Hommage aux comédies musicales des années 40 à 60, le magnifique La La Land de Damien Chazelle suit l’histoire d’amour d’une jeune actrice pleine d’espoir et d’un ambitieux musicien de jazz alors qu’ils tentent de réaliser leurs rêves dans le cynique Los Angeles d’aujourd’hui. Voici 20 secrets, faits avérés et autres anecdotes pour tout savoir de la création de ce petit bijou d’émotions. Le film sort en salles ce 25 janvier.

Emma Stone et Ryan Gosling

1 – La genèse de La La Land

Damien Chazelle

Le réalisateur Damien Chazelle a eu l’idée de La La Land dès 2007, alors qu’il était en dernière année d’études de cinéma à Harvard. Lui et son camarade d’université Justin Hurwitz – le compositeur de Whiplash et de La La Land – réfléchissaient à un concept de comédie musicale rétro dans la forme mais moderne dans le fond alors qu’ils travaillaient sur leur sujet de thèse, une autre comédie musicale, cette fois sur un musicien de jazz de Boston intitulée Guy and Madeline on a Park Bench. En 2010, Damien Chazelle et Justin Hurwitz, désormais installés à Los Angeles, ont repris l’écriture de La La Land, resituant l’action dans la cité des anges. Les refus des producteurs se sont cependant enchaînés : ils ne trouvaient pas le sujet suffisamment commercial. Un ami les a présentés aux producteurs Fred Berger et Jordan Horowitz et la société Focus a accepté de les financer à hauteur de moins d’1 million de dollars. Focus a demandé des modifications au scénario dont le remplacement du musicien de jazz par un chanteur de rock, la simplification du numéro d’ouverture et l’abandon de la fin douce-amère. Damien Chazelle a refusé et son scénario est reparti dans le circuit. Pour émerger à nouveau suite au succès de Whiplash au festival de Sundance. Lionsgate et Black Label Media ont donné le feu vert au projet de La La Land, lui ont alloué un budget de 25 millions de dollars et ont demandé des stars dans les rôles principaux.

2 – La note d’intention de Damien Chazelle

Damien Chazelle voulait réaliser « un film sur deux êtres animés par des rêves quasi irréalisables qui les poussent l’un vers l’autre mais qui les divisent aussi. Même si La La Land est très différent de Whiplash, ces deux films parlent d’un sujet qui me tient beaucoup à cœur : comment trouver un équilibre entre l’art et la vie, entre les rêves et la réalité et, plus précisément, comment trouver un équilibre entre son rapport à son art et son rapport aux autres. Avec La La Land, je voulais aborder ces thèmes en utilisant la musique, les chansons et la danse. Je trouve que la comédie musicale est le genre par excellence qui permet d’évoquer ce délicat dosage entre rêve et réalité. Je voulais raconter une histoire d’amour et réaliser une comédie musicale digne de celles qui m’ont enchanté quand j’étais gamin mais en l’inscrivant dans un contexte très actuel. Je voulais utiliser la couleur, les décors, les costumes et les codes expressionnistes du cinéma d’autrefois pour raconter une histoire se déroulant aujourd’hui ».

3 – Les inspirations de Damien Chazelle

Damien Chazelle s’est inspiré des Parapluie de Cherbourg, des Demoiselles de Rochefort et d’Une chambre en ville, tous trois de Jacques Demy, mais aussi de Chantons sous la pluie, du Danseur du dessus, de Boogie Nights… Pendant la préparation, il organisait des projections de ces films pour les équipes artistique et technique. Il a ainsi réinterprété les codes des comédies musicales des années 40 à 60 avec sa sensibilité d’homme du XXIème siècle : la partition musicale ininterrompue, les couleurs acidulées, le CinemaScope anamorphique, l’énergie. Il a emprunté à Max Ophuls ses mouvements de caméra : la caméra est semblable à un danseur, tout en fluidité, et ne gêne pas les pas de danse des comédiens tout en s’intégrant à la chorégraphie. Il a aussi imité la mise en scène de Raging Bull et, comme Martin Scorsese a placé sa caméra au centre du ring, il a placé sa caméra parmi les danseurs afin de créer l’impression qu’elle se déploie tout autour d’eux.

