David S. Goyer a réalisé l’impensable : adapter la saga de science-fiction culte Fondation écrite par Isaac Asimov. Un défi qu’il relève haut la main. Sa Saison 1 devrait, si tout va bien, être suivie de sept autres. La diffusion de la série de dix épisodes Fondation commence ce 24 septembre sur Apple TV+.

1 – L’histoire

22 000 ans dans le futur. L’Empire galactique règne sur la voie l’actée et ses 25 millions de mondes habités. Le mathématicien Hari Seldon a développé une science statistique – la psychohistoire – qui prédit la chute prochaine et inéluctable de l’Empire et la plongée de l’humanité dans une ère de ténèbres qui durera 30 000 ans. Afin de réduire cette période à 1 000 ans, il préconise la création d’une communauté, baptisée Fondation, dont le rôle sera d’éditer une Encyclopédie réunissant tout le savoir des hommes. L’Empire autorise l’installation de Fondation sur Terminus, une petite planète à l’extrémité de la galaxie.

Hari Seldon (Jared Harris)

Le showrunner David S. Goyer résume Fondation en une phrase : « Un jeu d’échecs de 1 000 ans entre Hari Seldon et l’Empire où tous les autres personnages sont des pions dont certains deviendront des rois et des reines. »

2 – Les romans d’Isaac Asimov

Isaac Asimov a commencé sa saga Fondation en 1941. A 21 ans. Son but était de « rédiger un roman historique du futur ». Ses sept nouvelles originelles, parues entre 1942 et 1950 dans le magazine Astounding Science Fiction, ont été réunie dans les années 1950 dans trois romans : Fondation (1951), Fondation et Empire (1952) et Seconde Fondation (1953). Dans les années 1980, pressé par ses fans, et son éditeur, l’auteur a écrit deux suites Fondation foudroyée (1982) et Terre et Fondation (1986), puis deux préquelles, Prélude à Fondation (1988) et L’Aube de Fondation (1993).

Pour la série d’Apple TV+, David S. Goyer ne s’est pas contenté d’adapter le premier roman. Il navigue en effet dans tous les écrits d’Isaac Asimov. Il utilise également des textes que l’écrivain, décédé en 1992, n’a jamais eu le temps de publier et que sa fille Robyn Asimov lui a confiés.

3 – Le showrunner David S. Goyer

David S. Goyer

L’Américain David S. Goyer est écrivain de romans et de comics, scénariste, réalisateur et producteur. Il est surtout connu pour avoir écrit les scénarios de Dark City (1998), la trilogie de Blade (1998, 2002 et 2004), la trilogie Batman de Christopher Nolan (2005, 2008 et 2012), Man of Steel (2013) et des séries Constantine (2014) et Da Vinci’s Demons (2013-2014). Il est passé plusieurs fois derrière la caméra mais sa réalisation la plus notable reste celle de Blade : Trinity (2004).

David S. Goyer vient de finir l’écriture du reboot d’Hellraiser, film d’horreur de 1987, et de l’adaptation en série du roman graphique de fantasy Sandman de Neil Gaiman, tous deux prévus en 2022.

4 – Le défi de l’adaptation

Fondation d’Isaac Asimov a toujours eu la réputation d’être inadaptable notamment pour sa teneur intellectuelle et philosophique et son manque d’émotion, l’aspect anthologique de la saga ou encore les sauts dans le temps – parfois de plusieurs centaines d’années – de cette histoire qui couvre 1 000 ans.

David S. Goyer avait déjà eu, par deux fois, une commande pour adapter Fondation en long métrage. Il a toujours refusé, pensant qu’il était impossible d’en faire un film ni même plusieurs films. Cependant, l’arrivé des séries aussi épiques et tentaculaires que des romans, comme Game of Thrones, l’ont fait réfléchir. Il n’aurait plus à condenser l’histoire en trois films de deux heures mais pourrait la raconter en 80 heures. Il a alors réalisé que c’était le bon moment pour Fondation, qu’il y avait enfin un format adéquat, une demande du public et une volonté d’investir financièrement sur ce genre de projets. Dès que les droits des livres ont été disponibles, il y a trois ans, il a sauté sur l’occasion.

Pour son adaptation, David S. Goyer savait qu’il devait prendre des libertés avec les écrits d’Isaac Asimov. Beaucoup d’événements se déroulent entre deux chapitres ou sont à deviner entre deux lignes. Il fallait donc non seulement les mettre en scène mais également les dramatiser. Il a prévenu Apple TV+ qu’une saison entière pourrait même raconter une seule phrase du livre… Le showrunner avoue également avoir remixé tous les romans. Par exemple, il a inclus des éléments des suites dans la Saison 1 et des éléments des préquelles dans la Saison 2.

David S. Goyer a toujours pensé que l’émotion était essentielle dans son adaptation. Une émotion qui en passe par la fidélisation à des personnages. Ces derniers disparaissant cependant souvent d’un livre à l’autre. Il a donc dû trouver un moyen d’allonger l’espérance de vie de certains protagonistes sur ces 1 000 ans d’histoire. Six d’entre eux apparaîtront ainsi siècle après siècle et, par conséquent, saison après saison.

