Voix douce, yeux qui pétillent, Sara Giraudeau revient sur son personnage de Marina Loiseau, agent fraîchement recruté par les services secrets français dans Le Bureau des légendes. Deux jeunes femmes à l’écran et dans la vie que tout oppose.

Sara Giraudeau (Marina)

Sara Giraudeau (Marina)

A première vue, Marina Loiseau semble trop fragile pour ce métier d’espion.

SARA GIRAUDEAU : C’est ce que j’ai tout de suite aimé dans ce personnage, son côté très doux et très timide. On a l’impression que si on souffle dessus, elle va tomber. Alors qu’en fait, pas du tout. Beaucoup de gens ont cette candeur, cette apparente naïveté et pourtant, ils savent tirer leur épingle du jeu. La scène de la cantine dans le pilote du Bureau des légendes est assez emblématique de ce fait. Marina est toute douce et toute gentille, elle apparaît comme étant un peu dans son monde alors qu’elle ment effrontément à une jeune femme avec qui elle a l’air de partager une certaine amitié. Il faut être assez culotée pour pouvoir mentir avec autant de tranquillité. Mais regardez le profil de la jeune Clotilde Reiss emprisonnée en Iran pour espionnage alors qu’elle se disait étudiante. Elle avait tout de la jeune fille extrêmement fragile, première de la classe, très douce. Mais elle était certainement une espionne. Eric Rochant aime bien choisir ce genre de contradictions, il aime que les personnages et les spectateurs se fassent avoir.

Pensez-vous que Marina est consciente de ce qui l’attend en devenant une espionne ?

Non même si on lui explique avant. Mais les espions ne doivent jamais prendre les choses comme des surprises. S’ils sont surpris, ils sont morts. Ils doivent apprendre à n’être surpris par rien et à avoir le contrôle. Je voulais partir d’une Marina très fragile parce que c’est un être comme tout le monde même si elle possède de fortes capacités intellectuelles. Elle sort de polytechnique, elle parle plusieurs langues, elle apprend le farsi très vite. Elle va devenir de plus en plus apte à vivre des situations extraordinaires que d’autres gens ne pourraient pas vivre.

Sara Giraudeau (Marina)

Sara Giraudeau (Marina)

Avez-vous aussi le permis de tuer ?

Non, elle n’apprend pas à tuer. A la conférence de presse à Canal+, un journaliste m’a demandé s’il y avait de la baston dans Le Bureau des légendes car dans une série d’espionnage il s’attend à de l’action. Je lui ai dit que s’il voulait de la baston et des bagnoles qui font des tonneaux, il devait aller voir tout de suite les films américains et qu’il n’était pas du tout sur la bonne série. L’univers de l’espionnage d’Eric Rochant est plus intéressant, tout est psychologique. On est plus dans le réalisme. Un vrai espion, et surtout un clandestin, qui déclenche de la violence est fini, il n’est plus espion. On ne joue pas sur les mêmes genres. Il n’y a pas de lieu commun, la série est basée sur l’humain. Et Eric a fait son casting en fonction de ça. Il a choisi des personnalités très différentes et qu’on ne voit pas dans des films américains avec de la baston (sourire).

Avez-vous rencontré des agents de la DGSE ?

Non. Eric m’en a parlé. Il était très preneur de cette soi-disant fragilité que je pouvais apporter mais on a aussi travaillé sur le fait que l’angoisse ne devait jamais céder la place à la panique. Les espions peuvent être angoissés mais pas paniqués, et ce quelque soit la situation. La panique nous empêche de réagir face aux choses, elle paralyse. Eric dit que ce sont des gens qui garderont toujours leur sang froid même avant de mourir. S’ils sont de nature à céder à la panique, ils ne partent pas en mission.

Qu’est-ce qui motive un espion selon vous ? Le patriotisme ?

Non, je pense qu’il y a une grande excitation. Les espions vivent des situations tellement extraordinaires. Les clandestins sont immergés pendant des années. Ils doivent avoir une double vie professionnelle et personnelle 24 heures sur 24. Je ne sais pas comment on peut avoir une double vie personnelle. (Sourire) Leur moi doit être divisé. Certains ont dû devenir schizophrènes (sourire), d’autres ont dû très bien tenir le coup. Mais comment peut-on vivre en ayant constamment une double identité ? C’est à l’inverse de l’ordre mental. Pour préserver un équilibre mental, il faut quand même avoir des assises. Surtout pour des gens aussi jeunes Marina a 25 ans, c’est encore très jeune. Le mental dans l’être est encore en train de se construire des piliers. Et là, on lui demande de se diviser. C’est quelque chose qui m’intrigue énormément. Après, je pense qu’il y a une excitation énorme. Ce sont des métiers de grand danger, à haut risque. Ils doivent être sur le fil entre le contrôle et la perdition. Ils doivent s’oublier totalement tout en étant perméables à tout ce qui se passe dans la réalité. Ils sont très observateurs de ce qui les entoure. Ils sont dans la vie mais sans pouvoir être eux-mêmes. Ce sont des contradictions très intéressantes.

Sara Giraudeau (Marina)

Sara Giraudeau (Marina)

Peut-on faire un parallèle entre le métier d’espion et le métier d’acteur ? Les deux jouent un rôle.

Le parallèle s’est fait sur le tournage. Tout au long des cinq mois de tournage, j’étais tout autant espion en initiation et que comédienne en initiation. C’est ma première série. Avec dix épisodes où on tourne rapidement, où on change de réalisateur et d’équipe technique. Tout peut vite nous déstabiliser. Il faut tenir son rôle et son cap sans être déstabilisé, en s’adaptant aux nouvelles circonstances, aux nouvelles personnes, à quelqu’un d’autre qui vous dirige et qui a une autre personnalité. S’adapter à tout ça était un réel apprentissage de comédienne et en miroir de l’apprentissage de Marina de son métier d’espion. Après, entre l’espion et le comédien, à part ce miroir-là du tournage et du personnage, je ne les compare pas. Parce que dans la vie, si je ne suis pas sur scène ou devant une caméra, je ne joue pas, je ne mens pas, je suis moi. C’est ce qui permet d’avoir la tête sur les épaules. Les acteurs qui jouent aussi dans la vie ont leur personnalité qui part vite en cacahuète. Mais chez les espions, je me demande où est leur moi.

Crédit photo : © Xavier Lahache / Top – The Oligarchs Productions / Canal+

 

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