4 – La musique de Justin Hurwitz

Pour le compositeur Justin Hurwitz, les personnages de Mia et Sebastian sont aimantés l’un à l’autre mais s’affrontent en raison de leurs ambitions artistiques distinctes, elle dans le cinéma et lui dans la musique. Leur attirance est la force motrice du film et de sa musique. « C’est un film très romantique, quoique empreint de mélancolie. Il exalte les sentiments les plus fous et il évoque les chagrins d’amour déchirants, si bien qu’il fallait que toutes ces nuances se retrouvent dans la partition. » Justin Hurwitz a développé le thème musical du film alors que Damien Chazelle réfléchissait encore à l’intrigue. Il lui a fallu 31 essais pour que le réalisateur accepte enfin la mélodie principale du film, celle de la chanson « City of Stars ». Il lui a ensuite envoyé des centaines de mélodies au piano. Damien Chazelle les a réduites à une vingtaine. Les producteurs Fred Berger et Jordan Horowitz les ont écoutées puis réduites encore.

5 – Les chansons de Benj Pasek et Justin Paul

Les auteurs Benj Pasek et Justin Paul ont développé les chansons à partir des mélodies de Justin Hurwitz qui ont survécu à la sélection. Pour les paroles, ils ont trouvé leur inspiration dans les deux acteurs Emma Stone et Ryan Gosling, dans l’alchimie et le charme qui se dégagent de leur relation mais aussi dans ce qu’incarnent leurs personnages Mia et Sebastian. « Sebastian est un peu en décalage avec son temps et appartient à la contre-culture, si bien que c’était un défi intéressant à relever, explique Justin Paul. À l’inverse, Mia est moins torturée. »

6 – La chorégraphie de Mandy Moore

Les chansons de Benj Pasek et de Justin Paul ont ensuite inspiré les scènes dansées. La chorégraphe et danseuse Mandy Moore a ainsi créé, planifié et orchestré les danses allant des numéros à grand spectacle – comme celui sur l’autoroute pour l’ouverture du film – aux numéros plus intimes – comme celui sur les collines d’Hollywood. Damien Chazelle a voulu une chorégraphie évoquant l’élégance, l’imagination et la liberté dramaturgique des comédies musicales d’autrefois tout en y apportant une énergie et un rythme proches des contenus vidéo que les spectateurs sont habitués à voir sur YouTube et sur leurs smartphones.

7 – Le casting d’Emma Stone et de Ryan Gosling

Emma Watson a été la première choisie pour interpréter Mia. Le directeur musical Marius De Vries a commencé à travailler avec elle pour le chant. Puis elle a voulu qu’il l’aide aussi à préparer un autre rôle pour lequel elle postulait, celui de Belle dans La Belle et la Bête. Quand les plannings de tournage des deux projets se sont télescopés, Emma Watson a préféré Belle à Mia. Damien Chazelle s’est alors tourné vers Emma Stone.

Miles Teller a été le premier choisi pour interpréter Sebastian, un choix naturel après avoir été l’acteur principal de Whiplash. L’acteur aurait cependant cherché à obtenir un cachet supérieur aux 4 millions de dollars offerts – soi-disant pour être mieux payé que sa co-star. Les négociations ont traîné. Devant tourner Divergente 3 : au-delà du mur, il n’aurait alors plus eu le temps d’apprendre le piano pour La La Land. Damien Chazelle s’est donc tourné vers un autre acteur, Ryan Gosling qui, de son côté, a préféré jouer dans La La Land que dans La Belle et la Bête.

8 – J.K. Simmons, le porte-bonheur

Ryan Gosling et J.K. Simmons

Depuis le succès de Whiplash et de La La Land, Damien Chazelle estime que l’acteur J.K. Simmons – présent également dans son court métrage Whiplash – est devenu son porte-bonheur. Il espère donc qu’il sera dans tous ses prochains films.

Le réalisateur a trouvé amusant de lui faire jouer le rôle d’un directeur de club qui déteste le jazz dans La La Land après lui avoir fait jouer un prof et chef d’orchestre de jazz dans Whiplash.

9 – Des auditions plus vraies que nature

Mia étant une actrice en devenir, le film la montre passant des auditions humiliantes. Ces dernières sont inspirées de faits réels, vécus par Emma Stone et Ryan Gosling à leurs débuts, notamment celle où le directeur de casting répond à son téléphone alors que Mia joue un monologue en larmes.

