Après des apparitions très remarquées dans la série Louie et la mini-série Olive Kitteridge, le talentueux Devin Druid passe à la vitesse supérieure avec Back Home (anciennement Plus fort que les bombes) et un personnage à l’âme torturée. Les pieds sur terre mais la tête toujours dans les étoiles, le jeune acteur n’espère qu’une chose dans la vie : être quelqu’un de bien.

Pourquoi êtes-vous acteur ?

Je ne sais pas. C’est amusant et j’aime vraiment cela. Je ne pense pas qu’il y ait une meilleure raison de faire quelque chose. J’ai toujours aimé jouer.

Y a-t-il une chose ou un moment qui a tout déclenché ou qui a été déterminant ?

Je ne sais pas. Je me souviens qu’à l’école élémentaire, j’avais un cours de musique et une prof incroyable. Elle était une source d’inspiration, elle était encourageante et m’a aidé à développer mon côté artistique. Etre dans sa classe m’a aidé à apprécier ce côté artistique et à aimer cela. J’ai aussi joué dans un groupe au collège. C’était amusant. J’ai découvert alors que j’aimais jouer devant des gens, entrer dans la peau d’un autre et prétendre être quelqu’un d’autre pendant un temps.

Quel genre de groupe ?

Un groupe de rock. Nous étions des ados. Nous chantions du Green Day, du Linkin Park, du Nirvana, du Black Sabbath, du Lez Zeppelin… C’était fou. (Il sourit) Mais je n’arrive pas à me rappeler le nom du groupe…

Avez-vous un modèle en tant qu’acteur ?

J’admire tous ceux avec qui j’ai travaillé. Pas seulement pour leur jeu mais aussi pour leur personnalité. J’ai récemment travaillé avec Daniel Radcliffe [dans Imperium, NDLR] et c’est un des plus gentils que je connais. Et il est si bon acteur. Je ne sais pas si j’ai un modèle dans le métier mais dans la vie, il y a ma maman et mon grand-père. Ils sont d’un grand soutien et ils sont incroyables. Ce sont mes modèles.

Frances McDormand, Devin Druid et Richard Jenkins dans Olive Kitteridge © HBO

Frances McDormand, Devin Druid et Richard Jenkins dans Olive Kitteridge © HBO

Comment avez-vous commencé dans le métier ?

Mon petit frère [Aidan Fiske, NDLR] veut devenir acteur depuis qu’il parle. Maman n’aimait pas beaucoup l’idée. Elle a commencé à accepter quand il a eu 8 ans et l’a emmené à sa première audition. A cette époque, je jouais à la crosse et je me suis blessé. J’ai été opéré et pendant ma convalescence, je l’ai suivi à l’audition. C’était cool et j’ai voulu essayé. J’ai commencé dans les films des étudiants en écoles de cinéma. J’ai acquis de l’expérience et enchaîné avec des rôles plus importants. Ma maman a trouvé une audition pour le film d’un étudiant de l’Université de New York. Nous avons joué dedans, mon petit frère et moi. Ce film m’a permis de rencontré mon agent artistique qui m’a alors aidé à obtenir des auditions pour de plus gros projets dont mon premier rôle professionnel dans la minisérie Olive Kitteridge. J’ai travaillé avec plein de gens gentils et talentueux comme Frances McDormand et Richard Jenkins. J’ai juste gravi les échelons, développé mon expérience et crée des relations avec les gens.

Avez-vous pris cette activité au sérieux dès le début et était-ce comme un jeu pour vous ?

Je n’ai jamais pris cela pour un jeu. Nous avons ce dicton à la maison : « Si tu fais quelque chose, fais-le à 100% ou ne le fais pas. » A la seconde où nous avons décidé que je serai acteur, nous y avons mis tout notre cœur. Je ne sais pas si je voyais cela comme un métier qui me ferait vivre mais j’aimais suffisamment cela pour savoir que je pourrais faire cela toute ma vie. Avant, c’était une passion. Aujourd’hui, j’ai grandi, je suis plus conscient du monde qui m’entoure et j’espère vraiment pouvoir faire ce métier le reste de ma vie.

