Quand l’humain surpasse la mécanique. Plus qu’un récit sur une course de voitures, Le Mans 66 est avant tout une histoire d’amitié entre deux pilotes anticonformistes animés par la même passion et la même recherche de l’excellence. Ils ont combattu leurs propres démons et défier le monde automobile afin de concevoir le bolide ultime et participer aux 24 Heures du Mans. Le film ne se résume pas seulement à savoir qui va gagner. James Mangold a insufflé une dimension humaine aux scènes de conduite. Les spectateurs peuvent ainsi s’identifier aux personnages et vivre les enjeux de l’histoire. Voici les coulisses de la création de Le Mans 66 de James Mangold qui sort en salles ce 13 novembre.

Matt Damon (Carroll Shelby) et Christian Bale (Ken Miles)

Des faits réels

[SPOILER] Le Mans 66 raconte l’une des plus grandes légendes du sport automobile. Le concepteur de voitures Carroll Shelby et son pilote d’essai Ken Miles ont développé un bolide révolutionnaire qui a réussi à surpasser tous les véhicules construits par le mythique industriel italien Enzo Ferrari lors des 24 Heures du Mans en 1966. [FIN DU SPOILER]

Le duo Damon-Bale

Pour incarner Carroll Shelby et Ken Miles, James Mangold a tout de suite su qu’il voulait Matt Damon et Christian Bale. « Ils sont tous deux incroyablement doués, souligne le réalisateur. Il y avait entre eux une camaraderie naturelle que j’ai sentie dès le début et qui se perçoit vraiment à l’écran. »

Carroll Shelby et Ken Miles – Matt Damon et Christian Bale

Le réalisateur pense même qu’ils ont des points communs avec leur personnage. « Matt a été une star de cinéma presque toute sa vie. Il porte en lui la célébrité et la notoriété de sa prestigieuse carrière. Mais il est aussi confronté aux interrogations de tous les acteurs ayant atteint la quarantaine : que vais-je faire maintenant ? De la même manière, Caroll Shelby a dû se réinventer lorsque notre histoire commence. À bien des égards, Ken Miles et Christian ont le même caractère. Christian est un acteur remarquablement doué, mais il n’aime pas être une star de cinéma. En revanche, il aime être maître de son travail. De plus, lui aussi est britannique et a des liens avec les quartiers populaires du Royaume-Uni. Il a trouvé mille et une manières de se rapprocher de Ken. »

Sur la piste

James Mangold voulait que ses stars conduisent le plus possible de vrais véhicules sur de vraies pistes. Avant le tournage, Christian Bale s’est donc entraîné avec Robert Nagle, coordinateur des cascades et pilote chevronné. Tous deux ont passé une semaine à la Bob Bondurant School of High Performance Driving à Phoenix (Arizona), spécialisée dans les courses. À l’écran, l’acteur conduit une Shelby Cobra et une Ford GT40.

Des fils de…

Christian Bale (Ken Miles) et Noah Jupe (Peter Miles)

La production de Le Mans 66 a demandé aux enfants d’icônes de la course automobile représentées dans Le Mans 66 de jouer leur propre père. Nombre d’entre eux étaient ou sont eux-mêmes des pilotes qui ont connu Carroll Shelby. Parmi ceux-ci figurent Alex Gurney, fils du légendaire Dan Gurney, Derek Hill, fils de l’ancien champion de Formule 1 Phil Hill, et Jeff Bucknum, fils du pilote américain Ronnie Bucknum. Elle a également fait appel à plusieurs consultants qui avaient des liens personnels avec les événements du film afin d’apporter davantage d’authenticité. Il y a Peter Miles, le fils de Ken Miles, et Charlie Agapiou, l’ancien chef mécanicien de Shelby American.

Des décors réels

La production a filmé Le Mans 66 à l’été et au début de l’automne 2018. Les lieux de tournage sont localisés dans les Etats de Californie du Sud et de Géorgie et au Mans. Presque toutes les séquences du film ont été réalisées en décors réels. Le chef décorateur François Audouy s’est chargé de recréer plusieurs endroits qui ont véritablement existé. Ou existent encore.

