Dans 1917, le réalisateur Sam Mendes raconte la mission haletante de deux jeunes soldats pendant la Première Guerre mondiale. Il évoque également le courage de toute leur génération et montre l’envergure des ravages d’une guerre, qu’elle soit passée ou présente. Et il met en scène cette histoire, inspirée des souvenirs de son grand-père, en un seul (faux) plan séquence qui ne quitte jamais le point de vue des deux garçons, afin de permettre au spectateur de vivre une expérience plus réelle et plus immersive. Une prouesse technique à découvrir absolument sur grand écran. 1917 sort en salles ce 15 janvier.

Dean-Charles Chapman, Sam Mendes et George MacKay

L’histoire de 1917

Pendant la Première Guerre mondiale, les deux jeunes soldats britanniques Schofield (George MacKay) et Blake (Dean-Charles Chapman) se voient assigner une mission périlleuse. Ils doivent porter un message qui pourrait empêcher une attaque dévastatrice et la mort de 1 600 militaires, dont le frère ded Blake. Ils se lancent alors dans une véritable course contre la montre, derrière les lignes ennemies.

Les aventures du grand-père Alfred

« 1917 ne relate pas l’histoire de mon grand-père, Alfred Hubert Mendes, explique Sam Mendes (Skyfall). Il évoque plutôt son esprit – ce que ces hommes ont subi, leurs sacrifices et leur foi en quelque chose qui les dépassait. »

En 1917, Alfred, 19 ans, s’est engagé dans l’armée britannique. En raison de sa petite taille – 1,62 m– et de sa rapidité, il est choisi pour délivrer des messages sur le front de l’Ouest. La brume régnant sur le no man’s land – zone inoccupée et située entre les premières lignes des Alliés et les positions ennemies – s’élève jusqu’à environ 1,65 m. Le jeune soldat pouvait livrer ses messages de poste en poste sans être repéré.

Dean-Charles Chapman, Sam Mendes et George MacKay

Pendant la guerre, Alfred a été blessé et gazé. Il s’est vu décerner une médaille pour son courage. Plus tard, il est devenu romancier. Il s’est retiré à Trinidad, son île natale, et a écrit ses mémoires. Ce film est une fiction mais certaines scènes et quelques aspects s’inspirent de ses souvenirs et de ceux que ses camarades soldats lui ont confiés.

L’écriture de 1917

1917 est le tout premier scénario signé Sam Mendes. Le réalisateur s’est documenté sur les témoignages directs de cette époque – récits de soldats, journaux intimes. La plupart sont conservés à l’Imperial War Museum de Londres.

Au cours de ses recherches, il a découvert que la Première Guerre mondiale s’était limitée à une zone géographique relativement modeste. En 1917, les Allemands se sont retirés derrière la Ligne Hindenburg. Ils ont élaboré et creusé un vaste système de défenses et de tranchées pouvant dissimuler l’artillerie. Ils ont ensuite positionné leurs soldats dans cette gigantesque zone fortifiée. La guerre des tranchées était statique. Pour les besoins du film, il fallait lui donner du mouvement. L’histoire d’un messager ouvrait la perspective d’une distance à parcourir.

À partir des récits fragmentés de son grand-père paternel, des témoignages d’époque trouvés à l’Imperial War Museum et de l’idée d’une expédition des plus périlleuses sur la Ligne Hindenburg, Sam Mendes a élaboré la structure du récit qui allait devenir 1917. Il a ensuite sollicité sa fidèle collaboratrice Krysty Wilson-Cairns (Penny Dreadful) afin qu’elle écrive un script. Il ignorait alors que c’était une « dingue d’histoire ». Le réalisateur a ensuite réécrit pendant trois semaines son scénario pour le lui renvoyer et échanger leurs idées. Au bout de deux mois, ils avaient une première mouture. Le film est resté assez proche de cette version initiale.

Le plan séquence

George MacKay

Sam Mendes a voulu raconter l’histoire de 1917 en temps réel, comme dans un unique plan séquence. L’épopée des deux soldats dure environ 1h50, comme la durée du film. « C’est important que l’on ressente la distance parcourue, souligne le réalisateur. C’était surtout essentiel sur le plan émotionnel. J’espère que cela permet de ressentir plus profondément le parcours des deux personnages principaux. Je voulais que le spectateur soit présent à chacun de leurs pas, à chacune de leurs respirations. Ce n’est pas une décision prise après coup. J’ai eu cette idée en même temps que celle de l’histoire. La forme et le fond ont émergé en même temps. » Le réalisateur voulait qu’il n’y ait rien entre les spectateurs et les protagonistes. Que le public se sente piégé dans ce contre la montre comme s’il n’y avait aucune issue. A l’instar des personnages.