Quel genre de scénarios recevez-vous ?

Quand j’ai signé avec mon agent, je lui ai dit que je ne voulais jouer que dans des films intelligemment écrits, où tout a une raison d’être, où les relations entre les personnages sont réelles. Je viens juste de jouer un skinhead [dans Imperium, NDLR]. C’est pour cela que mes cheveux sont si courts. (Il retire son bonnet et montre son crâne aux cheveux ras.) Ils commencent à repousser. Ce rôle était amusant. C’est amusant de découvrir les motivations d’un tel personnage, de savoir s’il y a une raison pour tout.

Jusqu’à présent, vous jouez principalement dans des films et séries aux thèmes sérieux et assez lourds.

J’adore le drame. Cela m’amuse. Je suis quelqu’un de très empathique et je peux jouer avec mes émotions très facilement. Je peux aisément pleurer ou me mettre en colère devant la caméra et c’est amusant.

Etes-vous intéressé par la comédie ?

J’adorerais tout essayer. Mais je n’ai pas encore trouvé de projet de comédie intéressant. J’imagine qu’il n’existe pas beaucoup de rôles pour un acteur comique. (Rires)

© Julien Mignot

© Julien Mignot

Avez-vous peur de grandir en tant qu’acteur ? Peu d’acteurs ados réussissent leur passage à l’âge adulte devant la caméra.

Je ne dirais pas que j’ai peur. Mais il y a une différence entre devenir adulte et vieillir. Je vieillis. J’ai presque 18 ans et je continue à jouer aux jeux vidéo, à lire des comics et à regarder des dessins animés. Je ne pense pas devoir avoir peur de quoi que ce soit tant que mes priorités sont en ordre, que je reste quelqu’un de bien et que ma famille et mes amis me soutiennent. Je peux continuer ce métier tant que j’y mets tout mon cœur.

N’avez-vous pas le sentiment de passer à côté d’une adolescence normale ?

Je pense vivre une adolescence normale. Jouer la comédie est juste quelque chose que j’aime faire. J’ai commencé quand j’avais 13 ou 14 ans, j’allais donc dans une école normale, j’avais des amis normaux. Et c’est toujours le cas. Je traîne toujours avec mon meilleur ami. Je vais voir ma petite amie plus tard dans la journée et nous allons regarder Diamants sur canapé. Je suis un jeune normal. J’aime ce que je fais et je suis reconnaissant de pouvoir le faire.

Votre vie a-t-elle beaucoup changé ?

Un peu. J’ai moins de temps libre. Des gens m’arrêtent dans les rues de New York, c’est génial. Pour certains, mon travail leur fait penser à eux quand ils étaient jeunes et, quelque part, cela les rend heureux. C’est cool quand quelqu’un se sent lié par ce que j’ai fait et que je le fais sourire.

Vous vivez actuellement en Virginie. Pensez-vous devoir déménager un jour à Hollywood ?

Je ne sais pas pour Hollywood mais je me vois bien vivre à New York. J’y vais si souvent.

Quel genre de carrière souhaitez-vous ?

J’en ai beaucoup parlé avec ma maman. Je sais que je dois garder les pieds sur terre, que je ne peux pas laisser les choses me monter à la tête, que je dois traiter les gens avec le plus grand respect, que je ne suis pas le centre du monde sur un plateau de tournage. J’ai été élevé dans une maison où tout le monde est plein de compassion, d’amour et d’empathie pour son prochain. Je veux une carrière où les gens diront que je suis non seulement bon acteur mais aussi quelqu’un de bien. Voilà ce que je veux.

A quel point votre maman est-elle impliquée dans votre carrière ?