Le showrunner savait que sa série devait s’adresser aux fans des livres mais aussi à ceux qui n’ont pas lu les romans ou qui ne se passionnent pas pour la science-fiction. Il a donc écrit son histoire pour qu’elle fonctionne comme un drame contemporain, lisible par tous, comme a pu le faire Game of Thrones avec ceux qui n’étaient pas fans de la fantasy.

5 – Les personnages avant la science-fiction

Salvor Hardin (Leah Harvey)

Les livres d’Isaac Asimov sont plus centrés sur les concepts et les idées que sur les personnages. La série entend être l’inverse. David S. Goyer a cherché à ce que ses personnages reflètent et donnent corps aux thèmes et philosophies généraux de l’auteur afin d’ancrer l’histoire dans l’émotion. Pour tous les protagonistes, il a déterminé d’où ils venaient, ce qu’ils pensaient, quels étaient leurs espoirs et rêves, de quoi avaient-ils peur…

De plus, il a choisi de ne pas expliquer les technologies qui apparaissent dans la série et préfère qu’elles soient immédiatement compréhensibles visuellement. Il évite tous les termes qui font trop science-fiction, privilégiant un lexique plus classique. Par exemple, certains personnages sont entourés d’un champ de force mais ils l’appellent plus simplement « aura ».

6 – Plus de diversité

Il était inconcevable d’adapter une histoire écrite il y a près de 80 ans sans qu’elle soit le reflet du public d’aujourd’hui. Il s’agissait alors de féminiser certains personnages clés – il n’y a quasiment aucune femmes dans les romans d’Isaac Asimov – et de peupler une société se composant de 10 000 mondes, donc obligatoirement multiculturelle. Par chance, Robin Asimov et la succession Asimov ont adhéré à cette idée. Ils ont même déclaré qu’Isaac Asimov aurait, lui aussi, soutenu ces changements.

Deux des protagonistes les plus forts de la série, Gaal Dornick et Salvor Hardin, sont ainsi interprétés par deux femmes afro-américaines, respectivement Lou Llobell et Leah Harvey.

7 – Empire

Frère au Jour (Lee Pace)

Dans Fondation, les romans, différents empereurs se succèdent sur 1 000 ans et restent finalement peu présents physiquement. David S. Goyer voulait non seulement que l’empereur, appelé Empire, ait une présence nettement plus conséquente dans la série mais aussi que son visage soit identique, génération après génération. Il a donc inventé la dynastie génétique des Cléon. Empire est ainsi une série de clones issue d’un homme, Cléon 1er. Se cloner encore et encore, permet à Cléon de vivre et de régner éternellement.

Pour corser l’intrigue, le showrunner met en scène trois empereurs en même temps sur le trône, à trois âges différents. Tous trois appelés Empire par leurs sujets, ils se nomment entre eux Frère à l’Aurore (interprété par Cassian Bilton), Frère au Jour (Lee Pace) et Frère au Soir (Terrence Mann). En vieillissant, Frère à l’Aurore devient Frère au Jour qui devient Frère au Soir. Quand Frère au Soir meurt, il est remplacé par un nouveau Frère à l’Aurore. D’une génération à une autre, les frères ont grandement évolué dans leur personnalité mais ont toujours le visage des trois mêmes acteurs.

Le comédien Lee Pace avoue que s’il donne une interprétation unique pour chacune des différentes versions de son Frère au Jour, il reste influencé par le travail de Cassian Bilton et de Terrence Mann qui incarnent ses autres clones à des âges différents.

8 – Le temps

Gaal Dornick (Lou Llobell)

Le temps est un personnage à part entière dans la saga Fondation. Gérer les sauts dans le temps dans l’intrigue mais aussi l’action des suites et des préquelles est vite devenu un casse-tête. Au lieu de tout mettre à plat et de proposer une chronologie linéaire plus facile à suivre, David S. Goyer s’est inspiré de toutes ces particularités afin d’écrire sa série. Il jongle ainsi avec le présent, le passé, le futur et va même jusqu’à raconter deux histoires parallèles qui se déroulent à des époques différentes. Un vrai puzzle temporel.

9 – Un message pour aujourd’hui

David S. Goyer estime que le message de Fondation d’Isaac Asimov n’est autre que celui de l’espoir et de la foi dans l’humanité et dans l’ingéniosité des hommes. Pour lui, ce message, écrit dans les années 1940, en pleine Seconde Guerre mondiale, est toujours aussi pertinent dans la société d’aujourd’hui. Tout n’est que sacrifice et espoir.

10 – Huit saisons

David S. Goyer rêve d’une série de huit saisons, soit 80 épisodes. Il a déjà planifié toute l’intrigue principale et présenté les grandes lignes des Saisons 2 à 4 à Apple TV+. Il connaît la trajectoire de ses personnages principaux et ce qui arrive à la fin. Contrairement à Isaac Asimov qui n’a jamais eu le temps d’achever son histoire de 1 000 ans.

Fondation a été renouvelée pour une Saison 2.

Crédit photos : © AppleTV