10 – La tradition a du bon

Dans la tradition des anciens studios où toutes les disciplines nécessaires à la création d’une comédie musicale étaient réunies dans un même espace afin que tous travaillent de concert, Damien Chazelle a demandé à la production de La La Land d’investir plusieurs entrepôts adjacents d’Atwater Village à Los Angeles dès mai 2015. L’un servait pour les leçons de danse des acteurs et la préparation des numéros musicaux, un autre pour les leçons de piano de Gosling, un autre pour les costumes de Mary Zophres…

11 – Le talent de chanteuse d’Emma Stone

Danielle Chazelle a repéré les talents de chanteuse d’Emma Stone alors qu’elle jouait Cabaret à Broadway en 2014. Dans La La Land, l’actrice a un numéro de chanteuse solo où elle entonne « Audition ». Elle a voulu chanter dans les conditions du direct sur le plateau, accompagnée au piano par Justin Hurwitz, afin d’apporter « une dimension supplémentaire irremplaçable » à son interprétation, même si la voix s’éraille ou si elle « chante un peu faux ». La scène a été tournée en plan-séquence, sans montage.

12 – Le talent de pianiste de Ryan Gosling

Ryan Gosling a pris des cours de piano pendant trois mois à raison de quatre heures par jour. Pour tourner sa toute première scène au piano, Damien Chazelle a engagé une doublure pour les gros plans sur les mains de l’acteur. Il a vite réalisé que la doublure était inutile, Ryan Gosling étant parfait. Le comédien n’était cependant pas un novice au piano. Il a enregistré un album avec son ami Zach Shields, Dead Man’s Bones, en 2009, où il chante et joue du piano, de la guitare et de la basse.

13 – Le talent de danseurs d’Emma Stone et de Ryan Gosling

Mandy Moore a assuré elle-même l’apprentissage des deux acteurs afin de conserver une unité entre la préparation et le tournage. Elle a imaginé les différents pas de danse pendant leur entraînement, faisant de ces pas une partie intégrante de leurs personnages.

Les deux acteurs ont d’abord suivi des leçons individuelles donnés par Mandy Moore pendant deux mois. Ils ont commencé par apprendre comment associer les mouvements de danse au rythme de la musique avant de se lancer dans le jazz, les claquettes et la valse puis de finir avec la maîtrise du style et de la prestation.

Une fois les bases acquises par les deux comédiens, Mandy Moore les a mis ensemble pour leur apprendre des mouvements en couple basés sur les préférences montrées par chacun en individuel. Les deux personnages étant deux apprentis artistes, ils ne sont pas censés être des danseurs et des chanteurs accomplis. Damien Chazelle les a donc – presque – encouragés à commettre quelques erreurs.

14 – Les costumes de Mia

La créatrice de costumes Mary Zophres a opté pour des costumes aux tons chatoyants afin de montrer le côté « girlie » de Mia au début du film. Puis, à mesure que Mia gagne en maturité et qu’elle se concentre sur son travail d’actrice, les teintes de sa garde-robe s’estompent jusqu’à passer au noir et blanc. A la fin du film, ses vêtements sont devenus aussi sophistiqués qu’elle. La plupart des tenues de Mia ont un côté vintage, en adéquation avec l’atmosphère du film. Son chemisier de barmaid s’inspire d’un plan d’Ingrid Bergman des années 40, sa robe dos nu d’un bout d’essai que la même Ingrid Bergman a fait au début de sa carrière, sa robe vert émeraude de celle portée par Judy Garland dans Une étoile est née, son pantalon noir de celui d’Audrey Hepburn dans Drôle de frimousse. Sa robe jaune canari à fleurs vertes était destinée à la doublure d’Emma Stone pour les répétitions mais l’actrice en est tombée amoureuse et l’a gardée pour elle. Certains des costumes de Mia sont signés par des couturiers (dont une robe à 1 800 dollars du Canadien Jason Wu) ou viennent de magasins de prêt-à-porter (dont un t-shirt à 6 dollars de H&M).

15 – Les costumes de Sebastian

Mary Zophres voulait pour Sebastian une élégance légèrement décalée avec son époque. Le personnage montrant une telle révérence pour le passé et les musiciens du passé, elle voulait qu’il ne porte ni jeans, ni t-shirt, ni baskets. Il arbore donc un costume marron en zibeline ou une veste en tweed bleue ou des tenues totalement noires quand il est en tournée avec le groupe les Messengers. Il est aussi chaussé de chaussures bi-chromes en vogue dans les années 40. La garde-robe de Sebastian est au final une combinaison de cinq chemises, deux pantalons et trois vestes tous taillés de façon à ce que Ryan Gosling se sente à l’aise dans ses numéros de danse.