Une ancienne aciérie centenaire du centre de Los Angeles a ainsi été transformée en usine Ford – connue sous le nom de Ford River Rouge Complex et située à Dearborn (Michigan). L’entrepôt de 1 400 m2 a été équipé d’une chaîne de montage et d’un système de bande transporteuse. Il est devenu la vaste usine d’assemblage des Ford Falcon de 1963.

L’extérieur de l’usine Ferrari et une réplique exacte de l’intérieur du bureau d’Enzo Ferrari, à Maranello, en Italie, ont été filmés au Lanterman Developmental Center à Pomona (Californie). L’entrée originale de l’usine Ferrari est emblématique. L’équipe décoration de Le Mans 66 en a donc construit une réplique sur place.

Dans le quartier de Chesterfield Square, à South Los Angeles, un entrepôt en brique de deux étages avec une cour a servi d’écrin à la Shelby American, Inc.. L’entreprise était, en réalité, implantée sur Princeton Avenue à Venice (Californie). Cette structure vacante de plus de 1 100 m2 a été décorée de diverses pièces détachées et d’éléments propres à un atelier de mécanique : crics, clés à molette, magazines automobiles, mais aussi trophées, planches de surf et vélos. En 1965, Carroll Shelby l’a quitté – car devenu trop petit. Il a alors déménagé dans un hangar de l’aéroport international de Los Angeles. Pour le film, un hangar de la California Air National Guard, situé à l’aéroport international d’Ontario, a fait l’affaire. Quand les avions n’étaient pas utilisés, l’aéroport autorisait le tournage sur le tarmac qui devenait alors une piste d’essai.

Un bungalow de deux chambres datant de 1909, situé dans le quartier de Highland Park, a joué la doublure à la maison de Ken Miles. L’équipe a créé son atelier de réparation de l’autre côté de la rue, où elle a redécoré un vrai atelier de carrosserie automobile. L’ancien garage de Miles était à l’origine localisé sur Lankershim Boulevard, dans la vallée de San Fernando.

Recréer le circuit du Mans de 1966…

La reconstitution de la course des 24 Heures du Mans de 1966 a été la séquence la plus difficile à tourner. « Cette course constitue les 40 dernières minutes du film, prévient James Mangold. Je voulais vraiment qu’on ait l’impression d’être tassé dans l’habitacle et cramponné au volant. Que l’on vive la course, ces 24 heures, la fatigue, l’adrénaline, la détermination de conduire plus vite que tous les autres concurrents. Et ce, sur une durée qui dépasse de loin votre capacité à rester éveillé. »

Pour représenter le parcours sur routes de campagne de 1966, l’équipe technique a trouvé des paysages qui ressemblent à la vallée de la Loire près de trois villes rurales de Géorgie. L’itinéraire de huit kilomètres comprenait un tronçon de la Route 46 à Statesboro, le circuit du Grand Prix d’Amérique à Hutchinson Island à Savannah et celui du Road Atlanta à Braselton. C’est là que le réalisateur de deuxième équipe Darrin Prescott, le coordinateur des cascades Robert Nagle et une armée de cascadeurs pilotant 30 voitures de course Ford, Ferrari et Porsche, ont tourné plusieurs scènes de la course du Mans. Le tracé servait de doublure pour des portions du circuit de la Sarthe, comme la ligne droite et la courbe des Hunaudières, les virages de Mulsanne, du Tertre Rouge et d’Arnage, les Esses de la Forêt, la chicane Maison-Blanche et la passerelle Dunlop.