1917 n’a pas été filmé en un plan séquence mais en plusieurs longues scènes montées ensemble pour donner l’impression d’une seule. Une fois cette idée validée, il était important de préparer le plateau dans les moindres détails. Le long métrage avait d’ailleurs deux scénarios. Le premier, classique, contenait les dialogues et les indication habituelles d’un film. Le second se composait de cartes, schémas et diagrammes précisant les déplacements des acteurs et des mouvements des caméras ainsi que l’équipement utilisé.

« Parfois, il fallait filmer l’action de près, déclare le directeur de la photo Roger Deakins (Blade Runner 2049). Et à d’autres moments, il fallait prendre de la distance pour distinguer les personnages dans leur environnement. Il fallait donc trouver un équilibre. On imaginait d’abord la mise en place dans notre tête, puis Sam menait les répétitions. A partir de là, on faisait quelques schémas rudimentaires et un artiste dessinait différentes options sur des storyboards. Les choses commençaient alors à se préciser. Puis on poursuivait le travail sur le plateau avec les acteurs et là, la scène prenait forme encore plus précisément. »

George MacKay

Parfois, un technicien portait la caméra, puis il l’accrochait à un câble. Ce câble permettait de parcourir une certaine distance. Un technicien la décrochait ensuite et montait dans une petite jeep pour parcourir encore quelques centaines de mètres. Enfin, il descendait de voiture et courait à l’angle d’un décor. Il y avait toujours un point de départ et une structure bien définis pour chacune des scènes. Et si un incident technique se produisait, si l’acteur bafouillait sa réplique ou si l’arrière-plan avec les figurants ne convenait pas, il fallait alors recommencer la prise depuis le début. Les scènes duraient de six à neuf minutes. Elles pouvaient nécessiter jusqu’à 60 prises avant que Sam Mendes ne soit satisfait.

La lumière de 1917

Tourner en extérieurs impliquait une production tributaire de la luminosité et de la météo. Roger Deakins voulait l’éclairage le plus authentique possible. Il s’est donc surtout appuyé sur la lumière naturelle. Mais elle crée des ombres, ce qui rend les scènes plus difficiles à tourner et pose problème du point de vue de leur continuité. « On ne pouvait pas vraiment éclairer les scènes, remarque le directeur de la photographie. Si l’acteur court dans une tranchée et que la caméra tourne à 360 degrés, il n’y a nulle part où mettre un projecteur. »

Dans une scène de 1917, seules des fusées éclairantes lancées par les personnages illuminent l’action. L’équipe a d’abord répété avec une maquette et une lampe pour savoir où se situeraient la lumière et les ombres dans le décor. Puis, sur place, il a encore fallu calculer le temps que ces fusées restaient en l’air pour connaître la durée exact de l’éclairage dont tous pouvaient bénéficier afin de tourner la scène.

Roger Deakins

La météo était un autre élément incontrôlable. Le tournage se passant en Angleterre, la production a décidé de tout tourner par ciel couvert. Armé d’un Almanach du fermier et les yeux rivés sur le site weather.com, le chef décorateur Dennis Gassner (Blade Runner 2049) a recoupé plusieurs sources météorologiques, à long, moyen et court termes.

« Comme on tournait dans l’ordre chronologique, il fallait que le ciel reste nuageux pour garder une progression logique entre les scènes, précise Roger Deakins. Certains jours, il y avait du soleil et on ne pouvait pas tourner. Du coup, on répétait à la place. » La production n’a absolument rien filmé le premier jour car il a fait soleil toute la journée. Acteurs et techniciens en ont profité pour répéter l’équivalent de trois jours de tournage. A la fin de la première journée, ils étaient donc déjà en retard sur le planning. A la fin de la seconde, le temps étant constamment couvert, ils avaient pu tourner. Ils ont alors non seulement rattrapé leur retard mais ils étaient même désormais en avance sur le plan de travail.

