L’acteur a toujours fait ce qu’il voulait. Allant à contre-courant de ce qu’il était attendu de lui, il n’a eu de cesse de suivre son cœur, oubliant parfois la raison. Burt Lancaster est dans La rose tatouée diffusé sur Arte.

Burt Lancaster était une contradiction. Sa stature d’homme d’action côtoyait une passion pour la lecture, l’opéra, la musique classique et le bridge. Tyrannique sur les tournages, il défendait de nobles causes hors des plateaux. Sa discipline de fer afin d’entretenir son corps s’accompagnait d’un fort penchant pour les steaks, les Martini et les Camel. Son physique lui a apporté fortune et gloire. Son talent d’acteur lui a procuré plaisir et fierté.

Burton Stephen Lancaster naît le 2 novembre 2013 dans East Harlem, à New York. Sa mère aimante mais stricte lui inculque l’honnêteté et la tolérance la générosité envers les démunis. Son influence sera déterminante pour le jeune garçon. Tout comme celle de l’Union Settlement House, une maison des jeunes qui le sauve de la délinquance et lui fait découvrir le sport et le théâtre. Il fera des dons à cet organisme tout sa vie.

Dans La rose tatouée

Du cirque à Hollywood

A 19 ans, gymnaste accompli, il s’engage dans un cirque jusqu’à ce qu’une blessure le prive de ses acrobaties. Il enchaîne les petits boulots avant d’être appelé sous les drapeaux en 1942. Il rejoint le théâtre aux armées en Italie. Où il tombe amoureux de Norma Anderson, sa future seconde femme – son premier mariage avec l’acrobate June Ernst en 1935 ayant duré un an. Elle travaille pour un producteur de radio. En 1945, alors qu’il rend visite à sa chère et tendre, l’assistant d’un producteur de théâtre pense qu’il est acteur et lui propose un rôle dans une pièce. L’agent artistique Harold Hecht le remarque et le prend sous son aile. Burt Lancaster fait ses débuts à Hollywood l’année suivante, dans Les tueurs. Ce film l’établit immédiatement comme un talent majeur.

Sa carrière d’acteur à peine lancée, il étudie tous les aspects de la production et crée sa société, Norma Productions, avec Harold Hecht. En 1948, il est ainsi un des rares artistes à s’affranchir totalement du diktat des grands studios. Sa compagnie indépendante sera l’une des plus prospères des années 50. Marty, qu’il produit en 1955, obtiendra l’Oscar du meilleur film et la Palme d’Or. La célébrité et les honneurs ne l’intéressent cependant que pour le pouvoir qu’ils lui apportent dans ses projets. Son ambition se transforme néanmoins en tyrannie sur les tournages. Il cherche constamment à imposer sa vision, ne supporte pas les réalisateurs hésitants et se montre intransigeant envers tous, lui compris.

Des choix de films risqués

Côté comédien, sa liberté est tout aussi essentielle. Il refuse d’être enfermé dans le rôle de malfrat ténébreux et d’homme d’action de ses débuts et entend prouver qu’il est un acteur de composition. Ses choix sont audacieux, parfois malheureux, mais il veut apprendre et atteindre l’excellence. Suivant sa devise « un film pour la banque et un film pour moi », il alterne blockbusters et petits films où il casse son image. Du sergent à la fois dur à cuir et romantique (Tant qu’il y aura des hommes) au prince vieillissant (Le Guépard) en passant par l’escroc devenu prédicateur (Elmer Gantry, le charlatan qui lui vaut l’Oscar du meilleur acteur), il n’est jamais là où on l’attend, montrant des nuances de jeu dont lui-même ne se croyait pas capable.

Avec Anna Magnani dans la rose tatouée

Homme entier, Burt Lancaster est aussi connu pour ses prises de position qu’il n’a jamais hésité à exprimer ouvertement. Au cinéma, les histoires qu’il produit évoquent souvent des sujets engagés reflétant plus ou moins subtilement ses opinions politiques libérales. Dans la réalité, il a échappé de peu à la chasse aux sorcières contre les communistes, participé à la marche sur Washington de Martin Luther King et s’est opposé à la guerre du Vietnam. Il a été un des seuls acteurs à rester aux côtés de son ami Rock Hudson alors atteint du Sida. Cette loyauté a d’ailleurs à nouveau attisé les rumeurs de sa bisexualité qui couraient depuis des années en plus de ses frasques extraconjugales, vraies et fausses, avec Deborah Kerr, Shelley Winters ou encore la coiffeuse de cinéma Jackie Bone. Il a divorcé de Norma en 1969, après 22 ans de mariage et cinq enfants.

Burt Lancaster a toujours pensé qu’il mourrait d’une crise cardiaque, comme sa mère. En 1991, quelques mois après avoir épousé Susan Martin, un AVC le laisse aphasique et en fauteuil roulant. Il a cependant toute sa tête. Ainsi diminuée physiquement, cette force de la nature vit un enfer jusqu’au 20 octobre 1994, quand une dernière attaque le terrasse. Ses cendres ont été dispersées au pied d’un chêne au Westwood Memorial Park où une plaque dit simplement « Burt Lancaster 1913-1994 ». Il voulait qu’on ne se souvienne que de ses films. Il reste pourtant lui aussi inoubliable.

Crédit photos : © Paramount Pictures

Article paru dans Télé Star – N°2349 – 4 octobre 2021