La piste des 24 Heures du Mans a évolué avec le temps. Celle d’aujourd’hui ne ressemble plus à ce qu’elle était en 1966. Il a donc fallu créer de toutes pièces tout le parcours. «Aujourd’hui, la piste du Mans est une vraie piste de course, sourit James Mangold. Elle ressemble davantage à l’aéroport Charles de Gaulle qu’à ce qu’elle était autrefois. À l’époque, le tracé était un ensemble de simples routes de campagne reliées pour former une boucle. Il y avait quelque chose de magique à conduire à plus de 300 km/h les prototypes de voitures de course les plus avant-gardistes sur des routes de campagne françaises. A faire le même parcours jour et nuit, avec la pluie, le grésil, l’aube, le crépuscule. Et cela pendant 24 heures consécutives dans un même véhicule… C’était la chose la plus puissante que nous puissions essayer de faire éprouver au public. »

… et ses tribunes

La production a opté pour l’Agua Dulce Airpark, un aéroport privé à Santa Clarita (Californie), afin d’ériger les immenses tribunes et les stands du Mans. Pendant que la deuxième équipe filmait les voitures, James Mangold filmait les gens. Cette séquence a nécessité le plus grand décor du film : une reconstitution historique grandeur nature des tribunes de départ et d’arrivée du Mans, ainsi que trois grands segments de tribunes supplémentaires, les loges VIP, les stands Ford et Ferrari, et la tribune de la presse internationale. Le design est basé sur plus de 300 photos d’archives de l’époque, acquises auprès de diverses sources dont l’Automobile Club de l’Ouest en France, organisateur des 24 Heures du Mans. Aucun détail n’a été oublié. Publicités d’époque, bannières, programmes de course, chronomètres, casques de pilotes, drapeaux de spectateurs, outils des stands… Tout y est.

Filmer à grande vitesse

L’un des principaux défis du tournage de Le Mans 66 a été de de filmer les différentes séquences de course. Celles-ci culminent avec la reconstitution de l’édition du Mans 1966. James Mangold et le directeur de la photographie Phedon Papamichael ont opté pour une approche traditionnelle qui appuierait la narration. Grand Prix (1966) de John Frankenheimer avec Yves Montand et Le Mans (1971) de Lee H. Katzin avec Steve McQueen ont servi de références. « Notre inspiration visuelle vient davantage des films des années 60 et 70 que de la forme moderne des films de course automobile, remarque Phedon Papamichael. C’est à dire pas de mouvements exagérés et une certaine forme d’intimité via l’utilisation de gros plans. Et on conserve en permanence le point de vue d’un personnage. Nous nous sommes efforcés de nous en tenir aux techniques de prise de vues de l’époque. »

Pour les plans rapprochés et les gros plans pendant les séquences de course, Phedon Papamichael a employé des supports caméra spécifiques et des véhicules spéciaux. « C’était très difficile de filmer nos acteurs, avoue-t-il. Travailler à la vitesse réelle de la course n’était pas toujours possible. Nous ne voulions pas non plus trop nous appuyer sur les effets numériques. Nous nous sommes efforcés de faire le plus possible de choses en direct, à la caméra, en la fixant réellement sur les voitures de course. Cela offre aux spectateurs une expérience beaucoup plus réaliste. Et bien entendu aux acteurs aussi car ils encaissent les forces d’accélération et les vibrations. Cela rend la sensation beaucoup plus intense. »

Le cascadeur Allan Padelford et ses équipes de chez Allan Padelford Camera Cars ont fourni, et souvent conduit, plusieurs des véhicules de tournage spéciaux. Ces derniers sont utilisés pour filmer les séquences de course et les voitures en mouvement. Allan Padelford a remporté un Oscar technique en 2015 pour le Biscuit Rig. Cette plate-forme motorisée pilotable pouvant accueillir des véhicules a beaucoup servi dans le film. Le Mans 66 emploie également d’autres supports de caméra spéciaux : grues télescopiques CineMoves, caméras gyrostabilisées SpaceCam, stabilisateurs Oculus…

Des voitures construites, rénovées, empruntées ou louées

Aujourd’hui, les dizaines de voitures de course qui ont concouru au Mans sont des pièces de musée inestimables ou appartiennent à des collections privées. Elles atteignent régulièrement des dizaines de millions de dollars aux enchères. D’où la nécessité de construire des répliques de haute qualité.

