Daniel Radcliffe nous revient dans L’Ordre du Phénix, pour un des épisodes les plus sombres et les plus tristes de la saga. Un nouveau défi à relever pour le jeune comédien qui continue de grandir avec Harry Potter en dépit d’un désir brûlant de s’en détacher et de prouver qu’il peut faire plus et mieux dans d’autres rôles.

 

 

Retrouver Harry Potter, est-ce comme une rentrée des classes après deux mois de vacances ?

Daniel Radcliffe : En un sens, oui. La plupart de mes meilleurs amis travaillent sur Harry Potter et quand je reviens non seulement je les retrouve mais en plus je fais ce que j’aime, c’est-à-dire jouer la comédie. Et c’est toujours une bonne expérience car dans chaque film, ce personnage me permet de relever de nouveaux défis d’acteur.

Qu’y a-t-il de nouveau pour lui dans L’Ordre du Phénix ?

(Il réfléchit) Ce film se concentre moins sur l’action et plus sur Harry, sur ce qui se passe dans sa tête… Son état d’esprit, son état mental. Il vit sur le fil du rasoir… Il a atteint un certain équilibre mais vous sentez qu’il suffit d’une chose pour qu’il bascule dans la paranoïa ou dans la colère. Il est très fragile dans ce film.

Vu cet état d’esprit, parvenez-vous à le laisser à la porte du studio après une journée de travail ou est-ce qu’il vous hante par moment ?

Je le laisse derrière moi assez facilement. Une fois chez moi, je ne pense pas à lui même si je pense à la scène du lendemain. Je pense à lui quand je l’incarne… En fait non, je pense à lui avant de l’incarner et ensuite j’essaye de l’incarner sans trop penser. (Il rit)

Il vous est souvent demandé ce que vous aimez en Harry Potter mais que n’aimez-vous pas chez lui ?

Je ne crois pas qu’il soit un modèle à suivre. Il se rend souvent coupable d’arrogance. Et il n’apprécie pas toujours à sa juste valeur la tolérance dont font preuve Ron et Hermione à son égard. Quand il se renferme sur lui… Il en a parfaitement le droit, le problème n’est pas là, il est normal parfois de ne vouloir parler à personne… Mais Ron et Hermione ne le laissent jamais tomber dans ces moments-là. Je ne crois pas qu’il en soit conscient. Ce serait ses deux plus grands défauts.

Y a-t-il un peu de vous dans ce personnage après cinq films ou cela reste-t-il un rôle ?

Cela reste un rôle mais je prends de lui ce que je prendrais d’un modèle, comme sa volonté de faire ce qui est juste. J’aime aussi son indépendance. Quand il a un problème, il n’y entraîne pas les autres, il s’en sort par lui-même. Je crois que c’est une qualité honorable de faire face à ses problèmes, de savoir les analyser et de s’en sortir par soi-même. Cela montre sa force de caractère.

Ce dont il a besoin vu tout ce qu’il lui arrive. C’est de pire en pire.

Et je trouve que le cinquième film est le plus sombre de tous. Pour l’instant. Mais je ne sais pas s’il sera perçu comme tel parce qu’il n’y a pas de scènes d’action aussi terrifiantes que dans les précédents films. Mais c’est le plus sombre à cause de Harry. Il a les idées très noires… (Il réfléchit) Comme je l’ai dit, il est très fragile, constamment sur le fil du rasoir et il est terrifié car il ne sait pas ce qui peut lui arriver.

Ne pensez-vous pas que J.K Rowling va trop loin ? Que l’équilibre entre le bien et le mal est brisé et que rien, pas même la mort de Voldemort, ne pourra le rétablir ?

C’est ce qui fait tout l’intérêt de la saga. (Il rit) Des gentils meurent mais il faut aussi se dire qu’il y a des méchants qui se font tuer ou que nous essayons de tuer. Parfois les Mangemorts gagnent, parfois c’est l’Ordre du Phénix. Mais je crois que le septième opus va remettre les compteurs à zéro parce que ces ados de l’Armée de Dumbledore sont devenus des adultes. Ils sont conscients que la guerre fait rage autour d’eux et ils veulent se battre. (Il éclate de rire) En fait, je n’en sais rien ! Je ne sais pas ce qui va se passer dans le septième livre. Tout ça n’est que supposition.

Harry Potter, c’est de la pure fiction, cela parle de magie. Ne serait-ce pas mieux si cette saga était plus légère, moins sombre ?

Surtout pas ! Parce qu’alors ces livres n’auraient plus rien d’unique. Ces livres n’ont rien de paternalistes avec les enfants. Quand vous entrez dans l’adolescence, vous découvrez que les malheurs n’arrivent pas que dans les livres ou à la télé mais aussi dans la réalité. Vous apprenez cela à l’adolescence et c’est ce qui arrive à Harry Potter. De jeune garçon de 11 ans, innocent et tranquille, il devient un adulte dont la vie est constamment menacée dans un monde où règne le mal.