L’Arri Alexa Mini LF

Roger Deakins utilise depuis longtemps les caméras Arriflex. À l’été 2018, il s’est rendu chez le fabricant Arri, à Munich, pour savoir s’il pouvait créer une mini version de la caméra Alexa LF (pour large format) capable de restituer la vitesse et l’intimité désirées par Sam Mendes. La société était justement en train d’en concevoir une. Le directeur de la photographie leur a demandé si elle pourrait être prête pour le début du tournage de 1917, en avril 2019. Arri a finalisé les prototypes de l’Alexa Mini LF en février. Roger Deakins et son équipe ont ainsi eu le temps de mener des essais avec les différents matériels qu’ils avaient prévu d’utiliser. A côté de l’Alexa, il s’est aussi servi de la Trinity, du Steadicam, du StabilEye, du DragonFly et du Wirecam.

Dean-Charles Chapman et George MacKay

Le montage de 1917

Dans 1917, l’équipe a dû tournée chaque scène avec une très grande précision pour que la continuité soit parfaite. Elle devait respecter le rythme, la météo et les décors d’une scène à l’autre. Sam Mendes a également veillé à ce que les enchaînements concernant les personnages se produisent de façon naturelle et subtile. Le passage d’un plan à un autre était donc toujours motivé par une action : franchir une porte, se faufiler derrière un rideau ou encore entrer dans un bunker.

La préparation de 1917

A cause de cette idée de faux plan séquence, Sam Mendes reconnaît que la préparation de 1917 a été au moins cinq fois plus complexe que celle d’un long métrage classique. « Il fallait faire tout ce qu’on fait d’habitude mais de façon beaucoup plus détaillée, explique-t-il. Par exemple, on devait mesurer toutes les distances du périple des deux garçons. Il ne suffit pas d’écrire : ‘Ils traversent un petit bois sur une colline, puis un verger, ils contournent une mare et arrivent dans une ferme’. Il faut connaître la longueur exacte de ce trajet. Et cette distance parcourue ne devait pas être plus longue que la durée de la scène. »

Afin d’obtenir ce niveau de détail, l’ensemble de l’équipe a tout préparé sur un immense plateau des studios Shepperton. Les dimensions des décors de chaque scène ont été tracés sur le sol. Techniciens et acteurs ont ainsi pu répéter tous les déplacements et mouvements dans cet espace où des boîtes en carton figuraient les éléments du décor. Ils ont ensuite tenu des répétitions techniques sur les lieux du tournage. Sam Mendes et Roger Deakins ont alors pu réfléchir plus précisément aux mouvements et à l’emplacement des caméras. Cela leur a aussi permis de tester différentes pistes pour chaque scène bien en amont du tournage.

George MacKay

Cette préparation particulière a pris six mois avant de commencer le tournage en avril 2019. Ce dernier a duré 65 jours. La première projection officielle du film fini s’est tenue le 4 décembre 2019.

Les repérages de 1917

Sam Mendes et Kristy Wilson-Cairns, ainsi que les différents chefs de poste du film, sont allés dans la Somme. Ils ont sillonné les régions où se déroule cette histoire pour découvrir les véritables sites du conflit. Ils ont parcouru les tranchées et le no man’s land toujours présents. S’imprégner de ces vastes paysages et des villages traversés par les personnages leur a permis de nourrir le film de leur expérience.

Il n’a jamais été question de tourner 1917 sur les lieux mêmes de ce récit. Il n’était pas envisageable de porter atteinte à l’intégrité des sites d’affrontement historiques, devenus des lieux sacrés. La régisseuse d’extérieurs Emma Pill (Blade Runner 2049) a donc fait des repérages au Royaume-Uni pour trouver des paysages ressemblant aux français et y construire les décors.

Les tranchées

Des tranchées ont été creusées à Salisbury Plain (dans la craie) et à Bovingdon (dans l’argile). Par souci de vérité historique – Dennis Gassner a étudié 50 000 clichés -, les tranchées allemandes sont plus larges et plus profondes que celles des Alliés. Les Allemands pensaient, en effet, qu’il s’agissait d’une guerre qui allait durer. Ils ont donc fortifié leurs tranchées dans la perspective d’y rester longtemps et d’y être surtout bien protégés. Les Alliés, eux, sont arrivés et ont estimé qu’ils allaient reconquérir le terrain immédiatement. Ils pensaient n’être que de passage.

