Pour peupler l’histoire de La Venue de l’avenir, dont l’intrigue se déroule en 2025 et en 1895, Cédric Klapisch a constitué deux familles de comédiens : celle d’aujourd’hui et celle d’hier. Le scénariste et réalisateur revient sur son choix de ces actrices et acteurs, habitués ou petits nouveaux dans son cinéma. La Venue de l’avenir sort en salles ce 22 mai.
L’histoire de La Venue de l’avenir
2025. Une trentaine de membres d’une famille vont recevoir en héritage une maison abandonnée depuis des années. Quatre d’entre eux, Céline, Seb, Abdelkrim et Guy, chargés d’en faire l’état des lieux, y découvrent des trésors cachés. Partant à la recherche de leurs origines, ils apprennent également l’existence d’une mystérieuse Adèle. En 1895, à 20 ans, la jeune femme a quitté sa Normandie natale pour Paris, dans l’espoir de retrouver sa mère, Odette, qui l’a confiée à sa grand-mère quand elle était petite. En chemin, elle fait la connaissance d’Anatole, un peintre, et de Lucien, un photographe. Tous trois débarquent dans la capitale, une ville en pleine révolution industrielle et culturelle.
Aujourd’hui, en 2025
Abraham Wapler (Seb)
« Je l’ai découvert en tournant une pub Cartier avec lui, il y a deux ans. Ça faisait un moment que je le connaissais et que je le trouvais vraiment exceptionnel. Le rôle de Seb dans La Venue de l’avenir était écrit pour quelqu’un de 25 ans. Je savais que les financiers seraient forcément réticents de partir sur un acteur qui n’est pas encore connu du grand public, mais bon… Ce n’était pas la première fois que ça m’arrivait ! (Rires). Abraham possédait à la fois la modernité dont j’avais besoin pour incarner ce personnage lié à la création digitale et à la fois une sorte de profondeur un peu mystérieuse. Pour ce rôle, je n’ai pas vu d’autres acteurs qu’Abraham au casting. J’avais totalement confiance. On avait passé deux jours sur cette pub au Portugal et je savais qu’il était assez solide pour jouer Seb.
Ce personnage est vraiment construit en miroir du personnage d’Adèle joué par Suzanne Lindon. Ce sont ces deux jeunes adultes qui sont les héros du film. Même si c’est vraiment un film de groupe, « choral » comme on dit, avec beaucoup de personnages secondaires qui gravitent autour des principaux, l’ossature du film, elle, repose sur les épaules de ces deux jeunes acteurs. Et maintenant que le film est terminé, je vois à quel point j’ai bien fait de faire confiance à Suzanne et à Abraham parce que je trouve qu’ils ont tous les deux des qualités émotionnelles assez puissantes. Ils ont vraiment donné vie à Adèle et à Seb. »
Vincent Macaigne (Guy)
« Vincent, plus je le vois et plus je trouve qu’il a du talent. Il prend une épaisseur dans son jeu qui est folle. C’est un peu comme Denis Podalydès, avec qui j’ai mis du temps à travailler. Mais de la même façon que j’ai vu l’évolution de Denis, j’ai vu celle de Vincent chez les autres réalisateurs. Bien sûr, il a une forte personnalité, comme Fabrice Lucchini, cependant, en même temps, il détient une palette de jeu incroyable ! Il possède une véracité, une justesse… Et du coup, il peut aller très loin, que ce soit dans la comédie ou dans l’émotion. J’ai beaucoup aimé travailler avec lui sur La Venue de l’avenir. »
Julia Piaton (Céline)
« Julia a une délicatesse et une finesse de jeu assez rare. Je suis content de l’avoir découverte parce que c’est vraiment le genre d’actrice que j’aime. Ce sont réellement des gens qui savent mélanger des choses de comédie avec des choses du quotidien très subtiles, très fines. Cet éventail peut permettre de basculer très vite de la comédie au drame. C’est le contraire de l’humour qui peut naître d’un dessin caricatural avec des gros traits. Et donc, c’était super de travailler avec elle.