Elle fait beaucoup pour moi. Elle répond à mes emails quand je suis occupé, elle me conduit aux auditions, elle est avec moi sur les plateaux, elle me fait répéter mes scènes pour les auditions. Elle m’apporte un soutien émotionnel. Et elle fait un travail incroyable rien qu’en étant ma maman. Je l’appelle Super Maman tout le temps. Elle occupe une grande place dans ma vie.

Elle doit tout faire en double car il y a aussi votre frère.

Oui. Mais quand l’un de nous a une audition, l’autre y va aussi au cas où une audition se déclencherait pour lui aussi au même moment.

Comment s’est passé le casting pour Back home ?

J’ai lu le scénario il y a deux ans et je l’ai adoré. J’ai passé une audition à New York avec le directeur de casting. Puis j’ai appris que le projet était reporté. Un an plus tard, j’ai auditionné pour la deuxième fois. Mais j’avais gagné en expérience et en maturité et pour moi, c’était comme une première audition. J’ai été rappelé ensuite pour rencontrer le réalisateur Joachim Trier puis une fois encore pour lire des scènes avec Ruby Jerins qui joue Mélanie dans le film. Puis j’ai eu le rôle. C’était cool de rencontrer Joachim, de parler de sa réalisation et de ce qu’il voulait. Et c’était génial de travailler notre alchimie en amont avec Ruby. J’ai pu découvrir avec qui j’allais travailler avant de commencer, d’avoir une première impression de tout. C’était génial.

Avez-vous senti que Joachim se comportait différemment avec vous ? Qu’il avait peut-être une attitude plus protectrice parce que vous êtes un jeune acteur comparé aux autres ?

Non et c’est ce que j’ai aimé. Tout le monde m’a traité sur un pied d’égalité sur le plateau, comme un pro et pas comme le petit nouveau. C’était fantastique. J’ai parlé avec Gabriel Byrne et Jesse Eisenberg des relations entre nos personnages et cela m’a beaucoup aidé. Les regarder jouer aussi m’a aidé. J’ai découvert qu’il suffit parfois de faire quelque chose avec mes mains pour rendre mon jeu plus authentique.

Comment avez-vous approché le personnage de Conrad ?

Je travaille avec un « coach », Caroline Thomas. Je mets « coach » entre guillemets car elle n’est pas du genre à me dicter comment jouer. Elle m’aide à répéter mes scènes pour que j’apprenne les dialogues. Nous discutons pendant des heures du personnage : qui est-il, quelles sont ses relations avec les autres personnages, pourquoi telle relation est-elle comme ceci ou cela, pourquoi fait-il ceci ou cela. J’entre dans l’esprit du personnage. Nous avons passé des heures à penser à Conrad, à essayer d’entrer dans sa peau et de comprendre les raisons qui font qu’il fait ce qu’il fait, à être plus authentique dans mon jeu. J’ai vécu une découverte inconsciente et émotionnelle de Conrad. Avec les autres acteurs, nous avons aussi eu une lecture des scènes les plus délicates et nous avons parlé des personnages. Nous avons confondu nos réflexions et compris leurs relations. C’était génial.

Vous sentez-vous proche de Conrad ? Car vous semblez être son opposé.

Oui. Un peu. Il y a un peu de moi dans tous les personnages que j’ai incarnés et il y a un peu de tous les personnages en moi. Je ne suis pas aussi angoissé ni aussi en colère que Conrad. Je suis aussi plus du genre à mettre un problème à plat pour mieux trouver sa solution.

© Ian Gavan

© Ian Gavan

C’est encore un film sérieux, aux thèmes graves. Est-ce que cela vous poursuit après une journée de travail ou savez-vous tout de suite passer à autre chose ?

