Il joue les sages méditatifs façon maître Jedi dans Tron l’héritage et les marshalls ronchons adeptes de la gâchette dans True Grit. Dans la réalité, entre le cinéma, la musique et son combat contre la faim aux Etats-Unis, il prend la vie comme elle vient et a adopté la cool attitude. A 61 ans, il est et reste The Dude.

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Vous avez la réputation de résister un bon moment avant d’accepter un film. Combien de temps avez-vous tenu pour Tron l’héritage et True Grit ?

Jeff Bridges : Pour Tron l’héritage, il y a eu cette rumeur de suite pendant 28 ans. Quand on m’a demandé si j’étais intéressé, j’ai demandé qui allait réaliser. Quand on m’a donné le pitch du film, j’ai demandé à m’impliquer dans son développement. On m’a alors demandé de faire cette bande annonce, réalisée avant même d’avoir le film, pour la montrer au Comic Con de San Diego. Les spectateurs sont devenus fous quand ils l’ont vue et Disney a financé le film. Alors, est-ce que j’ai résisté avant d’accepter ? Je voulais juste être sûr qu’ils avaient une bonne histoire, qu’elle ne serait pas une répétition du premier film. Quant à True Grit…J’étais en plein tournage de Tron l’héritage quand les frères Coen m’ont appelé. Mon dieu ! Je suis au milieu de ce truc, mec, j’essaye de me concentrer et ils me demandent : « Hey, tu veux faire ça ? ». Juste comme ça. Mon dieu ! Bien sûr que je veux le faire. Mais je dois lire le scénario et je dois continuer le tournage…

Une réaction digne du Dude !

Exactement ! (Rires) Deux ans plus tôt, on avait parlé de faire un western. J’adore les westerns. Ils me parlent alors de True Grit. Mais c’est déjà un film [Cent dollars pour un shérif avec John Wayne] ! Ils me disent de lire le livre dont le film est tiré. Je l’ai lu en plein tournage de Tron l’héritage et ce livre m’a passionné. Il était parfait pour les Coen ! J’ai résisté mais ils m’ont eu ! C’est dur de ne pas accepter leur invitation parce que ces mecs, ce sont des maîtres !

True-Grit-5Quel effet cela fait-il de reprendre le rôle de John Wayne ?

Ce n’est pas le cas. Je n’ai pas essayé de faire comme lui, je me suis basé sur le livre. On me pose souvent cette question. J’imagine que les gens qui verront le film y penseront aussi. Mais je n’ai jamais pensé au film original, on est reparti de zéro.

Pour revenir à Tron l’héritage, qu’avez-vous ressenti quand vous vous êtes vu rajeuni à l’écran ?

Vous vous rappelez la première fois que vous avez entendu votre voix enregistrée ? C’était aussi bizarre que ça.

Quand vous avez débuté votre carrière, vous sentiez-vous piégé dans l’ombre de votre père, Lloyd Bridges?

Oh oui ! Et dans l’ombre de mon frère, Beau. Mon père nous a toujours encouragés à entrer dans le showbiz. J’avais six mois quand il a dit : « Vous avez besoin d’un bébé pour votre film ? Prenez le mien ! » Et quand il avait besoin d’un gamin sur sa série Remous, il me disait : « Ne va pas à l’école ! Viens jouer avec ton père ! » Il m’a appris les bases du métier. Mais quand vous être ado, vous ne voulez pas faire ce que vos parents vous disent de faire, vous ne voulez pas être reconnu pour votre père, vous ne voulez pas être le produit du népotisme. Ce que je suis ! (Rires) Je l’admets. Mais j’ai résisté, je voulais faire mes propres trucs. J’aimais la musique, la peinture… Je me suis décidé après 10 ou 12 films : je serais acteur mais j’utiliserais toutes mes autres passions pour exercer ce métier. Et c’est le cas. Grâce à mon père.

jeff-bridges_2Etes-vous l’acteur que vous rêviez d’être?

Je n’ai jamais rêvé d’être acteur.

Même quand vous avez décidé que ce serait votre métier ?

Oh! Alors, oui. J’imagine. J’aime vraiment ma filmographie. Mais je ne sais pas si j’ai rêvé de tout ça. Je n’ai jamais vraiment été ambitieux au point de rêver de tout ça. Ce n’est pas vraiment mon style.

En 1983, vous avez fondé End Hunger Network, une association contre la faim dans le monde.

Je me suis demandé ce que je pouvais faire à mon niveau. Je ne voulais pas juste donner de l’argent pour effacer une quelconque culpabilité. Je voulais agir comme je le fais dans ma vie et jouer un vrai rôle. Je fais donc ce que je fais aujourd’hui avec vous, je parle aux médias et je fais des films [L’Amérique aux deux visages, 1996]. Je reviens de Washington DC où nous avons lancé la campagne No Kid Hungry, Je suis le porte-parole national de la lutte contre la faim aux Etats-Unis, notre cheval de bataille depuis quelques années. Il y a 17 millions d’enfants qui ont faim dans mon pays, un enfant sur quatre. C’est révoltant. J’espère changer les choses.

Article paru dans Studio Ciné Live – N°23 – Février 2011