George MacKay et Dean-Charles Chapman

A Bovingdon, le département Décoration a conçu les tranchées alliées en argile et les tranchées allemandes avec aussi d’autres matériaux comme du ciment. La préoccupation première concernait la sécurité et l’évacuation de l’eau. Comme les tranchées sont inclinées à un angle de 15 degrés, il fallait les étayer. Pour empêcher tout écroulement, les murs de terre ont été consolidés par des poutres et des planches côté Alliés et par des systèmes de volets en bois côté Allemands. L’équipe a utilisé une combinaison de matériaux afin de recouvrir les fondations et assurer les finitions : bois de charpente peint, terre recouverte de plâtre, tôle ondulée et sacs de sable. Elle a ensuite patiné et vieilli les tranchées à coups de chaînes et de marteaux.

Bovington a également accueilli le no man’s land entre les tranchées des Alliés et celles des Allemands. Ce décor se compose de deux parties. La section principale simule la « façade avant » de la tranchée jusqu’aux alentours d’un énorme cratère d’obus. La petite section va de l’arrière du cratère jusqu’aux lignes de front allemandes. Le paysage représente une vaste et lugubre étendue désolée envahie de boue, ponctuée de cratères d’obus, de fil de fer barbelé et de cadavres de soldats et de chevaux.

Les autres lieux de tournages de 1917

La production a aussi choisi le plateau de Salisbury pour ses paysages dégagés qui ressemblent aux pâturages, terres arables et zones arborées français. Ce comté rural est connu pour son célèbre site de Stonehenge. Une grande partie de son territoire sert également de terrain d’entraînement à l’armée depuis plus d’un siècle. L’essentiel du site est donc resté à l’état naturel. Certaines zones ne montrent aucune trace de modernité. Etant donné la nature sensible du lieu – historique et militaire -, la production a dû commander des évaluations écologiques, archéologiques et géophysiques avant d’y installer ses décors et collaborer étroitement et quotidiennement avec l’armée. L’équipe Décoration a d’abord construit une ferme française, une grange et d’autres bâtiments extérieurs dans les ateliers des studios de Shepperton. Elle les a ensuite acheminés sur le plateau de Salisbury puis a réalisé les finitions (cimentage, vieillissement des poutres, peintures) sur place.

Pour une scène le long d’un canal, la production a sélectionné un ancien chantier maritime aux docks de Govan, à Glasgow, en Écosse. Ces docks sont classés monument historique et la production a obtenu la permission d’y filmer. Le département Décoration a passé trois semaines sur place pour y dégager la végétation envahissante. Une fois le décor installé, il ressemblait à un canal industriel avec un pont détruit. L’équipe Effets visuels a agrandi numériquement le décor pour montrer un canal dans son intégralité. La façade de la maison éclusière classée qui s’y trouve a été recouverte par un décor spécialement réalisé pour les scènes en extérieur et identique à celui de la maison éclusière conçue dans les studios de Shepperton pour les scènes d’intérieur.

Pour une scène dans des rapides, la production a opté pour celles de Low Force, dans le comté de Durham. C’est un ensemble de chutes d’eau d’environ 5,5 m de haut sur la rivière Tees. En outre, le Centre international de plongée en eaux vives du barrage de Tees possède un parcours de 300 m sécurisé sur cette rivière. La production devait constamment surveillé le niveau de l’eau tandis que George MacKay et sa doublure cascade étaient emportés le long des chutes.

George MacKay

Par ailleurs, l’équipe Décoration a tronçonné un grand arbre déraciné pour le transporter un peu plus loin sur la berge avant de le reconstituer et de l’immerger. À côté de cet arbre, dans l’eau, le département Prothèses a soigneusement disposé des cadavres.

La production de 1917 s’est également installée sur les plateaux des studios de Shepperton pour reconstituer la ville d’Écoust et tourner certains plans d’effets visuels. Le décor représente une ville française totalement bombardée, où Schofield court de nuit, cherchant à échapper à des tirs. L’immense décor comprenait des maisons et des magasins en ruine, des rues détruites, une école et une église en flammes.

Le casting de 1917

Sam Mendes recherchait des visages de comédiens relativement méconnus pour incarner les soldats de Première Classe Schofield et Blake. Il était primordial que les spectateurs puissent vivre l’histoire à travers deux jeunes soldats ordinaires et qu’ils n’aient aucun a priori sur eux. Le réalisateur est encore surpris « d’avoir bénéficié du soutien sans faille du studio et de pouvoir faire un film de cette envergure [le budget avoisinerait les 90 M$] avec deux acteurs dans les rôles principaux qui sont pour ainsi dire nouveaux dans le métier ». Quelques seconds rôles sont cependant interprétés par des comédiens chevronnés. Colin Firth, Benedict Cumberbatch ou Mark Strong apportent ainsi de la gravité et de l’autorité à certaines scènes.

