Danny Boyle, réalisateur oscarisé, et Alex Garland, scénariste nommé à l’Oscar, se retrouvent pour 28 ans plus tard, troisième opus de la saga 28 jours plus tard (2002), après 28 semaines plus tard (2007). Dans cette nouvelle suite, Spike, 12 ans, membre d’une communauté vivant sur une petite île, rejoint la côte britannique avec sa mère afin de trouver un médecin qui pourra la soigner. Le virus de la rage, une infection sanguine foudroyante échappée d’un laboratoire d’armement biologique qui plonge ses victimes dans une frénésie incontrôlable, est toujours présent sur le continent. Cependant, en 28 ans, les personnes infectées ont muté. 28 ans plus tard sort en salles ce 18 juin.

Aaron Taylor-Johnson et Alfie Williams incarnent un père et son fils dans 28 ans plus tard

Aaron Taylor-Johnson et Alfie Williams

1 – La communauté d’Holy Island

Un sentiment de sécurité

Vingt-huit ans après l’apparition du virus de la rage qui a ravagé le Royaume-Uni, la société britannique s’est reconstruite, donnant naissance à de nouvelles communautés. L’une d’elles s’est installée sur Holy Island, une parcelle d’environ 400 hectares située sur la côte nord-est de l’Angleterre. Cette petite terre est reliée au continent par une jetée submersible, la laissant inatteignable à marée haute et défendable à marée basse. Cet environnement fait se sentir en sécurité. « Une communauté pourrait y prospérer, précise Danny Boyle. Plutôt qu’un décor postapocalyptique, on a l’impression d’une ville du début du XXème siècle. Le continent devient alors un ailleurs, à la fois porteur d’espoir… et de danger. »

Le grand rite de passage de chaque ado sur cette île est une expédition vers le continent et l’occasion de tuer son premier infecté. L’exploit est ensuite célébré lors d’une fête fastueuse. Cependant, si quelqu’un ne revient pas du continent, personne n’est autorisé à partir à sa recherche. C’est la règle d’or de cette communauté : il n’y a ni équipe de secours, ni sauvetage. « Avec ce genre de film, on peut explorer les personnages à travers les règles qu’ils instaurent et qu’ils décident de suivre, souligne Danny Boyle. C’est ce qui permet d’imaginer leur structure mentale, de décider ce qu’ils considèrent comme essentiel, et de réfléchir à leur identité. »

Une logique de survie

Un habitant d’Holy Island

Pour Alex Garland, ce modèle de société autosuffisante est né des réactions du monde face à l’infection qui a dévasté la Grande-Bretagne tout en épargnant le reste de la planète. « On s’est demandé à quoi ressemblerait une telle épidémie », raconte le scénariste. « Que devient un pays mis en quarantaine et plus ou moins abandonné par le reste du monde ? Pour avoir la réponse, il suffit d’observer le monde réel. Il y a une forme de pragmatisme impitoyable, une logique du chacun pour soi qui émerge quand un pays s’effondre. D’une manière générale, ceux qui ne sont pas touchés ferment les yeux et continuent leur vie comme si de rien n’était. »

Le chef décorateur et costumier Gareth Pugh a transformé la charmante Holy Island – destination touristique majeure – pour coller à la vision de Danny Boyle, qui la voulait « légèrement rétrograde dans sa conception du monde, axée sur l’ordre et adepte d’une forme de tyrannie ». « Au cours de nos recherches, nous sommes tombés sur un livre fascinant consacré au Glasgow post-industriel, une ville aux teintes douces, qui a largement inspiré l’esthétique de l’île », détaille Gareth Pugh.

 « Danny tenait à ce que les habitants de Holy Island aient l’air un peu perturbé, continue la cheffe maquilleuse et coiffeuse Flora Moody. Leurs vêtements devaient être élimés et issus de matériaux de récupération. Leurs coupes de cheveux, approximatives et effectuées avec des cisailles, sont à l’avenant. Nous souhaitions restituer cette dimension accablante de l’existence, où l’incertitude et la mort sont omniprésentes. »

2 – Une histoire de famille

Une maladie

Jodie Comer et Alfie Williams incarnent une mère et son fils dans 28 ans plus tard

Jodie Comer et Alfie Williams

Sur l’île coupée du monde, Jamie (Aaron Taylor-Johnson), sa femme Isla (Jodie Comer) et leur fils de 12 ans Spike (Alfie Williams, qui fait ses débuts au cinéma) tentent de s’en sortir comme ils peuvent. Isla est frappée par une maladie grave encore non diagnostiquée, faute de médecins ou de médicaments dans cette communauté isolée.

