu’eux. Je pense que la série met vraiment le doigt sur les procédures, sur le fait que les flics doivent faire attention au moindre détail. C’est à la fois rafraîchissant et satisfaisant de montre ça. On voit des flics tirer sur les méchants tout le temps à la télé. Dans un épisode de The Rookie, nous montrons ce qu’il se passe après ça. Ce qui est incroyablement important et que peu de gens connaissent vraiment. Je pense que ce que vous apprenez avec notre série est important.

Avez-vous un espoir particulier quant à l’évolution de votre personnage?

Je n’y ai pas encore pensé. Qu’est-ce que j’espère ? En fait, je suis partagé sur une chose. Le sergent Grey est un personnage vraiment merveilleux et j’adore qu’il s’oppose à John Nolan pour toute sorte de bonnes raisons. Le sergent Grey n’aime pas John Nolan. Et je crois que c’est une dynamique fantastique. J’aimerais qu’il ait plus de respect pour lui mais en même je ne voudrais pas perdre cette dynamique. « Je suis votre sergent, je ne suis pas votre ami. C’est dans mon intérêt de vous voir échouer. Je ne veux pas que vous échouiez mais je serai heureux quand cela arrivera. » Ce n’est pas un méchant, c’est certain, tout ce qu’il fait est juste, mais ce n’est pas le meilleur ami de John Nolan. Je suis vraiment curieux de voir comment leur relation va évoluer.

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