Les Règles de l’art s’inspire du vol, bien réel, de cinq toiles de maîtres au musée d’Art moderne de Paris dans la nuit du 19 au 20 mai 2010. Il s’agit du plus grand casse jamais perpétré dans un musée français. En voici l’histoire vraie. Les Règles de l’art réalisé par Dominique Baumard et écrit par Benjamin Charbit sort en salles ce 30 avril. Le film a reçu le Prix spécial du Jury au Festival de l’Alpe d’Huez 2025. [SPOILERS]

Dans les Règles de l'art Steve Tientcheu joue Jo, le cambrioleur inspiré du vrai voleur Vjéran Tomic

Jo (Steve Tientcheu), en plein travail dans le musée d’Art moderne de Paris

Les protagonistes

Le voleur

Vjéran Tomic, 49 ans au moment des faits et 13 condamnations au casier, en majorité pour des affaires de vol. Cet as de la varappe est surnommé Spiderman ou l’homme-araignée car sa spécialité est le cambriolage par escalade d’appartements dans les derniers étages. [Dans Les Règles de l’art, il est joué par Steve Tientcheu, sous le nom de Jo]

Les receleurs 

Jean-Michel Corvez, un antiquaire de 55 ans. Il possède une petite boutique près de la gare de Lyon. Il est le commanditaire du vol et un receleur régulier de Vjéran Tomic. [Interprété par Sofiane Zermani dans le rôle d’Éric Moreno]

Yonathan Birn, 33 ans, horloger et réparateur de montres anciennes installé dans le Marais. Et recéleur à ses heures perdues. [Dans le film, le personnage baptisé Yonathan Cobb est incarné par Melvil Poupaud]

Les faits

Steve Tientcheu, incarne Jo, le cambrioleur inspiré de Vjéran Tomic

Le vol

Vjéran Tomic a reçu sa commande de tableaux en mai 2010 par son receleur habituel, Jean-Michel Corvez. Ce dernier lui a remis une liste de peintres qui pouvaient intéresser ses clients, dont Fernand Léger et Amadeo Modigliani. Vjéran Tomic pensera par hasard au musée d’Art moderne de Paris situé sur l’esplanade du Palais de Tokyo. Il y fait un premier repérage, découvre que la collection contient bien un Léger et un  Modigliani et s’aperçoit que les détecteurs de mouvement ne fonctionnent pas. Le malfaiteur revient la nuit afin d’observer la ronde des gardiens et d’inspecter les abords de l’édifice. Il remarque alors une fenêtre défectueuse, à l’abri des caméras de surveillance.

Six nuits lui permettent de préparer la fenêtre pour la nuit du 20 mai, vers 3 heures du matin, la dévisser et la soulever à l’aide de deux ventouses. Il fait ensuite sauter le rideau métallique avec un coupe-boulons et pénètre dans le musée pour en ressortir aussitôt, attendant le déclenchement éventuel d’une alarme silencieuse – qui s’avère en fait en panne depuis deux mois. 

La voie étant libre, Vjéran Tomic fait alors ses courses. En 17 minutes, il embarque un Léger et un Modigliani et, pour faire bonne mesure, ajoute un Matisse, un Picasso et un Braque. En dépit de trente caméras de surveillance, les trois gardiens dans le poste de contrôle de sécurité ne voient rien. Son forfait commis, le voleur quitte le musée, dépose les œuvres d’art dans le coffre de sa voiture, jette ses outils dans la Seine et rejoint son commanditaire dans un parking souterrain de Bastille.

Le recel

Jean-Michel Corvez récupère les tableaux. Il ne paye Vjéran Tomic que pour le Léger – 40 000 euros -, et s’accorde avec le cambrioleur pour lui régler 50 000 euros par œuvre après leur vente. Il est censé avoir déjà un client pour le Léger, peut-être un autre pour le Modigliani. Les transactions ne se font finalement pas et le receleur ne parvient pas à écouler les peintures.