Ce mal renforce autant qu’il éprouve l’équilibre familial. « Isla est clouée au lit en raison de la gravité de sa pathologie, explique Jodie Comer. Elle est souvent perdue et n’est plus en capacité d’assumer ses responsabilités de mère. »

« Beaucoup de choses se jouent entre Jamie et Isla, tout en restant dans le non-dit, poursuit Aaron Taylor-Johnson. Leurs rapports sont marqués par les traumatismes et le déni. Néanmoins, il y a toujours énormément d’amour entre eux et ils sont liés par un passé commun. Ce qui les unit avant tout, c’est l’amour inconditionnel qu’ils portent à Spike. »

Un rituel

Le rite de passage de Spike consistant à une chasse aux infectés que le continent donne une occasion unique à Jamie de se rapprocher de son fils. « Jamie tient, dans ces moments-là, à transmettre à son fils des conseils porteurs de sagesse, mais aussi à le sensibiliser au danger, indique Taylor-Johnson. C’est un rite de passage qui permet à Spike de gagner en autonomie. C’est le moment où son innocence d’enfant cède le pas à l’adolescence. On comprend que Jamie exerce une vraie pression sur lui pour qu’il mûrisse un peu plus vite que prévu. Il essaie de donner à Spike les outils nécessaires pour survivre dans ce nouveau monde. Jamie veut que son fils devienne autonome. Il y a énormément d’amour et de tendresse dans la relation entre le père et son fils. »

Une trahison

Aaron Taylor-Johnson

Quand Spike surprend son père en train d’embrasser une autre femme que sa mère, il est meurtri. « Jamie agit toujours par amour pour sa famille, affirme Taylor-Johnson. Toutefois, il reste humain, et il commet des erreurs. Pour Spike, cependant, cela change tout. Son père n’est plus son héros… son repère absolu. La confiance est rompue, et il rejette tout ce que Jamie lui a transmis. »

Un espoir

Quand Spike apprend qu’un médecin alimente un mystérieux feu sur le continent, il espère qu’il pourra guérir sa mère. Il quitte alors la communauté avec elle, en quête du soignant.

Alex Garland et Danny Boyle ont pleinement assumé l’idée de faire d’un adolescent le protagoniste du film. « Danny Boyle a un esprit subversif, explique le scénariste. Il sait que faire d’un jeune garçon le personnage principal d’un film sur un redoutable virus va à l’encontre des codes du genre. »

Ce combattant encore novice est issu d’une génération qui n’a pas connu le monde d’avant l’infection. « Au fond, Spike est un enfant banal, dans un monde qui ne l’est pas du tout, avance Alfie Williams. Il aime sa mère et son père. Il souhaite seulement retrouver sa famille comme elle était avant que sa mère ne tombe malade. Cependant, pour que cela se concrétise, il doit trouver un moyen de la sauver. »

3 – Le docteur Ian Kelson

Un personnage atypique

Ralph Fiennes incarne le docteur Kelson dans 28 ans plus tard

Ralph Fiennes

Le docteur Ian Kelson (Ralph Fiennes) est le médecin que recherchent Spike et Isla. L’acteur le décrit avant tout comme « un survivant ». Privé d’outils de chirurgie modernes et de médicaments, il a mis au point des moyens thérapeutiques alternatifs surprenants. Son leitmotiv : Memento mori, soit « souviens-toi que tu te meurs ». Outre la fragilité de l’existence, cette locution latine rappelle également la menace que représentent les infectés.

Ian Kelson a construit un mémorial dédié aux disparus avec les ossements des humains et des infectés. « Il ne fait pas de distinction entre eux, affirme Alex Garland. Kelson est médecin. Pour lui, ce sont tous des êtres humains, dont certains sont simplement atteints d’une maladie. Les infectés ne cessent pas d’être des personnes à ses yeux. » « Spike et Isla trouvent de la compassion, à la fois humaine et professionnelle, chez le docteur Kelson, précise Danny Boyle. Ce médecin dispose de très peu de moyens pour les aider. Toutefois, il fait pourtant tout ce qu’il peut pour apaiser leurs souffrances. »