George MacKay

Pour interpréter le Première Classe Schofield, le réalisateur a engagé George MacKay (Captain Fantastic). « George a quelque chose d’un peu désuet, avec certaines valeurs, un sens de l’honneur, une dignité, un héroïsme d’une autre époque, explique Sam Mendes. Il a un physique intemporel. L’histoire parle aussi en arrière-plan de classes sociales. Schofield a tout de l’élève d’une école de garçons et issu de la classe moyenne. Il a appris à être poli, réservé, plutôt ‘british’. Mais il est également d’une très grande profondeur. George est extrêmement subtil et possède le don de restituer toutes ces facettes avec beaucoup de finesse. »

Dean-Charles Chapman (Game of Thrones) incarne le soldat de Première Classe Blake. « Je n’avais jamais rencontré Dean-Charles avant qu’il vienne faire un essai, avoue le réalisateur. Il est bouleversant de vulnérabilité et de douceur. C’est un acteur vraiment doué, au talent inné et très instinctif. »

La préparation des acteurs

Dean-Charles Chapman et George MacKay se sont engagés dans l’aventure en novembre 2018. Ils se sont entraînés pendant six mois avant le début du tournage. Leur conseiller militaire Paul Biddiss (Tolkien) leur a parlé de la condition du soldat. Il leur a aussi expliqué comment faire le salut militaire et manier une arme. Il les a également initiés au tir avec des armuriers afin qu’ils acquièrent les bons gestes et connaissent parfaitement leurs armes. « À chaque répétition, Dean et moi travaillions les gestes simples comme sortir des munitions de notre poche, explique l’interprète de Schofield. Au début , on manquait de dextérité. Ou bien, on s’agenouillait et toutes nos munitions tombaient par terre. On était vraiment inexpérimentés au départ. Mais peu à peu, c’est devenu comme un réflexe naturel. »

Dean-Charles Chapman

Ils devaient aussi être dans une très grande forme physique pour affronter le tournage. Leurs personnages sont, en effet, debout pendant presque toute la durée du film. Il n’y a peut-être que deux ou trois scènes où ils sont assis. Les acteurs devaient aussi courir ou marcher sur une certaine distance autant de fois que le nombre de prises le demandait – jusqu’à 60 par jour.

Les deux acteurs se sont enfin rendus en France et en Belgique afin de visiter les monuments commémoratifs et les musées. Ils ont aussi arpenter certaines des tranchées préservées. Dean-Charles Chapman a, en outre, lu The Western Front Diaries [Chronique du front de l’Ouest]. Ce sont des extraits de journaux intimes de soldats. Son trisaïeul, David Henry Pearce, est cité dans cet ouvrage. Il s’était aventuré sur le no man’s land et avait été touché par une balle à la hanche. Il est resté sur place pendant quatre jours et s’en est sorti. Le jeune comédien a relu ce livre quasiment tous les jours avant d’arriver sur le plateau afin d’adopter le bon esprit.

Les figurants

Les figurants de 1917 sont des hommes de chair et de sang et non des personnages en images de synthèse. Sam Mendes a choisi 500 figurants parmi 1 600 candidats âgés de 16 à 35 ans. Ils devaient être en bonne forme physique car ils allaient parcourir de longues distances en courant et en portant des armes. La plupart se sont laissé pousser la moustache et raser la barbe pour les besoins du tournage. Les conseillers militaires de la production les ont aussi installés dans des camps d’entraînement.

Celui de Bovingdon préparait les acteurs aux scènes dans les tranchées. Celui de Salisbury était plus centré sur les tactiques d’attaque. Ils ont appris à se déplacer en formation sous les ordres d’un commandant de section, à porter l’uniforme, à arranger leurs équipements (munitions, masques, réserves d’eau…). Ils ont surtout acquis la maîtrise, en toute sécurité, du maniement des fusils-mitrailleurs Lewis et des mitrailleuses Vickers. Mais la première chose que Paul Biddiss leur a enseigné, c’est comment éviter les ampoules quand on marche avec des bottes militaires.

