La diffusion de la saison 2 de Chefs commence ce 23 novembre sur France 2 après un tournage de près de quatre mois à Paris et en région parisienne. Le succès aidant, les enjeux et les attentes sont plus élevés. Paradoxalement, les co-créateurs Marion Festraëts et Arnaud Malherbe sont moins stressés et plus confiants.
Dans Chefs saison 2, les rats ne quittent pas le navire mais envahissent la cuisine du restaurant Le Paris. Une dizaine de petits rongeurs gris détalent sur le sol et les plans de travail, entre les cadavres des futurs canards laqués et les paniers vapeur. « Ne vous inquiétez pas, ils sont sains et gentils, » lance une voix sur le décor avant de compter les bestioles pour être sûr qu’aucune ne s’est échappée. Dans cette séquence de l’épisode 7, Le Paris gastronomique de M. Edouard est devenu le restaurant chinois de Mme Lin Xiao. La cuisine immaculée du Chef est désormais un capharnaüm de produits asiatiques. M. Edouard aurait-il perdu son restaurant ? Tout le monde aura beau être cuisiné sur le plateau, personne ne soufflera mot quant à la raison de ce changement de saveur. Ni de la présence du Chef sur les lieux. Il regarde un inspecteur de l’hygiène tancer une Mme Lin Xiao furieuse. Son air goguenard laisse deviner d’où viennent les rats… La vengeance est un plat qui se mange froid.
Chefs explore l’univers culinaire à travers le conflit d’un père et de son fils, deux génies des fourneaux. A la fin de la saison 1, le Chef (Clovis Cornillac) laissait sa cuisine à Romain (Hugo Becker). Au début de la saison 2, six mois ont passé. Le Chef ne cuisine plus et évolue dans un milieu secret et interlope de tripots de jeux bizarres liés à la nourriture. Romain a obtenu sa première étoile et connaît une ascension fulgurante. Le destin fera se retrouver les deux hommes pour mieux les faire s’affronter.
Le succès de l’audace
La série Chefs, co-créée par Marion Festraëts et Arnaud Malherbe, est née de la politique lancée en 2012 par Thierry Sorel, directeur de l’unité fiction de France 2 de l’époque – et qui quittera ses fonctions fin juillet. Il a voulu dépoussiérer les programmes de la chaîne et créé des séries modernes et audacieuses tant en écriture qu’en réalisation. Et qui avaient un avenir sur le long terme. Chefs, Les Témoins, Dix pour cent… Ces séries ont rassemblé plus de 4 millions de téléspectateurs par soirée. Un succès. En plus de ses bons chiffres d’audience, la première saison de Chefs a été vendue à Netflix France par francetv distribution. Les marchés internationaux sont également intéressés mais préfèrent attendre d’en voir plus – soit la saison 2 – pour se lancer dans cet achat. Une adaptation nord-américaine est en cours, la série ayant été optionnée par Keshet Studios – filiale américaine de Keshet International, distributeur de Hatufim et False flag – qui la développe avec ABC.
France 2 sentant dès le début qu’elle tenait une bonne série, Marion Festraëts travaillait déjà sur celle de Chefs alors qu’Arnaud Malherbe réalisait les six épisodes de la saison 1. La saison 2 compte cette fois huit épisodes. Son budget (9,1 M€) reste dans la norme des séries emblématiques de France 2 qui oscille entre 1 et 1,3 M€ l’épisode. « Nous devions déjà faire huit épisodes dans la saison 1, souligne Marion Festraëts, mais le manque de temps nous a contraint à réduire à six. Nous nous sommes installés naturellement dans cette nouvelle durée. Elle permet d’explorer des choses un peu différentes, d’êtres plus confortables en production et de développer la dimension chorale de la série. A l’époque de la saison 1, France 2 voulait une série très feuilletonnante, moins éclatée, avec un parcours narratif resserré autour de deux personnages, le Chef et Romain. Il était alors difficile d’avoir un fil d’intrigues fort et de développer la choralité. » Pour cette saison 2, les personnages secondaires sont plus présents et étoffés, avec des intrigues qui leurs sont propres. Et la seule demande de France 2 a été une saison 2 dans la continuité mais que les téléspectateurs puissent suivre sans avoir vu la saison 1.
« La difficulté de la saison 1 était d’être dans un espace qui n’était pas identifié, reprend Marion Festraëts, désormais seule scénariste sur la saison 2. Chefs n’est pas une comédie pure, ni un polar pur, ni un soap pur. Comme dans la vie, il contient du drame, de la comédie, des moments de flip… Ce type d’espace-là est assez compliqué à inventer et à écrire. Pour la saison 2, nous avons des référents, nous avons une bible, les personnages, le ton. » « Nous sommes aussi moins dans l’incertitude, continue Arnaud Malherbe, qui n’est que réalisateur sur la saison 2. Nous ne savions pas comment la saison 1 allait être reçue par la chaîne et par le public. Aujourd’hui, nous savons que la série fonctionne. Tout le monde est moins stressé. Même les comédiens sont plus à l’aise. Ils ont retrouvé leur personnage et leur mode de fonctionnement. Marion a aussi écrit en pensant aux personnages incarnés, ce qui lui a permis de jouer avec le talent des uns et des autres et de leur donner des scènes à leur mesure. »
Un coréalisateur enthousiaste
Clovis Cornillac interprète toujours le Chef mais il a ajouté une autre casquette à celle d’acteur, celle de réalisateur. Arnaud Malherbe travaillant sur d’autres projets en parallèle, il ne tourne que les quatre premiers épisodes. La production a donc cherché un réalisateur pour les quatre autres. Et en a parlé à Clovis Cornillac. « Assez naturellement, nous nous sommes rendu compte que c’était le dispositif idéal, remarque Arnaud Malherbe. Il possède une connaissance intime de la série, il l’incarne en tant que comédien, il a développé une relation avec tous les acteurs, nous nous entendons très bien lui et moi… Il est aussi très respectueux de notre travail et s’est coulé dans notre série. » Les deux hommes ont beaucoup parlé de la saison avant le tournage et ont fait une partie de la préparation ensemble. Clovis Cornillac a ensuite utilisé la méthode qu’il a peaufinée sur son film, Un peu, beaucoup, aveuglément, pour tourner les scènes où il apparaît. Il fait d’abord une mise en place avec ses comédiens pour leur montrer ce qu’il recherche puis tourne le plan d’ensemble avec lui dans la scène. Une doublure le remplace ensuite pour tous les plans rapprochés, donnant la réplique aux autres acteurs. Il peut ainsi les regarder jouer et travailler avec eux sur le jeu. Il finit avec les plans rapprochés sur lui. Et, ce jour-là, sur un rat posé sur une étagère et qu’il faudra soudoyer avec de la nourriture pour qu’il reste immobile entre son épaule et un chat porte-bonheur.
La saison 2 a fini son tournage le 1er juillet. Une saison 3 est déjà envisagée. Elle pourrait cependant être retardée. Marion Festraëts a en effet reçu des propositions de séries et d’unitaires sur lesquelles elle réfléchit. De son côté, Arnaud Malherbe développe, en parallèle de Chefs, la série Icare pour Arte et finit d’écrire son prochain film. Le succès appelle le succès. Et pourrait fermer temporairement la cuisine.
Article paru dans Studio Ciné Live – N°83 – Octobre 2016
Crédit photos : © Christophe Charzat / FTV / CALT