« L’une des particularités de Kelson, c’est qu’il s’enduit d’iode, qu’il utilise comme prophylaxie contre le virus de la rage, explique Ralph Fiennes. Il est donc couvert de cette teinte rouge orangé. Nous avons décidé de lui raser la tête, ce qui lui donnait une allure frappante. Flora Moody s’est demandé à quoi peuvent ressembler des gens qui n’ont plus accès ni au shampoing, ni au maquillage. Nous voulions tous que cette silhouette protégée par l’iode soit saisissante et troublante. »

Un temple en hommage aux morts

Alfie Williams, Jodie Comer et Ralph Fiennes

Cette structure dédiée aux défunts est un édifice de la taille d’une église. Il est entièrement composé d’ossements humains : fémurs, cages thoraciques, bassins et crânes. Ce mémorial est à la fois un hommage à tous les morts et le fruit d’une conviction très forte chez le médecin. « Il a accepté la réalité de la mort et son omniprésence, reprend Ralph Fiennes. Au lieu de la fuir, de faire comme si elle n’existait pas ou de vivre en la redoutant, il honore la mort et les morts. D’une certaine manière, c’est une figure presque cléricale doublée d’un humaniste. »

« Tout est parti de Danny Boyle, qui nous a poussés à aller toujours plus loin dans l’esthétique pour ce temple, révèle Gareth Pugh. Il ne voulait pas créer une fenêtre sur un monde parallèle mais plutôt un miroir tendu à notre monde actuel. » Danny Boyle s’est inspiré d’un mur commémoratif dédié aux victimes du Covid à Londres, ainsi que d’une colline en Lituanie recouverte de milliers de crucifix de tailles diverses. Les recherches à travers la campagne anglaise ont ensuite commencé afin de trouver un lieu tout aussi singulier. Le choix de l’emplacement du temple d’ossements s’est fixé sur Redmire, un village et une paroisse civile du Yorkshire du Nord. « Nous avons tous ressenti quelque chose de particulier, avoue le chef décorateur et costumier Carson McColl. Cet endroit nous donnait l’impression d’être resté inchangé depuis très, très longtemps. »

La construction de ce monument unique en son genre s’est avérée une entreprise colossale. L’équipe a utilisé plus de 250 000 os factices et 5 500 crânes. L’édification a nécessité pas moins de six mois de travail.

4 – Une nouvelle génération d’infectés

Aaron Taylor-Johnson et Alfie Williams

La nature trouve toujours son chemin

Vingt-huit ans après l’émergence du virus de la rage, de nouveaux variants ont fait leur apparition. Les individus infectés présentent des caractéristiques physiques inédites.

« Le superviseur des effets spéciaux maquillage John Nolan et moi voulions montrer à quel point ils ont évolué, souligne Danny Boyle. Comme le dit si bien le film Jurassic Park, ‘la nature trouve toujours le moyen d’évoluer’. Elle ne s’arrête jamais. Peu importe que le cheminement soit affreux, répugnant ou, parfois même, beau. »

« Avec ce film, nous avons accéléré le processus de transformation, car cela ne fait que 28 ans que l’infection initiale s’est déclenchée, poursuit le réalisateur. À l’échelle de l’évolution, cela ne représente qu’un battement d’œil. Nous avons compressé le temps et forcé l’évolution. Différentes caractéristiques apparaissent chez les infectés. Il existe même des familles parmi eux, et des regroupements commencent à se former. »

Bien que les mutations des infectés diffèrent significativement les unes des autres, Flora Moody souhaitait qu’un élément les lie. « J’ai imaginé une manifestation visuelle du virus de la rage, qui prend naissance au niveau du cœur pour se propager sur la poitrine, raconte la cheffe maquilleuse et coiffeuse. Nous avons exploré de nombreuses textures, formes et teintes, avant d’opter pour un blanc verdâtre. Cette couleur évoquait celle de la mousse recouvrant les lieux où les infectés se rassemblent. Ce motif sur leur torse signale immédiatement qu’ils sont contaminés. »

Un ordre de dangerosité

Chi Lewis-Parry

Les Berserkers

Les infectés Alpha sont, de loin, les plus terrifiants. La nouvelle mutation du virus de la rage a agi comme un stéroïde surpuissant ou une hormone de croissance survoltée. À leur taille démesurée menaçante s’ajoute une intelligence accrue. Ils sont plus stratèges et plus rusés. Ils adorent arracher la tête des humains toujours reliée à la colonne vertébrale. Ils s’en servent ensuite comme une arme.