L’équipement et les uniformes britanniques

Les chefs costumiers Jacqueline Durran (Les filles du Docteur March) et David Crossman (Solo : A Star Wars Story) ont entamé leurs recherches à l’été 2018. Leur département comptait une équipe principale de 27 personnes à temps plein. Pour les scènes de foule, le nombre grimpait à une soixantaine.

Ils ont étudié des centaines de photographies originales. Ils ont réalisé des agrandissements pour repérer des détails susceptibles de distinguer les soldats les uns des autres. En réalité, les uniformes de la Première Guerre mondiale n’étaient pas tous identiques. Les hommes qui les portaient les altéraient légèrement afin de se les approprier et de se sentir moins anonymes. Le recours aux insignes en tissu coloré s’était aussi banalisé en 1917. Ils permettaient d’identifier rapidement les différentes unités sur un champ de bataille.

Richard Madden

Les officiers, sous-officiers et soldats étaient vêtus d’une sous-chemise en laine, d’une tunique et d’un veston en cuir. Ils possédaient également une besace ainsi que deux masques à gaz et un tapis de sol. Pour plus de réalisme, des cantines et des sacs de provisions étaient aussi accrochés à leurs sacs à dos.

Le département costume a réalisé la plupart des uniformes des officiers dans ses ateliers. La société responsable des costumes de la production en Pologne a confectionné la majorité de ceux des soldats dans ses locaux. Par le passé, Jacqueline Durran et David Crossman y avaient déjà amassé des tissus en laine. Cela s’est avéré très précieux quand il a fallu commencer la fabrication des vêtements. Certains uniformes étaient en stock mais il a néanmoins fallu en créer entre 300 et 400 supplémentaires. Un costume d’officier nécessitait en moyenne deux semaines de fabrication.

Les casques

L’une des principales préoccupations concernait l’allure des casques des soldats britanniques. Par souci d’économie, il est courant au cinéma et à la télévision de se servir de casques de la Seconde Guerre mondiale pour figurer ceux de la Première. Notamment parce qu’il n’existe plus de casques Brodie en quantité suffisante. Cependant, au moment où se passe l’action de 1917, la forme du casque était différente et en pleine évolution. Pour restituer cet instant dans toute son authenticité, les casques du film se distinguent donc les uns des autres, par leur taille et leur style. Ils comportaient aussi souvent des stries selon le type de fabrication et de métal utilisé.

La taille du casque de nos jours peut aussi sembler différente, car les hommes sont plus grands et plus costauds qu’il y a un siècle. Le département Costumes a scanné des casques d’origine et en a construit une reproduction à 100% identique sur ordinateur. Il en a agrandi certains à l’échelle de 105-108%, la bonne proportion pour les acteurs et les figurants d’aujourd’hui.

George MacKay

L’équipe Décoration a fabriqué environ 300 casques pour 1917. C’était plus économique que de tenter de se procurer des originaux. Ils ont l’air d’être en métal mais sont en réalité constitués d’une coque recouverte de toile de jute et autres tissus rêches. Comme c’était d’ailleurs le cas pendant la guerre. Les casques étaient souvent munis de visières ressemblant à un rideau de chaînes métalliques pour empêcher les blessures aux yeux.

L’uniforme de Schofield

Schofield porte la tenue de service de 1902. Les barrettes en cuivre sur les épaules désignent son régiment. Les galons ternes de Première Classe indiquent son rang. Les badges marron portés sur le haut de la manche précisent son bataillon. George McKay porte sa tenue dans son intégralité, comme l’aurait fait un vrai soldat. Il ne lui manque aucune épaisseur : sous-vêtements en laine, chemise grise à col, veste en laine, pantalon en laine, bretelles en toile, chaussettes en laine grise, chaussures à semelle cloutée.

Le département Costumes de 1917 a jouté quelques raccommodages d’appoint aux manches. Il a aussi taillé la tunique légèrement trop grande pour le comédien. Ce dernier devait pouvoir porter des épaisseurs de vêtements en dessous. Un gilet en cuir sans manches a remplacé le gros et lourd paletot en laine. David Crossman a découvert que cette année 1917 avait été particulièrement froide et certains soldats du front occidental continuaient cependant à porter ce paletot. Il a aussi appris qu’il avait neigé le 10 avril – l’histoire se déroule le 6 avril. Schofield porte également une écharpe – non réglementaire – qui lui appartient. Son casque est un Brodie, le Mark 1, arborant une bande marron peinte dessus pour indiquer son bataillon. Par souci de continuité, la garde-robe contenait 25 à 30 uniformes.