C’est vrai que le sixième livre n’a plus rien à voir avec le tout premier…

Et cette évolution est purement géniale. J.K. Rowling est parvenue à changer complètement le ton des livres tout en maintenant l’intérêt des premiers lecteurs. C’est remarquable. Je suis vraiment curieux de voir comment elle va finir cette saga parce que quand vous avez écrit six livres, qu’ils ont tous eu du succès et que vous savez que le septième sera le dernier, vous vous dites que vous avez intérêt à inventer une très bonne fin. Mais je suis sûr qu’elle ne nous décevra pas.

Elle a révélé que Harry « pourrait ne pas survivre »

Ce serait totalement légitime qu’il meurt. C’est la seule façon pour elle de finir sa saga. Sinon, tout le monde lui demandera d’en écrire un autre. En le tuant, il n’y a plus d’espoir qu’il revienne. (Il rit) Et je crois que comme tous les acteurs, au fond de moi, j’aspire à jouer un jour une grande scène où je meurs. Mais bon, si Harry survit, je serai tout aussi content. (Il rit)

Y a-t-il une scène en particulier que vous redoutez ? [L’interview a eu lieu alors que Daniel Radcliffe était encore en plein tournage de L’Ordre du Phénix, NDLR] – [Spoiler pour ceux qui n’ont pas lu le livre]

Je crois que la scène de la mort de Sirius (joué par Gary Oldman) va être très difficile à jouer pour moi. Je ne sais pas encore comment je vais la jouer car j’ai la chance de ne pas avoir encore connu un décès aussi grave dans ma vie. J’ai déjà perdu un chien et cela m’avait vraiment rendu triste mais jamais une personne aussi proche que Sirius peut l’être de Harry. C’est vraiment très étrange parce que je pense à cette scène pendant des heures et je me dis que je vais faire ceci ou cela mais au final, je ne sais toujours pas comment je vais la jouer. Cela va finir en séances de travail avec David (Yates, le réalisateur) afin de trouver cette émotion.

Comment aviez-vous abordé la mort de Cédric dans La coupe de feu ? [Le spoiler continue]

Daniel Radcliffe et Gary Oldman

La mort de Cédric était différente. Je crois… (Il réfléchit) Parce que quand il meurt, son amitié avec Harry est encore naissante. Ils ne deviennent vraiment amis que quelques minutes avant sa mort, à la fin de la séquence du labyrinthe. Avant, c’est plus une rivalité. En fait, cette mort est traumatisante à cause des circonstances. Il y a tout cet affrontement dans le labyrinthe, puis dans le cimetière, il y le retour de Voldemort, son duel avec Harry. Face à cette expérience traumatisante, il est logique que la mort de Cédric le bouleverse à ce point. Mais avec Sirius… C’est quelqu’un que Harry aime. Il n’aime pas Cédric. Il s’entend juste bien avec lui. Mais il aime profondément Sirius. Il est ce qui se rapproche le plus du père qu’il n’a jamais eu. Le perdre… Je ne sais pas. Pour la scène de Cédric, je me suis mis dans un état proche de l’hystérie et j’ai aussi écouté de la musique pour m’aider mais je ne pense pas que la musique suffira pour me préparer à la mort de Sirius. Je ne sais pas ce que je vais faire, mais je sais que je vais trouver.

Harry est de plus en plus en colère au fur et à mesure des livres. Et plus amer aussi.

Je crois qu’il a développé un sentiment de culpabilité d’avoir survécu. Il pense qu’il aurait dû mourir à la place de Cédric parce que Cédric n’avait rien à voir avec Voldemort. Mais vu ce que Harry endure, je ne le trouve pas si en colère que cela, je le trouve même plutôt équilibré. D’autres seraient plus scandalisés face à ce monde qui l’entoure. J’ai tourné cette scène l’autre jour où Harry avoue à Sirius qu’il ressent constamment de la colère et qu’il pense devenir de plus en plus méchant. Il a tant de choses à l’esprit… Cela le rend plus intéressant à interpréter pour un acteur.

Incarner Harry Potter n’est donc pas devenu une routine après quatre films ?

Non, c’est toujours aussi excitant. Mais nous avons un nouveau réalisateur à chaque film maintenant, cela aide aussi. Cela permet d’apporter une certaine fraîcheur à la fois aux acteurs et au film. Surtout quand ce réalisateur est David Yates. Il est extraordinaire. Il est brillant.

Dans quel sens ?