Abraham, Julia, Vincent et Zinedine se sont super bien entendus sur La Venue de l’avenir, c’était assez miraculeux. C’est toujours beau quand on arrive à faire exister un groupe. C’était un peu le but du film : même s’ils sont très différents au départ, à la fin du film, ils forment une famille. Au fur et à mesure du tournage, ils ont fabriqué un truc très collectif. Ils étaient en phase avec ce qu’ils jouaient, avec le type de comédie, avec le type de présence et d’intelligence. C’était vraiment quelque chose de très beau à regarder. »
Zinedine Soualem (Abdelkrim)
« Zinedine est un ami de longue date. Et cette fois, je me suis dit qu’il faudrait qu’il ait un rôle plus important. Comme dans Chacun cherche son chat ou comme dans Ni pour ni contre (bien au contraire). Je lui ai proposé le rôle d’Abdelkrim. Jusqu’à présent, on avait beaucoup travaillé sur la comédie avec Zinedine parce qu’il a un sens de la comédie phénoménal ! Mais avec ce personnage-là, il porte énormément d’émotion, et Zinedine la maitrise très bien. Ça m’a fait plaisir de le retrouver dans un rapport plus profond.
[La scène où son personnage de professeur est applaudi par tous ses élèves] est surtout un hommage à l’éducation… Mais c’est aussi clairement un hommage à Zinedine. En plus, ses deux filles ont accepté de participer à la fin de cette scène ! Symboliquement, c’était bien qu’elles soient présentes. Parce que les deux, je les ai vues naître ! Lina et Mouna travaillent toutes deux dans le cinéma. L’une est réalisatrice et l’autre actrice. Il y a vraiment un triple sens dans cette séquence. C’est vrai que c’était ma façon de remercier Zinedine, mais aussi les gens qui comptent, qui apportent quelque chose aux autres. Et puis, on a tous eu un prof que l’on a envie d’applaudir pour lui dire « Merci ! Vous m’avez vraiment beaucoup aidé. » D’ailleurs, la scène s’inspire d’une vidéo de départ à la retraite d’un professeur que j’ai vue sur YouTube et qui est extrêmement émouvante. »Pomme (Fleur)
« En fait, Pomme, je lui avais déjà demandé de participer à En corps. Pendant le confinement, elle avait posté deux chansons qui m’avaient mis par terre par sa façon de fusionner simplicité et beauté pure. C’est une de ces deux petites chansons qu’on a choisie et dont elle a changé les paroles pour le film… Et c’est donc cette mélodie qu’elle chante dans La Venue de l’avenir. Elle m’avait dit non pour En corps car je crois qu’elle voulait mettre l’accent sur sa carrière de chanteuse à ce moment-là. Mais là, elle m’a dit : « Je n’ai pas forcément envie de jouer une chanteuse dans un film, mais comme c’est la deuxième fois que tu me demandes, je vais le faire ».
Je crois que ça s’est très bien passé avec Abraham. Elle s’est sentie à l’aise. Je savais qu’elle jouait bien pour l’avoir vue dans La Vénus d’argent. Et comme j’avais envie de parler de la création au sens large, pas juste de la photo ou de la peinture, je me suis dit que c’était important que le personnage d’Abraham puisse tomber amoureux d’une jeune femme qui est douée et qui a un vrai talent artistique. Quelqu’un qui prend une guitare, chante dans la rue et, tout de suite, c’est à la fois simple et magique ! Et ça, il faut pouvoir l’incarner ! Donc, pour moi, c’était indispensable que Pomme accepte. »
Cécile de France (Calixte)
« Je crois que c’est lié à notre longue complicité. Je l’avais déjà vue imiter des grandes bourgeoises pour déconner et ça m’a donné envie de lui proposer ce rôle. Ça fait plusieurs fois que je la vois fabriquer un personnage qui va très loin, mais là, j’avoue que c’était assez fou de la voir à l’œuvre pour créer et incarner Calixte ! Je ne crois pas qu’elle ait déjà joué ce genre de personnage : une femme très bourgeoise, très cultivée et assez intellectuelle, historienne de l’art. Et Cécile va loin, avec sa façon de parler, ses gestes, sa façon élégante de faire danser ses cheveux… Il y a quelque chose de très corporel. Comme Zinedine, Cécile a été mime avant d’être actrice. Elle a toujours besoin d’un travail physique pour bâtir son personnage, et là, c’est vraiment jouissif pour moi !
