Nicolas Vanier revient avec un film quasi autobiographique sur son enfance en Sologne et l’histoire d’un petit garçon des villes qui va devenir un petit garçon des champs. Visite sur un tournage ce jour-là mouvementé. L’école buissonnière sort en salles ce 11 octobre.

François Cluzet et Jean Scandel

Un carnage se déroule sous les yeux de l’équipe de L’école buissonnière de Nicolas Vanier. Pour une reconstitution de chasse à courre, une vingtaine de chiens égorgent un renard et déchiquètent ses pattes arrière. Il n’était pourtant là que pour exciter la faune canine devant la caméra mais la situation a dégénéré. Le dresseur tente de sauver le petit animal mais le récupère en piteux état. Le réalisateur est content de la scène. Les chiens aussi. Le plan est en boîte. Le pauvre renard empaillé git maintenant contre un arbre, sa tête quasiment détachée de son corps éventré. De la paille émerge des différentes ouvertures faites à coups de crocs. Sa carrière dans le cinéma semble bien terminée.

Jean Scandel et Valérie Karsenti

Pour son nouveau film, Nicolas Vanier a investi sa Sologne natale. De septembre à fin novembre 2016, la production a navigué entre La Ferté-Saint-Cyr, Neung-sur-Beuvron, Brinon-sur-Sauldre, Mennetou-sur-Cher, le domaine de Chambord, le château de Villebourgeon à La Marolle-en-Sologne… Ces lieux aux noms pastoraux ont fait un retour vers le passé pour l’occasion, dans les années 30. Paul (Jean Scandel), orphelin et titi parisien, est confié à la chaleureuse Célestine (Valérie Karsenti) et à son mari, le bourru Borel (Eric Elmosnino). Ce dernier est le garde-chasse du comte de La Fresnaye (François Berléand) et de son fils Bertrand (Thomas Durand). Le comte tolère les braconniers sur son domaine mais Borel traque l’un d’eux, Totoche (François Cluzet). A leur contact, Paul va faire l’apprentissage de la nature et de la vie.

Le film devait se tourner en 2015 mais faute d’argent, il a été reporté. Le temps de réunir les 7 M€ nécessaires, Nicolas Vanier et Jérôme Tonnerre ont peaufiné leur scénario. « Le film est basé sur mon livre, Le grand brame, raconte Nicolas Vanier. Avec aussi un peu de Maurice Genevoix et beaucoup de ma propre histoire avec la Sologne, mon grand-père, les gardes-chasse. Avec ce film, je fais le pari de montrer la Sologne telle qu’elle est. Elle est toute ma vie. C’est là où j’ai tout appris de la nature et du rapport des gens avec les animaux. »

Sauver la Sologne

Nicolas Vanier

Ce 16 novembre 2016, la production s’est installée dans la forêt du parc de Chambord. Il fait gris et il tombe une pluie fine. Le réalisateur, filmant tout en décors naturels, est ravi de ce mauvais temps car il est raccord avec les séquences tournées précédemment. La scène du jour est la fin d’une chasse à courre au cerf. Mais pas n’importe lequel, un cerf à 18 cors. Il est si rare qu’il est presque une légende. Paul sera le premier à voir l’animal. Le comte rêve d’en tuer un mais tout le village le défendra. « Le cerf prend une place symbolique dans l’histoire, confie Nicolas. Tout se noue autour de lui : le comte, le braconnier, le garde-chasse, le fils du comte, Paul… » Nicolas a utilisé un vrai cerf 18 cors, imprégné et gardé dans un enclos de 18 hectares. Il a fini de tourner la veille d’où le renard empaillé qui joue son rôle hors caméra.

Pendant la mise en place du plan suivant, une classe scolaire débarque près du plateau. Nicolas Vanier rejoint les adolescents et échange quelques mots avec eux. « J’ai pratiquement la visite d’une classe par jour, sourit le réalisateur. Je travaille avec le ministère de l’Education nationale car je veux créer tout un programme d’éducation de l’environnement autour du film. J’ai sept écoles qui portent mon nom. Pour un cancre comme moi, c’est assez incroyable. J’ai noué des liens avec les enseignants et les écoles depuis le Grenelle de l’environnement. En matière d’écologie, ce sont ces enfants qui prendront la relève. » L’école buissonnière est aussi le cri du cœur de Nicolas Vanier pour sauver sa Sologne. « Elle est en train de mourir, tuée par une maladie grave. Tous ces grands propriétaires parisiens achètent 500 à 1 000 hectares et mettent des grillages tout autour. La Sologne devient un labyrinthe où les animaux ne peuvent plus circuler librement. Aucun homme politique courageux – si tenter que cela existe – n’ose prendre des mesures car tous les grands de ce monde viennent chasser en Sologne. Il y a un lobbying politique terrible. Et cela tue la Sologne. »

