Qui l’eut-crû ? Elijah Wood est un fan de films d’horreur, au point d’en produire, et il fasciné par les tueurs en série. Il était donc temps qu’il incarne un vrai psychopathe comme celui de Maniac.
Etant fan du genre, pourquoi ne pas avoir joué plus tôt dans un film d’horreur ?
Elijah Wood : Ce n’est pas quelque chose que je recherchais activement et aucun scénario ne m’avait vraiment attiré avant Maniac. J’aime ce genre mais il est difficile de trouver de bons scénarios. De nombreux films d’horreur sont réalisés chaque année. Ils ne coûtent pas très cher et sont très rentables, même quand ils sortent directement en vidéo car beaucoup de fans regardent tout ce qui se fait. Ils fonctionnent sur leur côté horrifique, ils n’ont pas besoin d’être bien écrits ni bien réalisés. Ces dernières années, les meilleurs films d’horreur étaient étrangers : suédois, français, espagnols… The House of the Devil de Ti West doit être le dernier film d’horreur américain que j’ai adoré.
Vous avez créé votre société de production de films d’horreur, The Woodshed, pour faire la différence ?
Je ne serais pas aussi prétentieux. On veut simplement faire des films qu’on aime avec l’espoir qu’ils trouveront leur public. C’est gratifiant de prendre part au développement et à la création d’un film, de voir une idée germer et se transformer en un script dont on peut être fier. Le premier film que l’on va produire, A Girl Walks Home Alone at Night, est un western de vampires iranien en noir et blanc, entièrement en farsi et avec de la musique iranienne. (Il sourit) Je suis content de commencer avec un film si peu commercial car il nous ressemble bien, il est audacieux et cool.
Vous cherchez l’originalité avec The Woodshed et pourtant vous tournez dans Maniac, un remake du Maniac de 1980.
Et je déteste ces p… de remakes ! (Rires) Mais il y a toujours des exceptions. Notre Maniac est radicalement différent de l’original ne serait-ce par l’utilisation de la caméra subjective. Elle donne un sentiment plus viscéral et, je l’espère, plus perturbant car le spectateur adopte la perspective du tueur, Frank. Ne montrer Frank que dans des reflets me fascinait. Et en tant qu’acteur, être présent à l’écran mais sans être vu est une idée plutôt intéressante. (Il sourit)
Qu’est-ce qui prouve que c’est vous dans le film, car on ne vous voit quasiment jamais ?
(Il sourit) Au début, on ne m’a proposé que deux semaines de tournage pour ne filmer que mes apparitions dans les reflets. Une doublure faisait alors le reste comme mes mains. Mais j’ai voulu être chaque jour sur le plateau. Et heureusement car on trouvait souvent sur l’instant une autre façon de mettre en scène un reflet ou de montrer Frank ou encore de filmer ma main et celle de ma doublure entrant dans le champ en même. Etrangement, ce n’est que plus tard, quand j’ai enregistré la voix off de Frank que le personnage a vraiment pris vie pour moi. Sinon, il n’existait que pendant le tournage de certaines scènes, comme quand il se regarde intensément dans un miroir. Frank se définit avant tout par sa voix, sa respiration, son monologue intérieur…
Après Sin City et Hooligans, vous explorez à nouveau votre côté obscur dans un rôle. Où avez-vous trouvé la noirceur de Frank ?
Frank était très intense à interpréter car il est tiré de la réalité. Son pathos est authentique, il a un passé trouble, une certaine tristesse, c’est un solitaire… Il y a plus de profondeur et de vraie noirceur dans ce personnage que dans tous ceux que j’ai interprétés auparavant. Je n’ai cependant pas fait de recherche pour ce rôle car depuis longtemps, je suis fasciné par les tueurs en série. Leur psychologie me passionne et me trouble. Le fait de lire sur eux et de regarder leurs interviews pendant toutes ces années a fait son chemin et m’a aidé jusqu’à un certain point à entrer dans le personnage. Pour moi, Frank n’est pas un méchant mais quelqu’un qui a cette horrible compulsion qu’il ne peut contrôler. Au final, il est plein de regrets et bouleversé par ce qu’il fait. Mais il ne peut s’en empêcher.
Pour finir, de tous les films d’horreur que vous avez vus, quelle scène vous a le plus terrorisé ?
Je ne sais pas si j’étais terrorisé mais les images qui m’ont le plus perturbé sont dans Begotten d’E. Elias Merhige. Le film est en noir et blanc, quasiment sans dialogue, filmé en 16 mm avec une image très dégradée, noire, sursaturée, au point qu’il est difficile de voir ce qui se passe mais quand on réalise ce qui se passe, c’est vraiment répugnant et tordu. Je n’ai pas pu finir le film la première fois. C’était ignoble. C’était génial. (Rires)
Article paru dans Studio Ciné Live – N°44-45 – Décembre 2012-Janvier 2013