16 – Les choix techniques de Damien Chazelle

Damien Chazelle a filmé La La Land en 35 mm anamorphique à 4 perforations. Comme il a tenu à tourner une majorité de ses scènes – dont les grands numéros musicaux – en plan-séquence, sans montage ni trucage, il a été confronté à l’autonomie des bobines limitée à dix minutes.

La séquence où Mia et Sebastian cherchent la voiture de Mia dans les collines d’Hollywood dure six minutes. Pour corser l’affaire, le réalisateur a voulu une lumière particulière. Le tournage devait donc se finir avant les premières lueurs du jour. La séquence a été une course contre la montre. Elle a demandé dix prises tournées sur deux nuits. Après chaque prise, les deux acteurs devaient courir au point de départ, essuyer leur sueur et recommencer la scène.

Les films en CinemaScope sont habituellement tournés en 2.40:1. Damien Chazelle a voulu tourner en 2.52:1 pour lui donner l’aspect plus anamorphosé des vieux films. Les techniciens de Panavision ont construit de nouveaux verres dépolis et adapté les objectifs.

Le réalisateur ne voulait pas avoir recours à des effets numériques en postproduction. Tout devait être réussi pendant le tournage sur le plateau.

L’Observatoire de Griffith Park

17 – L’hommage à Los Angeles

Los Angeles est la ville préférée de Damien Chazelle et elle est un personnage à part entière dans La La Land. Pendant les 40 jours du tournage en août et septembre 2015, l’équipe a investi plus de 60 décors naturels de la cité dont le cinéma Rialto Theatre, l’Observatoire de Griffith Park et son planétarium, l’échangeur des autoroutes 110 et 105, les Hollywood Hills, The Lighthouse Cafe…

18 – L’ouverture du film

La première séquence dansée du film, intitulée « Traffic », met en scène un embouteillage sur une autoroute. Elle a d’abord été minutieusement chorégraphiée avec des maquettes de voitures et des personnages miniatures et documentée avec des Post-it précisant les marques de chaque automobile, l’identité de chaque personne censée grimper sur tel ou tel véhicule et les voitures qui devaient être renforcées. La production a aménagé un espace dans un parking où ont été installées de fausses séparations des voies et des véhicules pour que Damien Chazelle, Mandy Moore et tous les comédiens et danseurs puissent répéter. Ces répétitions ont duré trois mois en amont du tournage.

La séquence devait à l’origine être filmée sur une bretelle d’autoroute située au niveau du sol. Mais le réalisateur est tombé amoureux de l’échangeur 105-110 situé à plus de 30 m de hauteur. La production a obtenu un permis de tourner de 48 heures sur cette portion d’autoroute que la police autoroutière de Californie a fermée pour l’occasion. Le numéro musical a demandé 30 danseurs professionnels, plus de 100 figurants, des cascadeurs et des douzaines de voitures. Devant être proche de l’action pour donner ses instructions aux danseurs mais ne pouvant apparaître à l’écran, Mandy Moore s’est cachée sous une voiture. Elle regardait les prises sur un petit écran et donnait ainsi ses indications sans crainte d’être vue.

Pendant ces deux jours de tournage, la température a atteint près de 38°C. Les danseurs n’avaient que deux costumes de rechange cachés dans les voitures.

19 – Un navet assuré

Les premières projections tests de début 2016 ont été très mauvaises. Une partie du film ne fonctionnait pas et Damien Chazelle a revu sa copie afin de trouver le ton du film et l’équilibre entre les numéros de danse et l’histoire du couple. Le montage avec le monteur Tom Cross lui a demandé près d’un an. A la première mondiale – l’ouverture du Festival de Venise, excusez du peu – Damien Chazelle était toujours persuadé d’avoir réalisé un navet. Extrêmement nerveux, il a passé la première demi-heure de la projection les yeux fermés.

20 – Un succès mérité

Toute l’équipe à la remise des Golden Globes.

Depuis l’ouverture du Festival de Venise 2016, La La Land accumule les récompenses dont 7 Golden Globes dans la catégorie Comédie ou comédie musicale, le Prix du public au Festival de Toronto ou encore la Coupe Volpi de la meilleure actrice pour Emma Stone au Festival de Venise. Le film a également reçu 11 nominations aux prochains British Academy Film Awards (cérémonie le 12 février) et 14 nominations aux prochains Oscars (cérémonie le 26 février).

Crédit photos : © Lionsgate / Summit Entertainment

[Sources : Dossier de presse, AP – The Big Story, NME, The Hollywood Reporter, Viral Thread, Vulture]

 

 

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