Dans Brief History of a Family, Lin Jianjie étudie une famille en apparence sans histoire mais pétrie de secrets tacites, d’attentes non satisfaites et d’émotions négligées. L’intrusion d’un tiers dans cet équilibre déjà fragile rendra visible ses profondes fractures. L’auteur-réalisateur adopte une mise en scène lente et feutrée, renforçant l’idée que les conflits ne s’expriment jamais frontalement. Chaque regard, silence ou geste du quotidien devient alors lourd de sens. Lin Jianjie revient sur son premier long métrage, un thriller psychologique où le drame est annoncé par des détails et non par des explosions émotionnelles. Brief History of a Family sort en salles ce 13 août.
L’histoire
Wei (Lin Muran), fils unique d’une famille aisée, dans la Chine post-politique de l’enfant unique, se rapproche de Shuo (Sun Xilun), un camarade de lycée, et l’invite un jour chez lui. Shuo ne tarde pas à s’immiscer dans le quotidien familial et à combler les attentes des parents de Wei. Pour sa mère (Guo Keyu), il représente une seconde chance d’être maman et l’espoir de guérir une profonde blessure intime. Pour son père (Zu Feng), obsédé par l’éducation et la réussite intellectuelle, Shuo constitue le fils qu’il aurait voulu élevé : calme, intelligent, sérieux et ambitieux dans ses études. Wei réalise peu à peu que Shuo devient le fils dont ses parents ont toujours rêvé.
Pourquoi réaliser un film sur la famille ?
Lin Jianjie : Je m’intéresse beaucoup à cette notion. Chaque famille est une entité intime qui fonctionne suivant des codes et des rituels qui lui sont propres. Les familles savent aussi parfaitement maintenir les apparences. Mais en y regardant de plus près, on découvre souvent quelque chose d’inattendu.
La société chinoise a également connu un profond bouleversement. Pendant plus de trente ans, la politique de l’enfant unique a laissé des traces sur des millions de familles chinoises. Désormais, il est possible d’avoir un deuxième enfant. Comment cette nouvelle doctrine va-t-elle changer la mentalité de ceux qui ont toujours connu la politique de l’enfant unique ?
J’avais aussi envie de m’emparer d’une histoire ancrée dans le réel afin de lui donner une dimension allégorique et jouer avec les codes du genre.
En quoi le parcours de Wei vous touche-t-il personnellement ?
Wei est en partie inspiré de mon propre vécu. En grandissant en tant qu’enfant unique, j’ai souvent ressenti une pression immense pour me démarquer, non seulement pour moi-même, mais aussi pour répondre aux ambitions de mes parents. Ce sentiment d’être à la fois chéri et étouffé est quelque chose que je voulais vraiment approfondir. Le conflit entre sa passion pour l’escrime et les attentes éducatives de ses parents reflète les luttes internes auxquelles de nombreux enfants uniques sont confrontés en Chine.
Sa relation avec Shuo est complexe. Shuo, en tant qu’étranger, menace la place de Wei dans la famille, symbolisant ce second enfant que les parents pourraient désormais avoir. Leur amitié se transforme en rivalité, exacerbée par la différence de classe sociale et les attentes des parents de Wei. C’est une dynamique où des tensions familiales et sociales s’entrecroisent, un peu à la manière de Caïn et Abel, mais dans un contexte chinois contemporain.
Comment avez-vous choisi vos comédiens ?
Je devais trouver des acteurs qui non seulement accrochent mon regard, mais stimulent aussi mon imagination.
Les deux jeunes interprètes se sont imposés pour des raisons différentes. Lin Muran parce qu’il avait très envie de montrer de quoi il était capable et Sun Xilun parce que, à l’inverse, il était d’une extrême pudeur.
Guo Keyu s’est fait connaître très jeune. Puis elle s’est mariée et a arrêté de tourner pendant plus de dix ans. Je l’ai vue récemment dans une émission de télé-réalité. Ses mimiques et ses expressions correspondaient bien au rôle. Elle ne m’a pas beaucoup parlé du film quand on s’est rencontrés. Cependant, elle m’a dit qu’en lisant le scénario elle avait eu l’impression de percer du regard un épais brouillard. Cette simple remarque m’est restée en tête pendant la préparation et le tournage.
Pour le père de Wei, j’ai rencontré plusieurs acteurs connus en Chine. Lorsque Zu Feng est venu faire une lecture, le rôle lui a parlé aussitôt. Il m’a suffi d’un seul rendez-vous pour comprendre qu’il correspondait au personnage. En plus, il connaît bien la musique classique, il est doué en calligraphie et il joue au tennis. On aurait dit que j’avais écrit le rôle pour lui.
Crédit photos : © Tandem Films
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