Les scènes dans l’usine Ford ont nécessité 20 véhicules d’époque à divers stades de fabrication. Plutôt que de construire les Ford Falcon, Rick Collins, le coordinateur des véhicules du film, a cherché des vieilles Falcon sur Craigslist, eBay et plusieurs sites de voitures d’occasion. Il a ensuite entièrement refait ou remis à neuf les véhicules comme s’ils sortaient de la chaîne de montage. « Il n’y a que de vraies voitures, rien en fibre de verre, précise François Audouy. Nous les avons totalement restaurées. La peinture est la même que celle qui figurait au catalogue des couleurs Ford de 1963. »

Matt Damon, James Mangold et Christian Bale autour d’une Shelby Cobra

La cour d’Enzo Ferrari accueille deux Ferrari : une réplique de la California Modena Spider 1961 et une véritable Ferrari 275 GTB Silver de 1966, empruntée à un collectionneur.

Pour compléter le décor de la Shelby American, Inc., une douzaine de répliques de Shelby Cobra d’avant 1966 ont été louées. Ce qui incluaient un assortiment de MKI, de MKII et le roadster Shelby Cobra personnel de Carroll Shelby. On peut également voir un Daytona Coupé en aluminium poli unique en son genre. Il est garé sur le site de Shelby à l’aéroport de Los Angeles.

Pour l’arrivée de Ken Miles au Mans, l’Automobile Club de l’Ouest a prêté plusieurs voitures historiques de son musée. Parmi elles, une Ford GT40 MKI et une Peugeot CD SP66 extrêmement rare – il n’en existe plus que trois dans le monde.

Superformance a fabriqué la plupart des voitures de course de Le Mans 66. Cet atelier de voitures de collection haut de gamme situé à Irvine (Californie) s’est spécialisé dans les répliques des modèles des années 1960. JPS Motorsports à North Hollywood a construit plusieurs copies de Porsche Speedster. Elles apparaissent dans la scène de course de 1963 sur le circuit international de Willow Springs. La propre équipe de Rick Collins, installée dans l’atelier automobile du film à Sylmar (Californie), a aussi construit des Corvette pour ces séquences. En tout, la production a préparé 34 voitures de course personnalisées.

Des costumes entre vieille Europe et ère spatiale

Le créateur des costumes Daniel Orlandi a effectué des recherches approfondies sur l’époque et le monde des courses. Il a également collaboré étroitement avec le chef décorateur pour mettre en place une palette de couleurs pour chaque course. Le chef costumier a regardé des images du Mans en 1966, en 1959, des images de Willow Springs. Il a aussi lu tous les livres sur Carroll Shelby et Ken Miles.

Christian Bale et Matt Damon

Pour Shelby, Daniel Orlandi pensait que Matt Damon ne devait pas caricaturer le Texan à la personnalité marquante. Ce dernier portait une salopette rayée et un Stetson hérité de l’époque où il officiait dans l’industrie du poulet. « Shelby avait véritablement un côté excessif mais Matt a su l’incarner à la perfection, explique le chef costumier. Il n’a pas besoin du costume pour définir le personnage. Il ne porte un chapeau de cowboy que dans les scènes clés où on voulait forcer intentionnellement le trait. On a même ajouté des bottes de cowboy en croco. »

Quant à Miles, il passe la plupart de son temps en combinaison de pilote ou de travail.

Par ailleurs, Daniel Orlandi voulait installer un contraste visuel immédiat entre l’équipe Ford et leurs homologues chez Ferrari. Il a donc habillé les dirigeants de Ford de vêtements aux couleurs froides – des bleus, des gris, des argentés – et les gens de chez Ferrari de costumes aux teintes plus ‘terrestres’. Leur garde-robe est principalement marron, crème, avec des cravates en tricot et des gilets. Le chef costumier voulait le style vieille Europe pour Ferrari, et l’ère spatiale des années 60 pour Ford.

Au cheveu près

Carroll Shelby avait une chevelure bouclée. Matt Damon s’est donc fait faire sa première permanente. Par ailleurs, tous les hommes ont eu droit à une courte assez courte. « Nous avons opté pour le court conservateur, confirme la chef coiffeuse Gloria Casny. La période ‘summer of love’, celle de Jim Morrison et de ses cheveux longs, n’a commencé qu’après les événements racontés dans le film. » La plupart des hommes ont donc une coupe nette, des pattes courtes et très rarement la barbe ou la moustache.

Crédit photos : © 20th Century Fox