Après cinq ans de bons et loyaux sévices, Glenn Close remise définitivement son costume de la redoutable avocate Patty Hewes. Sans regret. Enfin, si, quand même un peu.

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Que ressentez-vous à quitter un tel personnage ?

Glenn Close : Deux choses : je suis fière de ce que nous avons créé et ce personnage va me manquer tout comme les gens avec qui j’ai travaillés. C’est donc un sentiment doux-amer. Mais nous pensons tous que la série s’est finie comme elle le devait. Pour moi, la série est comme un roman moderne et, du début à la fin, c’est un exploit remarquable réalisé par les auteurs.

Comment résumeriez-vous l’évolution de Patty Hewes depuis la saison 1 ?

Waoh ! Je pense que ce qui nourrit son évolution est sa relation avec Ellen et celle avec son fils. Son mari est aussi dans l’équation mais d’un point de vue émotionnel elle est moins vulnérable avec lui qu’elle ne l’est avec les deux autres. Son évolution vient de la façon dont son fils et Ellen la touchent et de ses réactions face à cela, et notamment dans le choix des affaires qu’elle accepte. Le fait de ne pouvoir s’exprimer avec des émotions est son moyen de défense. S’abandonner à accepter et à donner de l’amour, que ce soit dans une relation mère-fille avec Ellen ou mère-fils avec Michael, est trop effrayant pour elle car cela représente une perte de pouvoir. C’est sa tragédie. Elle perd tout le monde à cause de ce défaut mais c’est aussi parce qu’elle a été meurtrie de cette façon.

DAMAGESLa toute dernière image de la série, vous dans la voiture, face caméra, résume assez justement cet état d’esprit.

C’est une femme très très intelligente et elle réalise, jusqu’à un certain point, ce qu’elle a perdu. Son seul espoir est de se reprendre et de continuer sans tout ce qu’elle a perdu. Et ce dernier plan montre toute l’énergie qu’elle met à ne pas craquer.

Etait-ce toujours un défi pour vous d’incarner Patty dans la saison 5 ?

Oh oui parce que les auteurs m’ont donné des scènes exceptionnelles à jouer. Cette intrigue autour du phénomène de WikiLeaks est, il va s’en dire, incroyablement pertinente en elle-même mais du côté de Patty, comprendre le rôle de son père dans son enfance était pour moi une révélation, réaliser combien elle a été meurtrie dès son plus jeune âge et que ce trauma n’a jamais été guéri. Cette femme vit avec pour moteur la colère et la douleur. Cela a aiguisé son intelligence mais en a aussi fait une femme incapable de s’investir de façon émotionnelle dans une quelconque relation.

Vous semblez aimer Patty Hewes alors qu’elle est plutôt détestable.

Je l’aime, oui. Je ne pense pas que ce soit une personne maléfique, elle est perdue en étant dénuée d’émotion. Les gens qui ont été traumatisés très jeunes et que personne n’a aidés à vivre avec leur trauma se construisent des défenses. Dans le cas de Patty, ses défenses sont son intellect et sa passion pour faire tomber ceux qui, pour elle, représentent une sorte de figure paternelle. Vous réalisez que cette véhémence qu’elle éprouve, car elle déteste son père avec véhémence, l’entraîne à tout faire pour que ce genre de personne ne gagne plus. Sa cicatrice est vraiment profonde. En tant qu’acteur, vous devez être humaniste, vous devez comprendre cela et aborder le personnage en partant d’un sentiment d’amour et non d’un jugement.

Damages-glenn-close_2Certains acteurs disent qu’ils apprennent sur eux-mêmes avec chaque rôle. Est-ce votre cas avec Patty ?

Je ne pense pas. Ce que j’ai appris se rapporte plus à mon métier d’actrice qu’à quoi que ce soit de psychologique me concernant. Le processus de devoir apprendre et assimiler mes répliques si rapidement était un exercice incroyablement efficace. J’ai joué deux petits rôles dans des films indépendants cet été, le tournage a été très rapide et mon entraînement sur Damages m’a été très profitable. Travailler vite ne me gêne plus désormais.

Vous incarnez toujours des femmes fortes, jamais des demoiselles en détresse. D’où cela vient-il ?

Après mon premier film, Le monde selon Garp, on m’a proposé Dune où je devais jouer une femme qui, alors qu’elle fuit le danger, tombe et les autres doivent revenir la chercher, la relever et la traîner. J’ai refusé. Je leur ai dit : « Jamais je ne jouerai ce genre de femmes. C’est un tel cliché. » Généralement on la fait courir avec des talons aiguilles ridiculement haut et elle essaye d’échapper à un monstre ! (Rires) Les femmes sont plus fortes que ça, les femmes sont des survivantes ! J’imagine que ces femmes de pouvoir m’ont toujours attirée.

Article paru dans Studio Ciné Live – N°53 – Octobre 2013