Nul homme n’est une île. Le titre Islands n’est pas à prendre au sens géographique du terme. Il fait surtout référence aux gens qui existent à côté les uns des autres sans arriver à former de liens, à des gens qui vivent comme détachés de la réalité, qui la fuient même. Un quatuor d’acteurs incarnent ces gens. Ils ont été castés par le réalisateur Jan-Ole Gerster (Lara Jenkins) qui revient sur ses choix judicieux. Islands sort en salles ce 2 juillet.

Le quatuor d'acteurs d'Islands : Dylan Torrell, Jack Farthing, Stacy Martin, Sam Riley

Dylan Torrell, Jack Farthing, Stacy Martin et Sam Riley

L’histoire

Coach de tennis dans un complexe hôtelier, Tom (Sam Riley) mène une vie sans attaches au rythme de virées nocturnes alcoolisées et de cours monotones sous le soleil de Fuerteventura. Il tente de persuader tout le monde, et surtout lui-même, qu’il ne regrette pas une seule seconde son choix de venir vivre sur l’île. Et plus il le répète, plus il semble avoir désespérément besoin qu’on le croit. Un jour, Anne (Stacy Martin) débarque dans la station balnéaire, accompagnée de son fils Anton (Dylan Torrell) et de son mari David (Jack Farthing). Tom accepte de jouer le guide touristique pour la famille. Très vite d’étranges liens commencent à se nouer entre eux.

Sam Riley (Tom)

Sam Riley incarne Tom dans Islands

Sam Riley

Jan-Ole Gerster : Figurez-vous qu’il habite à Berlin. Pour les cinéphiles berlinois du début des années 2000, c’était avant tout l’acteur de Control d’Anton Corbijn. Quand on le voyait, on se disait forcément : « Mais c’est qui, ce Sam Riley ? Il est tellement cool ! ». Control  est un excellent film, avec de très bonnes prestations. Je l’ai revu deux fois avant le tournage d’Islands ! Sam y est tout simplement brillant. 

Si j’ai pensé à lui pour le rôle de Tom, c’est parce qu’il avait toujours titillé ma curiosité. Qu’est-ce que cet acteur fabriquait à Berlin, sans jamais apparaître dans aucun événement mondain ou cinéphile ? Il planait comme un voile de mystère autour de sa vie en Allemagne. J’ai ensuite découvert – complètement par hasard – que nous étions représentés par le même agent en Grande-Bretagne. Il ne tenait qu’à moi de lui passer un coup de fil. C’est comme ça qu’on s’est rencontrés dans un restaurant d’Ottenberg, dans l’ouest de Berlin. On s’est tout de suite bien entendu. 

Je l’ai prévenu : avant d’embaucher quelqu’un, je le vois toujours au moins trois fois. J’allais donc le revoir deux fois, et la troisième aurait lieu sur un court de tennis. Ce qui l’a un peu fait paniquer. Heureusement, au cinéma, tout est possible. Des professeurs de tennis l’ont aidé avec la partie sportive du rôle.

Sam Riley est un comédien formidable. C’était la première fois que je collaborais avec des acteurs britanniques et leur professionnalisme m’a beaucoup impressionné. Je n’ai jamais eu besoin de faire plus de deux ou trois prises, alors que j’avais tendance à multiplier les rushes dans mes films précédents. Sam Riley apportait une énergie et un enthousiasme incroyables au tournage, y compris en dehors de ses scènes. Cela m’a beaucoup marqué. Il faisait tout pour que le travail soit bon, sans jamais se plaindre. Son dynamisme était précieux sur le plateau.

Stacy Martin (Anne)

Stacy Martin

J.-O.G. : Je dois avouer qu’elle m’a surpris. J’ai vu tous ses films et elle m’avait toujours intrigué. Elle a fait sa première apparition au cinéma dans Nymphomaniac de Lars von Trier, où elle joue le personnage de Charlotte Gainsbourg jeune. Depuis, elle est apparue dans les trois films de Brady Corbet. Je la trouvais fascinante. Mais pour mon film, j’en voulais davantage encore. Je cherchais dans sa filmographie quelque chose qui me confirmerait qu’elle serait le bon choix. 

Dès le premier jour de tournage, j’ai compris, en la voyant explorer les recoins les plus obscurs du personnage d’Anne, qu’elle avait beaucoup à m’apprendre sur le métier d’actrice. Elle m’a constamment pris de court en bien, en particulier dans sa scène face à l’inspecteur de police, où il émane d’elle une peur et un désespoir viscéraux sous ses airs de criminelle potentielle. Sa prestation laissait entrevoir tout un monde. 

Jack Farthing (Dave)

Jack Farthing

J.-O.G. : J’ai un ami qui a coproduit Spencer, dans lequel Jack incarne le prince Charles. Par hasard, je l’ai regardé la même semaine que The Lost Daughter, le premier film de Maggie Gyllenhaal comme réalisatrice, dans lequel Jack joue également. Sa prestation laissait également entrevoir tout un monde. 

Encore une fois, la présence de ces deux acteurs était une chance immense. Ils ont doté leurs personnages de nuances que je n’aurais jamais imaginées, et que j’aurais été bien incapable d’exiger d’eux. Ils ont donné mille et une facettes à leurs rôles respectifs.

Dylan Torrell (Anton)

Dylan Torrell et Sam Riley

J.-O.G. : On a vraiment eu l’impression d’avoir gagné à la loterie avec Dylan. Surtout quand on entend des cinéastes raconter qu’ils ont dû rencontrer 2 000 enfants avant de tomber sur leur Antoine Doinel ! Je montrais à tout le monde l’archive de François Truffaut faisant passer une audition à Jean-Pierre Léaud. C’est le moment où il décide que ce sera lui, son Antoine. Il ne fait aucun doute que le gamin va décrocher le rôle. 

J’ai montré cette archive à notre directeur de casting, tout en me disant qu’on avait peu de chances de trouver un acteur de ce calibre. Mais en fin de compte, on a dû voir seulement une douzaine d’enfants avant Dylan ! Certains garçons étaient trop âgés, presque adolescents, avec un côté un peu macho. Dylan, lui, était comme un petit oiseau. Il m’a immédiatement touché. 

J’ai pris l’avion pour Barcelone afin de le rencontrer, tâter le terrain et jouer un peu au tennis avec lui. À ma demande, un ami américain qui vit là-bas est venu improviser avec Dylan. Il nous a époustouflés. On était quasiment sûrs d’avoir trouvé notre Anton, d’autant que sa famille habitait à Majorque à l’époque. 

Il s’est révélé être le choix idéal. C’est un enfant patient et talentueux, avec un très bon sens du timing et de bons instincts de comédien. Pour tout dire, j’appréhendais un peu le tournage, car je n’avais jamais travaillé avec un enfant de cet âge. Cependant, Dylan était un vrai schweitzer wilberg, un coucou suisse en allemand. Il nous donnait exactement ce qu’il fallait.

Crédit photos : © Augenschein – Leonine Studios – Schiwago Film