Dès que j’ai fini, je sais que je dois me débarrasser de mes émotions mais je sais aussi qu’elles vont persister pendant encore quelques minutes. Je sais que je dois me calmer et me rappeler que c’est un travail et non la réalité. Une fois de retour à l’hôtel, ma maman s’assure que je me relaxe. Je regarde des vidéos de chats sur mon ordinateur et je joue à des jeux vidéo.

Quels jeux vidéo ?

Surtout Call of Duty mais aussi Dragonball, Grand Theft Auto…  Je suis un gros joueur de jeux vidéo. Je suis un nerd.

Regardez-vous aussi beaucoup de films ?

Non, pas beaucoup. J’aime regarder The Daily Show sur Comedy Central. Ma famille est aussi une grande fan du Doctor Who. Mais je suis un nerd et je vais à tous les nouveaux films Marvel. Mais je n’ai pas encore vu Ant-Man et cela me tue. J’adore les films de superhéros.

Vous avez même des chaussettes Spider-Man.

Je suis un grand fan de Spider-Man ! Il est mon superhéros préféré. Peter Parker est le personnage fictif qui, pour moi, est le plus authentique et le mieux écrit. J’adore son évolution en tant qu’être humain et j’adore ses valeurs morales. C’est un personnage fort et intelligent. Il est facile de s’identifier à lui.

Avez-vous auditionné pour le nouveau Spider-Man ?

Oui. J’ai même été rappelé mais on m’a dit que j’étais trop grand. (Il hausse les épaules.) C’est comme cela.

Vous êtes très présent sur Internet avec Twitter, Instagram, un site Internet. Pourquoi ? Est-ce important si d’être sur les réseaux sociaux ?

Je trouve cool que des gens puissent parler avec les acteurs qu’ils ont vus dans des films. J’aime aussi me connecter avec des personnes différentes et poster des photos idiotes sur Instagram. Je pense que les gens s’en amusent aussi. C’est un bon moyen de partager des choses comme des photos des plateaux de tournage. Quand c’est permis. (Rires)

Vous êtes atteint du syndrome d’Ehlers-Danlos. Est-ce tout le temps douloureux ou seulement pendant des crises ?

Tout le temps. (Rires) J’ai une déficience en collagène dans mes articulations. Je peux étirer mon bras plus que ne le peut un être humain. Et plus que je ne suis supposé le faire. (Il sourit) A chaque fois, cela cause plus de dommages. Je me déboîte l’épaule très souvent. Une fois, c’est arrivé deux fois dans la même semaine. Ma maman m’a aidée à la remettre en place. Parfois, je me tourne dans mon sommeil et je me déboite un doigt. Je sais comment le remettre en place. Je vis avec une douleur constante. J’ai appris à être prudent et à prendre soin de moi. Je dois me relaxer après le travail et faire mes exercices d’étirement pour mes articulations. Mais ça va.

Mais vous avez pourtant joué à la crosse pendant longtemps.

Et j’ai adoré chaque seconde. Je n’ai pas eu beaucoup d’ennui avec ce sport. Je me souviens d’une commotion cérébrale, une fois, mais pas d’autres blessures, même avec mon syndrome. Tous les exercices que je fais m’aident beaucoup. Il est possible de vivre une vie semi-normale. Je dois juste faire attention et faire mes exercices.

Avez-vous un rêve ?

Gagner un Oscar avant Leonardo DiCaprio. (Rires) C’est une blague qui revient chaque année. Il a joué dans tant de bons films mais n’a jamais gagné d’Oscar. Donc je plaisante souvent avec ma maman en disant que j’en gagnerai un avant lui. Je veux juste continuer à faire ce que je fais. Si, au final, je gagne un prix prestigieux pour ce que je fais, ce sera cool. Mais je n’ai pas besoin d’une récompense pour me dire que ce que je fais est bien. Pour moi, ce sera juste un compliment. Et je suis fou de l’espace donc aller dans l’espace serait cool. Et terrifiant ! (Rires)

Crédit photos © Louder Than Bombs / Motlys