Elle donne une vérité à ce personnage. Et elle n’en fait pas le personnage qu’on voit souvent, très BCBG, caricaturé. Là, il est très réel, parce qu’elle a copié des gens qui existent dans la vraie vie. Je crois que c’est ça qui nous fait particulièrement rire. »
Hier, en 1895
Suzanne Lindon (Adèle)
« J’ai vu beaucoup de jeunes actrices pour La Venue de l’avenir. Il fallait que je trouve quelqu’un de 20 ans, et c’était compliqué. De toutes les jeunes actrices que j’ai vues, il y en a eu trois ou quatre « shortlistées », comme on dit maintenant. Mais disons que Suzanne… C’était impossible de ne pas la prendre.
Suzanne m’a raconté que, quand elle a lu le scénario, elle a su que c’était elle, qu’il fallait qu’elle fasse ce film. Il y avait une évidence pour elle. Et je pense qu’elle a capté mon attention parce que j’ai vu moi aussi que c’était pour elle. En terminant le montage, je me suis rendu compte de tout ce qu’elle a apporté au film. Elle porte le film ! Elle traverse toute cette histoire avec beaucoup d’émotion, beaucoup de puissance. C’est fou à quel point c’est profondément elle qui nous fait vivre ce voyage. Un voyage qu’elle vit comme une épopée de la Normandie à Paris, un apprentissage de la vie mais aussi un voyage dans le temps… C’est elle qui nous amène dans l’époque.
On a eu la même réaction elle et moi, quand elle a essayé le costume pour la première fois. Elle s’est regardée dans le miroir et elle a eu le même choc que moi. C’était incroyable. Elle avait son gros chignon 1890, son corset et cette fameuse robe rouge créée par Pierre-Yves Gayraud, et elle était, elle-même, étonnée de ne pas vivre ça comme un déguisement. Elle voyait l’époque en elle et elle voyait Adèle en elle. Et moi, d’un coup, je ne voyais plus Suzanne Lindon mais une femme de l’époque. C’était vraiment étrange… Ça devait être elle. »
Paul Kircher (Anatole) et Vassili Schneider (Lucien)
« Pour Paul, je coprésidais le jury du Festival Cinémania de Montréal il y a trois ans et on lui a décerné le Prix du meilleur acteur pour Le Lycéen. Depuis, je le suis et à chaque fois qu’il fait un film, je le trouve toujours génial ! J’avais envie qu’il soit dans La Venue de l’avenir.
Pour Vassili, je venais de faire la série Salade grecque, avec Aliocha Schneider et j’avais vu que son petit frère était lui aussi acteur dans Les Amandiers. Aliocha étant trop âgé pour le rôle, j’ai rencontré Vassili, qui est très différent dans le jeu et parfait pour mon Lucien.
J’ai fait venir Paul et Vassili a des essais… le même jour que Suzanne ! Ils ne se connaissaient pas. Ils ont joué tous les trois ensemble et j’ai vu très vite qu’il y avait quelque chose qui prenait entre eux. J’ai vu qu’ils formaient tout de suite un trio. D’ailleurs, ils sont repartis ensemble de la salle de casting. Après, ils m’ont dit être allés au café et, grosso modo, ils sont devenus amis dès la fin de l’audition.