Deux mois après le cambriolage, Jean-Michel Corvez montre, sans en dissimuler la provenance, La Femme à l’éventail de Modigliani à son ami Yonathan Birn. Ce dernier en tombe amoureux et accepte de l’acquérir pour 80 000 euros. Il le cache dans un coffre fort d’une banque du boulevard Haussmann. Fin 2010, le receleur lui confie les quatre autres toiles car il doit se séparer de sa boutique. Pour rendre service, l’horloger les entrepose dans son atelier de montres, dissimulées derrière une grande armoire.

Les tableaux

Les cinq chefs-d’œuvre dérobés sont Nature morte au chandelier de Fernand Léger, La Femme à l’éventail d’Amedeo Modigliani, La Pastorale d’Henri Matisse, L’Olivier près de l’Estaque de Georges Braque et Le Pigeon aux petits pois de Pablo Picasso. 

Pour des raisons budgétaires, les toiles n’étaient pas assurées contre le vol dans l’enceinte du musée. La perte se chiffre ainsi à 104 millions d’euros pour leur propriétaire, la Ville de Paris. Signalés à Interpol dès leur disparition, les tableaux étaient invendables à l’époque des faits. 

L’enquête

Les pistes

Les gardiens constatent le vol le matin même. La brigade de répression du banditisme (BRB) se charge de l’enquête. Les seules preuves du délit se résument au point d’entrée. Il n’y a aucune empreinte. Les images de vidéosurveillance sont trop médiocres pour identifier le malfrat. Les interrogatoires et les mises sur écoutes téléphoniques du personnel du musée et de plusieurs agents de sécurité ne donnent rien. Tout comme les tests ADN sur un mégot retrouvé à côté de la fenêtre et les investigations du côté des prestataires de services. Des pistes liées à des receleurs ou des commanditaires connus des services de police ne donnent rien.

Il faut près d’un an avant que les policiers découvrent les coupables. Un indic les prévient après que Vjéran Tomic se soit vanté du casse. Les enquêteurs mettent le monte-en-l’air sur écoute et le prennent en filature, ce qui les mène à Jean-Michel Corvez puis à Yonathan Birnet.

L’arrestation

Le 13 mai 2011, Vjéran Tomic, surveillé de près par la police, est interpellé à la suite du cambriolage d’un duplex avenue Montaigne. Sous la pression des enquêteurs et persuadé qu’il s’est fait duper par ses receleurs, il avoue sa participation au casse et dénonce ses complices. Les policiers placent les trois comparses en garde à vue.

Le procès

Melvil Poupaud alias l’horloger Yonathan Cobb, inspiré de Yonathan Birn, et Sofiane Zermani dans le rôle du receleur Éric Moreno, inspiré de Jean-Michel Corvez

Les plaidoiries

Le 30 janvier 2017, les trois accusés comparaissent devant la 32e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris « pour association de malfaiteurs en vue de la commission de vols en bande organisée ». Ils reconnaissent les faits, chacun à sa façon. Vjéran Tomic est fier de son “travail”. Jean-Michel Corvez affirme n’avoir fait que suggérer le vol et refuse de donner le nom de ses potentiels acheteurs. Yonathan Birn prétend que, pris de panique après sa garde à vue, il s’est débarrassé des cinq chefs-d’œuvre en les jetant à la poubelle…

Le verdict

Le tribunal déclare les trois comparses coupables. Tomic Vjeran est condamné à huit ans de prison et 200 000 euros d’amende. Jean-Michel Corvez reçoit la peine de sept ans de prison, 150 000 euros d’amende et l’interdiction d’exercer le métier d’antiquaire ou de gérer un commerce d’objets d’art pendant cinq ans. Yonathan Birn se voit infliger six ans de prison et 150 000 euros d’amende.

Tous trois sont également condamnés solidairement à rembourser 104 millions d’euros à la Ville de Paris, propriétaire des toiles volées.

Où sont les tableaux ?

Les cinq peintures de maîtres restent introuvables. Selon ses propres aveux, Yonathan Birn a détruit les tableaux. Il aurait cassé les châssis des cinq œuvres et les aurait jetés avec les toiles dans la poubelle de son immeuble, direction l’incinérateur.

Cependant, personne ne veut y croire. Pour les enquêteurs, la théorie la plus plausible est que les chefs-d’œuvre ont été transférés quelque part à l’étranger.

Crédit photos : © Eloïse Legay – SrabFilms