Daniel Radcliffe et David Yates

Parce qu’il est calme, vraiment très gentil, très réservé, très discret. Il murmure plus qu’il ne parle quand il vous dirige. Vous devez presque vous pencher et tendre l’oreille pour l’entendre. Et quand vous écoutez ses directives, vous réalisez qu’elles ont une certaine justesse. Il a des idées brillantes quant aux personnages. Il a un savoir phénoménal sur l’être humain en termes de processus mental : sa façon de penser, sa manière de réagir, le pourquoi il s’accorde avec certains plus qu’avec d’autres… C’est une qualité très utile pour un réalisateur. C’est pour cela que j’aime travailler avec lui, c’est pour cette combinaison de grand réalisateur et d’homme adorable. Et il me pousse plus loin et plus souvent que je ne l’ai jamais été. Je ne dis pas cela au détriment des réalisateurs précédents parce que je n’aurais pas été capable de donner la même chose à l’époque. David m’a chopé juste au bon moment.

Est-ce qu’il vous donne beaucoup de liberté dans l’interprétation de votre personnage parce que, quelque part, vous le connaissez mieux que lui ?

Oui. (Il réfléchit) Je ne sais pas si je connais Harry mieux que lui. David a fait ses recherches, il connaît parfaitement chaque personnage. Mais c’est vrai qu’il me donne beaucoup de liberté. Nous avons tourné une scène où je fais un cauchemar. Il m’a dit : « Bon, tu t’allonges ici et tu prends tout le temps qu’il faut pour jouer la scène, je vais laisser la caméra tourner pendant cinq minutes et nous allons voir ce que nous obtenons. » Il me laisse souvent carte blanche mais il est aussi d’une aide précieuse dans sa direction. En tant qu’acteur, je peux parfois opter… je ne dirais pas pour l’interprétation la plus évidente mais pour une interprétation qui serait la plus immédiate. Quand je lis une scène, parfois je me dis aussitôt que je vais la jouer de telle ou telle façon. Alors David arrive et il me dit : « Ce serait intéressant si tu la jouais de cette autre façon. » Il suggère une alternative qui serait plus proche du caractère de Harry, plus profonde. David sait trouver le détail, la particularité qui fait tout le personnage.

Que diriez-vous de votre évolution en tant que comédien ?

Daniel Radcliffe et Imelda Staunton-

Je crois que je m’améliore. Doucement. Sur le premier film, je m’amusais beaucoup mais ensuite j’ai mûri et j’ai commencé à prendre ce travail plus au sérieux. J’ai aussi beaucoup appris en côtoyant des acteurs comme Gary Oldman (Sirius Black depuis Le prisonnier d’Azkaban) et Imelda Staunton (Dolores Umbridge dans L’Ordre du Phénix). Ils m’ont beaucoup aidé à grandir en tant qu’acteur. Et puis j’adore ce métier. Je rencontre tant de gens intéressants avec des origines si diverses. J’ai la chance de découvrir de nouvelles choses sur moi. Je découvre le personnage de Harry Potter en l’interprétant et ses convictions font que je m’arrête pour réfléchir à mes propres convictions. C’est parfois assez révélateur. Donc, oui, je veux être acteur, mais je veux aussi écrire et j’aimerais réaliser un court métrage, histoire de voir à quoi cela ressemble. (Il sourit)

Ne vous sentez-vous pas prisonnier de ce rôle ? Parce que vous n’avez pas vraiment le temps de tourner d’autres films.

Je viens de finir December boys de Rod Hardy et j’espère tourner d’autres films entre le sixième et le septième Harry Potter. Je ne sais pas encore quoi mais j’espère que j’en aurai le temps si je trouve le bon scénario. Parce que je reçois beaucoup de scénarios mais très peu sont bons. C’est le problème. Sur 50 scénarios, c’est un miracle d’en trouver un bon. Voilà où en sont les probabilités pour moi aujourd’hui. Mais non, je ne me sens pas prisonnier du tout de Harry. Je n’ai que deux façons de voir les choses : me dire que je suis piégé par le rôle ou me dire que sans Harry, je n’aurais pas eu la possibilité de jouer d’autres rôles du tout. Et j’aime plutôt voir les choses de cette seconde façon. Et puis j’aimerais vraiment que les gens me voient dans autre chose. Harry Potter est le personnage qui m’a rendu célèbre et restera probablement celui dont les gens se rappelleront toujours en premier mais j’aime à penser que si je travaille assez dur et que j’interprète autant de rôles différents que je le peux, au final ils se souviendront aussi d’autres personnages. Il faut que je multiplie les occasions au maximum entre maintenant et la fin de la saga pour prouver aux gens que je peux le faire. Je peux faire plus que du Harry Potter. Ceci étant dit, je ne choisis pas un rôle seulement parce qu’il est différent de Harry Potter. Je juge chaque rôle pour ce qu’il est.

Crédit photos : © Warner Bros