La différence entre Paul et Vassili était intéressante par rapport à mes deux personnages. J’ai beaucoup réécrit en fonction d’eux. J’ai réparti les choses dans le film où l’un, le peintre joué par Paul, est plus artiste, plus timide et plus lunaire, et l’autre, le photographe joué par Vassili, est plus proactif et pragmatique – aujourd’hui on dirait de lui que c’est un geek de l’époque. »
Sara Giraudeau (Odette)
« Il fallait une femme de tout juste 40 ans, comme on raconte que c’est quelqu’un qui a eu Adèle assez jeune, vers 18-20 ans. Sara me paraissait parfaite pour incarner la mère de Suzanne. Dans tous les films récents où je l’ai vue, elle est toujours incroyable avec une palette de jeu très étendue !
Par la suite, il y a eu ce qui s’est passé entre Sara et Suzanne. Il n’y a pas juste eu une résonance physique. Pour plein de raisons, elles sont en phase toutes les deux. Et ça s’est vu dès les premiers essais. J’avais prévenu Sara que si je prenais Suzanne, elle serait sa mère, mais que si je choisissais une autre actrice et qu’elles ne se ressemblaient pas du tout, ce serait quelqu’un d’autre. Et Sara a joué le jeu.
Je pense que [le fait qu’elles soient toutes les deux filles de comédiens a participé à cette complicité]. Je ne l’ai pas fait exprès, mais c’est vrai qu’elles ont toutes les deux des parents acteurs – et pas des mauvais ! (Rires…) [Sara Giraudeau est la fille d’Anny Duperey et Bernard Giraudeau ; Suzanne Lindon est la fille de Sandrine Kiberlain et Vincent Lindon.] Je sais que Sara en a beaucoup parlé avec Suzanne… Beaucoup de gens disent que c’est plus facile en étant « une fille de », mais je pense que ce n’est pas tout à fait vrai. Même si on vit dans une ambiance créative et liée à ce métier depuis petit, c’est quand même très difficile d’affirmer une personnalité à soi, détachée de celle de ses parents. Il faut comme on dit « se faire un prénom » et clairement Suzanne et Sara ont réussi ça.
Paul Kircher et Raïka Hazanavicius aussi [sont des enfants de]… [Paul Kircher est le fils des comédiens Irène Jacob et Jérôme Kircher ; Raïka Hazanavicius est la fille des acteurs Julie Mauduech et Serge Hazanavicius] Vassili est « un frère de » ! Ça fait beaucoup, mais je ne l’ai pas du tout fait exprès. Après coup, c’est vrai, je me suis demandé pourquoi dans ce film-là précisément j’étais « tombé » sur eux… J’ai moi-même trouvé ça bizarre qu’ils soient autant à être des « enfants de la balle »… C’est peut-être parce que La Venue de l’avenir est une histoire de famille. Inconsciemment, sans doute, quelque chose a fait que j’ai choisi beaucoup d’enfants de comédiens. Ce sont aussi des histoires de filiation. Mais j’insiste, je ne l’ai pas fait exprès. J’ai découvert la filiation de certains sur le tournage. Julia Piaton par exemple. Je ne savais pas qui était sa mère [Charlotte de Turckheim]…
Je suis bien obligé de constater cet état de fait. Mais bon, juste avant de boucler le casting et en ayant réalisé ça, je me suis demandé : est-ce que c’est une raison pour ne pas les prendre ? Et puis je me suis dit que non… Moi, je m’en fous ! C’est vraiment le jeu qui m’intéresse et donc je les ai choisis pour leur qualité de jeu ! Ça ne m’empêche pas de chercher des gens nouveaux comme Valentin Campagne ou Angèle Garnier… Raïka Hazanavicius, ce n’est pas parce que c’est la fille de Serge ou la nièce de Michel ! C’est parce que j’ai travaillé avec elle sur une pub, et comme Abraham, je sais que c’est une grande actrice en devenir. Tous ces gens-là doivent porter à leur façon leur fardeau mais pour moi, c’est ce qu’ils font dans le jeu qui compte, pas le nom qu’ils portent. »
Crédit photos : © Studiocanal – Colours of Time – Ce qui me meut – Emmanuelle Jacobson Roques
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