Depuis des années, Leonardo DiCaprio désirait travailler avec Paul Thomas Anderson. C’est chose faite avec Une bataille après l’autre, l’adaptation très libre de Vineland de Thomas Pynchon, qui mêle notamment des radicaux dans l’Amérique d’aujourd’hui, une femme révolutionnaire et une course-poursuite en voitures. Le comédien incarne un rebelle anarchiste au cœur brisé que le passé rattrape, mettant sa fille de 16 ans en danger. En cinq questions, Leonardo DiCaprio revient sur Paul Thomas Anderson, le long métrage et son personnage. Une bataille après l’autre, film politique et d’action atypique, aussi captivant que divertissant, sort en salles ce 24 septembre.

Leonardo DiCaprio

L’histoire

Perfidia (Teyana Taylor) et Pat (Leonardo DiCaprio) appartiennent au groupe révolutionnaire French 75. Depuis qu’ils ont libéré des immigrés mexicains d’un centre de détention, ils sont traqués par le colonel Steven J. Lockjaw (Sean Penn). À la naissance de leur bébé, Charlene, Pat ne parvient pas à convaincre Perfidia de ralentir pour trouver un équilibre entre l’activisme et la vie de famille. Après une action qui tourne mal, Pat doit fuir avec Charlene et prendre une nouvelle identité : Bob et Willa Ferguson. Seize ans plus tard, Bob, désabusé et paranoïaque, et sa fille Willa (Chase Infiniti), débrouillarde et courageuse, sont à nouveau menacés par Lockjaw.

Comment s’est passée votre collaboration avec Paul Thomas Anderson ?

Paul Thomas Anderson, Leonardo DiCaprio et Benicio Del Toro

Leonardo DiCaprio : C’est avant tout Paul Thomas Anderson qui m’a séduit dans ce projet. Le tournage de ce film avec Paul est une expérience à part. Cela fait une vingtaine d’années que j’avais envie de travailler avec lui. Pouvoir tourner un film sur ce sujet en particulier, à ce moment de ma vie, compte énormément à mes yeux. En tant que scénariste et metteur en scène, il incarne une voix singulière et forte de sa génération. C’est l’un des grands cinéastes de notre époque.

J’entends parler de Paul depuis que j’ai vu Hard Eight (2018) il y a plusieurs années, et on avait évoqué Boogie Nights (1998) très en amont du projet, si bien que j’ai vu son style s’affirmer et s’épanouir au fil des années. Très peu de cinéastes savent aborder toutes sortes de sujets de manière inattendue. Il y a toujours une part de mystère et de surprise – d’inconnu – chez ses personnages et dans ses intrigues. Ainsi on a envie de continuer à voir ses films. Paul m’a proposé ce projet. Il y travaillait depuis longtemps. J’ai tout simplement sauté sur l’occasion de pouvoir collaborer avec lui.

Comment décririez-vous votre personnage, Bob Ferguson ?

Il s’inspire de différentes figures de révolutionnaires, issus de groupes de la fin des années 1960, que Paul voulait replacer dans un contexte actuel. Et si des jeunes gens hostiles au gouvernement, aux institutions, au capitalisme s’engageaient pour de bonnes raisons mais finissaient par se fourvoyer et commettre des actes qu’ils regrettent ? Qu’arriverait-il aux enfants de ces révolutionnaires, à la nouvelle génération ?

Leonardo DiCaprio et Chase Infiniti

Bob est un type qui refuse qu’on envahisse son espace, un gars hostile aux institutions, un hippie révolutionnaire et paranoïaque, qui soupçonne tout et tout le monde. Il n’entend pas payer d’impôts, il ne veut pas qu’on le surveille et il se méfie de tout son entourage. Il se terre au milieu des bois, il reste chez lui en regardant des films comme La Bataille d’Alger, il fume du shit et il boit. Mais il a un seul objectif : protéger sa fille, Willa.

Car Bob avait en lui la capacité de protéger ceux qu’il aime et de se battre pour ce qui est cher à son cœur. Aujourd’hui, il a perdu cette faculté. Une bataille après l’autre raconte sa tentative de reconquérir cette capacité. Bob voudrait redevenir courageux à une époque où nous sommes accablés par la peur et constamment réduits au silence, mais où nous tentons de sortir de notre zone de confort. Bob est emblématique de cette tendance. Il a été isolé, suspicieux, paranoïaque, et il se retrouve confronté à une situation qui exige de lui de se montrer intrépide.

Quel est votre regard sur la relation père/fille d’Une bataille après l’autre ?

Au bout du compte, l’objectif principal de mon personnage – au fond, sa trajectoire dans le film –, c’est de tenter de protéger sa fille de son passé à lui. J’espère qu’on est parvenu à le jouer, Chase [Infiniti] et moi, ensemble. Willa trouve sans doute son père totalement dépassé, déconnecté de la réalité et parano, cependant ils s’aiment malgré tout. Elle symbolise la nouvelle génération et ses ambitions. La manière dont les gens de son âge se battent n’a plus rien à voir avec celle des générations qui les ont précédés.

Que pensez-vous de l’ambition du film ?

Leonardo DiCaprio

C’est un long métrage d’une grande envergure, traversé par une tension extraordinaire qui démarre dès le premier plan et qui ne nous lâche pas avant la fin. C’est probablement l’un des projets les plus spectaculaires de Paul. Il l’a tourné en pellicule, en VistaVision. Les décors naturels étaient absolument sublimes. Les scènes d’action sont d’une audace folle tandis que la mise en scène, très inattendue, est incontestablement signée Paul Thomas Anderson.

Ce n’est pas un film d’action classique. Il n’y a pas d’effets visuels et on n’a pas le sentiment que l’image est trafiquée par la technologie. Ce métrage privilégie le réalisme. Les voitures sont authentiques, les scènes sont tournées en décors naturels et les situations ont l’air tangible. Ce film d’action revisité par Paul Thomas Anderson est totalement différent de tous les films d’action habituels.

Ce que j’adore au cinéma, qu’il s’agisse d’un film d’action, d’un thriller ou de la résolution d’une intrigue dans un contexte réaliste, c’est lorsque l’œuvre vous happe de la première à la dernière image. La tension est, ici, omniprésente. Et c’est le genre de long métrage qui traverse les années. C’est exactement ce qu’a réussi à faire Paul avec Une bataille après l’autre. On est cramponné à son siège du début à la fin.

Une bataille après l’autre ne manque pas d’humour.

Leonardo DiCaprio

En tant qu’acteur, je ne me suis jamais vraiment dit que c’était de l’humour à proprement parler. C’est un concours de circonstances inattendues, comme on en rencontre souvent dans la vie. C’est aussi simple que ça. Que se passerait-il si ce type était trop souvent défoncé, en regardant la télé sur son canapé ? Et s’il n’était pas en mesure d’affronter ces forces du passé parce qu’il n’arrive plus à se souvenir du bon mot de passe ? Il se retrouve désormais dans ce qui ressemble à un film de James Bond. Cependant il n’est pas capable – ou pas suffisamment armé – pour affronter ses ennemis. C’est ce qui suscite une situation très drôle qui, à mon sens, s’impose naturellement. Je ne crois pas qu’on ait cherché à la plaquer en forçant le trait.

Crédit photos : © Warner Bros.