L’uniforme de Blake

Dean-Charles Chapman

Blake porte les mêmes vêtements que Schofield mais son veston en cuir est de couleur et de texture différentes. Il possède un barda de 1914, qui est le résultat des ruptures de stock d’autres uniformes survenues plus tôt dans l’année. Il arbore également un bracelet d’identification, qu’il s’est lui-même acheté, ainsi que des bagues en or bon marché. Son casque est identique à celui de Schofield mais il est orné du badge de son régiment, comme c’était souvent le cas. Son gilet en laine est d’allure militaire par rapport à celui de Schofield qui est plus ordinaire. Les galons de Blake sont classiques pour un soldat de Première Classe et Schofield en porte une version discrète. Par souci de continuité, la garde-robe de Blake contenait 24 uniformes.

L’équipement et les uniformes allemands

Comme ceux des Anglais, les uniformes allemands étaient en laine épaisse. Mais, par souci d’économie, ils étaient beaucoup plus simples à cette période de la guerre. De par sa forme enveloppante, leur casque protégeaient très efficacement des éclats d’obus. En ce début de printemps 1917, froid et humide, les Allemands portaient de grands paletots plutôt que des survestes. Leurs besaces étaient en cuir et non en tissu. Comme les Français et les Anglais, ils se chaussaient de bottes qui leur arrivaient à la cheville, accompagnées de bandes molletières, également pour des raisons économiques. Elles sont d’un gris mousse qui semble vert à l’œil nu.

Le maquillage, les coiffures et les prothèses

Benedict Cumberbatch

La chef coiffeuse et maquilleuse Naomi Donne (Le crime de l’Orient-Express) et le chef prothésiste Tristan Versluis (The Revenant) ont passé en revue les centaines de photographies et de documents de référence avant d’envisager chaque visage, coiffure et dentition des personnages, ainsi que leurs blessures et cicatrices éventuelles. Il fallait que les hommes jouant dans les tranchées aient l’air parfaitement crédibles. Ils devaient être couverts d’autant de crasse et de boue que les figures historiques apparaissant dans les images d’archive.

Pour préparer son équipe Maquillage, Naomi Donne a rédigé un livret intitulé « La vie d’un soldat ». Elle y explique l’apparence précise des soldats et l’évolution de leur allure tout au long du film. Elle y évoque jusqu’aux coupes de cheveux des soldats et la fréquence à laquelle on leur coupait les cheveux.

Le scénario décrit un soldat avec des tatouages. Naomi Donne a découvert qu’il existait autrefois un tatoueur à la gare de Waterloo qui exerçait son art sur les militaires avant qu’ils ne partent au front. En creusant, elle a déniché à Liverpool un musée du tatouage qui possède tous les modèles de ce tatoueur, ainsi que le matériel d’origine dont il se servait pour les réaliser. Grâce à ces trouvailles, elle a pu concevoir les tatouages qu’elle voulait pour ce personnage.

De son côté, Tristan Versluis et les membres de son département ont réalisé de nombreux cadavres de soldats, de villageois, de chevaux et même d’un chien. Il fallait transmettre le sentiment de destruction et de désolation de façon crédible sans manquer de respect aux immenses pertes humaines causées par la guerre. La qualité des prothèses et des cadavres devait être la meilleure possible. Le tournage intégrant une vision à 360 degrés, la caméra aurait pu filmer tous les détails d’une scène.

La musique de 1917

Pour le compositeur Thomas Newman (Tolkien), « comme 1917 se déroule au présent, plus la musique allait commenter un moment particulier et moins ce serait vibrant et exaltant. Sam et moi avons beaucoup discuté de l’approche nécessaire pour mériter, et justifier en quelque sorte, le droit de faire une musique émouvante. Nous voulions également qu’elle s’intègre bien au film et éviter qu’elle soit sur-signifiante. L’émotion viscérale devait primer sur une complexité inutile. »

Le compositeur a entamé son travail avant le tournage mais l’a continué pendant. Il s’est ainsi inspiré en temps réel des ambiances et esthétiques des lieux mais aussi de l’action et des scènes qu’ils a observées.

Crédit photos : © Universal Pictures