Il a un physique et un talent que l’on remarque de suite. Il fait des choix de rôles intelligents, audacieux et déterminants. Il se dit encore jeune dans le métier mais avide d’apprendre. Il a déjà compris l’essentiel : ne jamais faire deux fois la même chose. Il le prouve encore avec Les Adoptés.

Denis-Menochet_1

Vous avez joué un fermier qui abrite des Juifs dans Inglourious Basterds, un tonton ex-militaire ivre mort du matin au soir dans Le Skylab, un commando dans Forces spéciales et maintenant un amoureux impulsif dans Les Adoptés. Il est impossible de vous cataloguer tant vous êtes un acteur versatile. C’est bien.

DENIS MENOCHET : Je choisis exprès de faire des choses différentes, de jouer des personnages qui n’ont vraiment rien à voir les uns avec les autres. Après Inglourious Basterds, il y a eu la période des scénarios avec des paysans et beaucoup pensent que j’aurai cette satanée barbe à vie mais je fais exprès de prendre des personnages… Enfin, exprès… J’essaye d’aller à l’inverse de ce qu’on pourrait attendre, de faire à chaque fois autre chose parce que c’est ce qui m’intéresse. J’aime expérimenter d’autres gens.

Y a-t-il un genre où vous vous sentez plus à l’aise ?

Non… Je ne sais pas… Je suis moins à l’aise dans les films d’action où il faut bouger. En ce moment, pour Je me suis fait tout petit de Cécilia Rouaud, je fais des répétitions de danse pour une scène. J’ai l’impression d’être l’hippopotame de Fantasia (rires). Mais j’aime bien, j’y arrive mieux maintenant, ça vient doucement. C’est ça qui m’intéresse, me dépasser, aller au bout des choses et en même temps apprendre sur moi.

Qu’avez-vous appris dernièrement ?

Denis-Menochet_3A lâcher prise. Ce qui m’est arrivé avec Inglourious Basterds est incroyable. Je suis dans une espèce de Space moutain. J’ai fait un rêve et, tout à coup, il s’est réalisé et depuis tout va très vite. Et donc pour me rassurer, j’ai toujours eu cette façon de travailler, une sorte de B.A. BA que j’ai appris et que je suivais à cause du trac. Ce n’est pas que je me prenais la tête mais je cherchais trop à comprendre les choses. Mélanie [Laurent, la réalisatrice des Adoptés, NDLR] est spontanée, très vive et elle m’a appris à m’abandonner à ce qui se passe sur l’instant, à être disponible pour l’histoire, à aller plus loin dans les émotions, à laisser parler les mots. Voilà, j’ai appris à laisser aller, à moins cogiter, à être plus là. Depuis, j’ai encore fait plus de chemin vers ça. C’est très libérateur.

Mélanie dit que jusqu’à présent vous n’osiez pas encore explorer votre délicatesse et votre sensibilité dans votre jeu et que vous aviez besoin d’être rassuré pour y parvenir.

Elle dit ça ? Ma délicatesse et ma sensibilité… Elle a raison, forcément, parce que c’est elle qui voyait… Je n’avais jamais joué ce genre de scènes pleines d’émotions alors ma délicatesse et ma sensibilité étaient mises à l’épreuve, forcément. (Rires)

Vous dites de Mélanie qu’elle est votre ange gardien.

C’est vrai. Elle m’a toujours guidé et conseillé. Comme j’ai un caractère parfois impulsif, elle m’a toujours remis à ma place comme il faut. C’est mon ange gardien pour ça, parce que je suis Breton et j’ai parfois envie de tout envoyé balader bêtement alors que ça ne sert à rien. Il y a une scène dans Les adoptés que j’adore, celle où on est tous les deux au restaurant. On peut vraiment voir notre complicité, notre amitié. Tout est là.

Denis-Menochet_2Dans Les Adoptés, Lisa, le personnage de Mélanie, dit qu’elle rêvait d’être chanteuse, championne en tout quand elle était petite… Et vous, vous rêviez d’être acteur quand vous étiez petit ?

Bizarrement, oui. En fait, ce n’était pas un rêve, c’était plus un besoin d’aller vers ça. Je n’ai pas grandi en France, ma découverte du monde a toujours été très liée au cinéma et c’est donc vers ça que j’avais envie d’aller. Quand un film me passionne, je me dis : « J’ai envie de faire ça ! ». Après mon bac, quand j’ai dû faire des choix, il y a eu Quentin Tarantino et Pulp Fiction. Après il y a eu le travail d’Anthony Hopkins dans les films de James Ivory et dans Le Silence des agneaux. J’ai toujours eu cet engouement pour faire ça, pour aller voir ce que c’était, pour aller chercher ça.

Inglourious Basterds a tout changé pour vous. Y a-t-il quelque chose que vous regrettez de votre vie d’avant ?

Les vannes que je faisais, quand je disais : « Excuse-moi, je suis en retard, j’étais avec Quentin Tarantino. ». Maintenant, je ne peux plus faire cette vanne et je le regrette (rires) parce que c’est une bonne vanne.

Article paru dans Studio Ciné Live – N°32 – Décembre 2011