Le second volet de la franchise s’annonce à l’opposé de son premier opus et va plonger le superhéros au cœur d’un thriller politique inspiré des meilleurs films des années 70.

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« On était en tournage quand le scandale de la NSA a fait surface, raconte le producteur Kevin Feige. Tout à coup la discussion houleuse entre Captain America et Nick Fury s’avérait plus pertinente que jamais. Dans cette scène, Nick Fury veut envoyer des helicarriers du S.H.I.E.L.D dans le ciel pour espionner tout le monde afin de neutraliser toute menace avant qu’elle ne soit mise à exécution. Et Captain America répond : ‘Ca, ce n’est pas la liberté, c’est la terreur.’ Et voilà que l’actualité rattrapait notre fiction. » La fiction en question est le second opus de Captain America qui pour l’occasion va évoluer dans un film de superhéros au style des thrillers politiques des années 70.

CAPTAIN AMERICA THE WINTER SOLDIER_FZ-00497_RA.JPGA la fin du premier film, Captain America : First Avenger, dont l’action se passe pendant la Deuxième Guerre mondiale d’une réalité alternative, le superhéros termine congelé puis se réveille 70 ans plus tard, en 2011. Dans le comic book, il est décongelé dans le tumulte des années 60 et va connaître l’assassinat de John F. Kennedy, la guerre du Vietnam, le Watergate… Les scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely (déjà auteurs du premier film) ont donc cherché dans notre monde post 11 septembre, les thèmes qui pouvaient être aussi pertinents que ces événements. Ils ont flirté avec ces notions de sécurité, de surveillance, de frappes préemptives et de libertés civiles. A alors germé l’idée des thrillers politiques et des théories de complot des années 70, Les trois jours du Condor en tête.

Cet environnement était parfait pour Captain America, poisson boy scout hors de son bocal dans notre monde si moralement ambigu. « Il vient des années 40 où la distinction entre le bien et le mal était claire, rappelle son interprète Chris Evans. Il était facile alors de savoir pour qui on se battait. Aujourd’hui, c’est plus dur que jamais. Captain America fait ainsi face à un conflit non pas intérieur mais lié à la situation et à son travail. Il a une forte appréhension quant au S.H.I.E.L.D. et à ses motivations. Après l’attaque de New York par des aliens [dans Avengers], il est normal de voir le gouvernement devenir proactif en matière de défense pour protéger les Américains, mais peut-il empiéter sur les libertés civiles afin de préserver la paix et la liberté ? »

De la comédie au blockbuster

En dépit de cet arrière-plan politique, Kevin Feige tient à rassurer et affirme que Captain America : le Soldat de l’hiver reste un film de superhéros avec tous les ingrédients que l’on est en droit d’espérer. Il en a confié la réalisation à Joe et Anthony Russo, deux frères essentiellement connus pour leurs sitcoms. « Je suis fan de leur travail, sourit le producteur. Arrested development et Community auraient pu n’être que des sitcoms stupides alors qu’elles sont incroyablement bien racontées. Les séquences d’action de Community sont incroyablement bien réalisées et Bienvenue à Collinwood est un film chorale bien exécuté avec un ton bien spécifique. Les frères Russo avaient aussi la même vision que nous quant à l’histoire que l’on voulait raconter, plus ancrée dans la réalité et avec un ton beaucoup plus sombre. » Une vision nourrie de 30 années de vénération pour les comic books.

04« Captain America : First Avenger était un merveilleux hommage à l’âge d’or du personnage et à ses origines, reconnaît Joe Russo, mais j’ai grandi dans les années 80 quand les auteurs de comics cherchaient à bouleverser l’ordre établi. Je voulais des superhéros plus modernes, qui semblaient vivre dans mon monde et non dans leur petit univers. Le comic Dark Knight de Frank Miller est paru quand j’avais 12 ou 13 ans et il a changé ma perception des superhéros. Je n’aimais pas Captain America quand il était trop boy scout. Je le voulais moins lisse, plus vantard, avec plus de dimensionnalité. »

Les deux frères ont tourné le film, sous le nom de code Freezer Burn, courant 2013 à Los Angeles, Washington D.C. et dans leur ville natale de Cleveland où ils ont réalisé des séquences d’action impressionnantes filmées parfois avec pas moins de quatre caméras et impliquant bon nombre d’explosions, de fusillades et de véhicules poursuivants, poursuivis, accidentés et brûlés. « Réaliser une sitcom ou un blockbuster revient quasiment au même, remarque Joe Russo. Vous prenez une caméra, vous dirigez des acteurs et une équipe technique et vous avez 12 heures par jour pour faire votre boulot. La différence est que pour Captain America, vous avez plus d’effets spéciaux et plus d’argent pour les créer. » Le film compte 2 400 plans, soit 300 de plus qu’Avengers.

Le retour du Condor

C’est notamment à Cleveland – doublure de Washington D.C.- que Captain America affronte le méchant de cet opus, le Soldat de l’hiver, personnage tiré du comic éponyme d’Ed Brubaker paru en 2005. Cette ancienne connaissance de Captain America dans les années 40 a été formée par les Russes pour devenir un assassin après un bon lavage de cerveau et la greffe d’un bras bionique. Le tueur est cryogénisé entre deux contrats, d’où sa fraîcheur toute juvénile quand il revient casser du superhéros.

Pour se sortir des griffes de ce méchant, Captain America travaille avec les deux seuls en qui il a un peu confiance dans ce monde de traitres et de faux-semblants : Natasha Romanoff alias Black Widow et un petit nouveau, Sam Wilson alias le Faucon. « Sam est un expert en tactique militaire, précise son interprète Anthony Mackie. Vétéran des guerres du Moyen-Orient, il s’occupe de la réinsertion d’anciens soldats dans la vie civile. Quand il est le Faucon, il n’est pas un simple acolyte de Captain America comme Robin peut l’être de Batman. Ils travaillent ensemble, sur un pied d’égalité. »

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A leurs côtés, on retrouve l’inégalable Nick Fury mais aussi une nouvelle addition au S.H.I.E.L.D : Alexander Pierce, ancien mentor de Nick Fury, joué par Robert Redford. « On développait Captain America quand on a reçu un appel de l’agent de Robert Redford qui nous dit que l’acteur aime ce que l’on fait et souhaiterait jouer dans un de nos films, raconte Kevin Feige. Le timing était parfait. On lui a fait lire le script et quand on l’a rencontré avec Joe et Anthony Russo, il nous a dit : ‘J’ai joué dans un film une fois, ça s’appelait Les Trois Jours du Condor. Vous connaissez ?’ »

Article paru dans Studio Ciné Live – N°57 – Mars 2014