Les élèves, restés à bonne distance, sortent leur portable pour photographier l’action : une chute de cheval. Bertrand met en joue le cerf à 18 cors mais Borel veut l’en empêcher. Le cheval se cabre et le fils du comte tombe de sa monture. Le cascadeur ayant un fusil dans les mains il ne peut faire cabrer le cheval. C’est le dresseur, hors champ, qui s’en charge. Une répétition est filmée. Nicolas Vanier veut un point de vue sur le cheval plus en contre-plongée. L’accessoiriste ajoute des feuilles sèches et propres sur la boue du sol pour que le cascadeur ne salisse pas trop sa veste rouge de chasseur à courre qui doit rester raccord pour les prises suivantes. Il a un grand sac de feuilles qu’une visiteuse sur le plateau prendra pour une poubelle et y jettera son Kleenex. Au grand dam du technicien. Après un étrange « On balaie la forêt puis on y va. » venant du premier assistant réalisateur, le moteur est lancé. Puis vient un « Action cheval ! ». En deux prises, la cascade est en boîte.

La nature, l’héroïne du film

Jean Scandel

Les plans s’enchaînent car la lumière du jour baisse rapidement. La scène suivante voit Totoche regarder Paul se précipiter sur la meute de chiens (sur le plateau, ce sont des bois de cerf en guise de repère). Le jeune garçon crie « Arrière Lucifer ! Arrière ! » et tape le sol avec un bâton. Il arrête les chiens dans leur attaque et fait fuir le cerf (un technicien se met à courir pour que le jeune acteur ait le regard dans la bonne direction). A « Coupez », Jean Scandel lance : « Ce que j’ai l’air con ! » Nicolas Vanier va discrètement lui parler. Le garçon sera parfait pour les prises suivantes. Rassuré et détendu, entre les prises, il joue avec son bâton comme s’il tenait un sabre-laser.

Encore une fois, Nicolas Vanier joue avec deux éléments que la majorité des réalisateurs essaye pourtant d’éviter : les enfants et les animaux. « Mais j’adore ça ! C’est compliqué et cela demande beaucoup de patience. Je sais ce que je peux faire ou non. Je prévois mon découpage mais à un moment, cela devient instinctif. » 2 800 jeunes garçons ont été auditionnés pour le rôle de Paul. Le choix de Jean Scandel semble avoir été le bon car toute l’équipe n’a que des éloges – réellement sincères – du garçon. François Cluzet a pris le débutant sous son aile, comme Totoche le fait avec Paul dans le film. « J’ai à cœur que Jean soit le mieux du monde sur ce film, souligne François Cluzet. Il était très introverti au début. Un jour, je l’ai pris à part et je lui ai dit que tout le monde était content de lui mais que maintenant, il devait aussi être heureux. Il doit garder un super souvenir de ce tournage. » En tout cas, ce sera le cas pour François Cluzet.

Le comédien arbore une barbe poivre et sel fournie qui lui mange la moitié du visage. Il l’a laissée pousser pendant six mois en préparation du rôle. Il dit que le personnage poussait en même temps que ses poils. « Totoche est un braconnier sans foi ni loi. Il ne s’accorde pas à la compagnie des hommes. Il vit de sa braconne, seul, dans la forêt. Au départ, il ne veut pas de ce môme dans ses pattes mais petit à petit, face à sa curiosité pour la forêt, il va s’ouvrir à lui et lui transmettre son savoir sur la nature. » Et il ajoute, comme pour faire écho à Nicolas Vanier : « Au final, ce ne sont pas les hommes qui ont le rôle principal dans ce film, mais la nature. C’est un film d’auteur à grand spectacle. Il y a quelque chose de nostalgique à montrer cette nature dans les années 30 alors qu’elle était la plus belle, la plus vierge et la plus pure. »

Article paru dans Studio Ciné Live – N°87 – Mars 2017

Crédit photos : © StudioCanal/Radar Films