« Quand on réalise un film d’horreur, on cherche à obtenir des images susceptibles d’effrayer le public , indique Danny Boyle. C’est un impératif viscéral. On a la responsabilité de repousser les limites autant que possible. Cette rencontre est une manière formidable d’illustrer la force redoutable des Berserkers. »

Chi Lewis-Parry, combattant MMA, acteur et garde du corps, incarne l’Alpha des Alphas, le colossal Samson. Il mesure plus de 2 m et imposait une silhouette impressionnante. Cependant, John Nolan et Flora Moody souhaitaient le rendre encore plus menaçant physiquement. « Tout devait être surdimensionnés, car nous voulions que Samson soit totalement terrifiant, explique John Nolan. Nous lui avons fabriqué un ventre barré de cicatrices, puis nous lui avons ajouté des muscles dans le dos, en augmentant les proportions de tous ses membres d’environ 40 %. »

Les infectés de la première génération

Ils ont été frappés lors des premières vagues dévastatrices, près de trente ans plus tôt. Leurs corps, burinés de muscles et striés de veines saillantes et noueuses, portent encore les stigmates du temps. Les vêtements qu’ils portaient au moment de l’infection se sont depuis longtemps dégradés. Ils errent désormais sur le continent, nus, à l’état sauvage, tels des bêtes.

« Mon rôle était d’apprendre aux comédiens à se mouvoir et à incarner un infecté, explique le coach de mouvement Toby Sedgwick. J’ai guidé chacun en fonction des différents niveaux de tension. Cette maladie provoque une tension extrême, qui se traduit ensuite par des mouvements brusques, erratiques et imprévisibles. Même lorsqu’ils avancent, les infectés se déplacent de manière chaotique. Ils ne veulent pas nécessairement aller de l’avant, mais c’est le virus qui les y oblige. »

Les Rampants

Ces mutants massifs, lourds et engourdis se déplacent lentement, à quatre pattes, le ventre frôlant le sol. John Nolan a fixé sur leur entrejambe des prothèses représentant des organes génitaux sculptés, tout en veillant à dissimuler les zones les plus explicites.

« Les Rampants sont humides sur toute une partie de leur corps car ils ne reçoivent jamais la lumière du soleil, précise le superviseur des effets spéciaux maquillage. Leur texture est presque visqueuse, comme des limaces. Ils sont incapables de se redresser ou même de se retourner. Ils sont assez étranges, surtout quand on se souvient de 28 jours plus tard où les infectés couraient à toute allure. Les Rampants, eux, se nourrissent des restes abandonnés par les autres infectés. Ils ont des dents atroces et absorbent tout ce qu’ils trouvent. Bref, ils sont plutôt répugnants. »

5 – Une dimension immersive

Alfie Willians et Ralph Fiennes

Danny Boyle et son directeur de la photographie Anthony Dod Mantle ont opté pour le format panoramique 2.76:1 afin d’accentuer la dimension immersive de 28 ans plus tard. « C’est un choix particulièrement percutant et gratifiant, affirme Anthony Dod Mantle. Il pousse l’expérience immersive du spectateur à son paroxysme et met en valeur la splendeur visuelle du film sur grand écran ».

Pour donner encore plus d’ampleur au style visuel du film, à sa dimension spectaculaire, à ses moments d’angoisse et de terreur, les deux hommes ont employé un arsenal varié de caméras numériques et argentiques, de drones et de capteurs high-tech spécialement adaptés, qui offrent une liberté de mouvement inédite.

« Ces outils nous ont offert la souplesse nécessaire pour filmer l’action dans des lieux enclavés, renchérit Danny Boyle. Nous voulions être le plus légers et adaptables possible. » directeur de la photographie a conçu des supports et des adaptateurs spécifiques pour pouvoir manier ces capteurs comme s’il s’agissait d’une caméra traditionnelle et utiliser des focales anamorphiques et sphériques particulières. » Pour renforcer l’impact et la dimension répugnante des nouveaux infectés de type Rampants, il a ainsi fixé des caméras sur les créatures. Résultat : des images qu’il juge « très dérangeantes » de leur chair flasque se traînant au ras du sol. « J’appelle ça embarquer le spectateur à travers le viseur de la caméra, et Danny et moi sommes conquis par cette idée. Je veux que le public ait l’impression de chevaucher les Rampants en étant sur leur dos. »

Crédit photos : © 2024 CTMG, Inc.